D’autres obtiennent juste la prison à perpétuité
BANGKOK — Pour la plupart, les banquiers américains dont la
soif du profit a mené à l’effondrement financier global de 2008 n’ont pas été
punis. Ils ont été récompensés.
Il y a des chances que leur destin ait été bien différent
au Vietnam, une autre nation qui éprouve des difficultés face au comportement
des banquiers.
L’Etat totalitaire du sud-est de l’Asie ne fait pas
qu’envoyer ses banquiers les moins scrupuleux en prison, il va parfois
jusqu’à les condamner à mort.
Dans le cadre d’un grand nettoyage de son secteur
financier, le Vietnam a condamné trois banquiers à mort au cours de ces six
derniers mois.
Deux d’entre eux ont détourné 25
millions de dollars depuis la banque d’Etat Vietnam Agribank.
Leurs co-conspirateurs ont été condamnés à
plusieurs décennies derrière les barreaux.
En mars, un ancien directeur régional de Vietnam Development Bank, une autre banque d’Etat, âgé de 57 ans,
a été condamné
à mort pour avoir détourné 93 millions de dollars.
Selon le journal vietnamien Tuoi
Tre, un certain nombre de ses complices ont été
emprisonnés à vie après qu’ils aient avoué avoir garanti des prêts grâce à
une bague sertie d’un diamant et d’un coupé cabriolet BMW. La semaine
dernière, des employés de la même banque ont fait l’objet de poursuite suite
à des pertes de 47 millions de dollars issues de prêts douteux.
Rien de tout cela n’impressionnerait Bernie Madoff, responsable de la plus grosse fraude financière
jamais élaborée aux Etats-Unis. Les sommes combinées des trois affaires
vietnamiennes ne représentent qu’un pourcent des 18 milliards de dollars
qu’il a pu détourner.
Mais ces condamnations à mort ne sont pas moins des
scandales au Vietnam.
Les organisations pour la défense des droits de l’Homme
maintiennent que les verdicts rendus au Vietnam sont des actes politiques aux
conclusions prédéterminées. L’audience : un public fatigué de la
corruption d’Etat. Mais ces verdicts sonnent aussi l’alarme pour les
banquiers actuellement responsables de fraudes.
« C'est un message passé à ceux qui jouent ce
jeu, pour les pousser à se montrer moins avares, et leur faire comprendre que
la situation devient hors-de-contrôle », explique Adam McCarthy,
économiste en chef pour la firme Mekong Economics, basée à Hanoi.
« Le message qui leur est transmis est
celui-ci : vos chances d’être attrapé augmentent. N’essayez pas de vous
reposer sur ceux qui sont au-dessus de vous. Parce que certains des hommes
qui ont été condamnées ont aussi des hommes au-dessus d’eux. Et cela ne les a
pas aidés ».
Comme beaucoup de nations qui écrasent les contestations
et opèrent avec peu de transparence, le Vietnam est un Etat corrompu.
Selon une étude de la Banque Mondiale, la moitié des
entreprises qui opèrent dans l’Etat communistes pensent qu’offrir des cadeaux
aux officiels du gouvernement est chose requise. Transparency
International, qui étudie la corruption dans le monde, estime que le
Vietnam est plus corrompu que le Mexique, mais pas autant que la Russie.
Contrairement aux Etats-Unis, où les juges ne peuvent pas
condamner des cols-blancs criminels à mort, le Vietnam peut exécuter ses
citoyens pour une série de crimes d’entreprise.
Selon Amnesty International, des condamnations
à mort ont été distribuées au Vietnam à des criminels responsables de
fraudes d’investissement, de contrefaçon et de défaut de prêt. C’est assez
inhabituel : les officiels des Nations Unies ont condamné l’usage de la
peine de mort pour « crimes économiques », mais le Vietnam n’est
pas revenu sur ses sentences – et la Chine non plus.
Selon Associated Press, bien que
les statistiques quant au système judiciaire vietnamien soient rares, un
officiel du gouvernement a avoué que plus
de 675 personnes attendent désormais d'être exécutées dans le pays pour
un certain nombre de crimes.
La peine de mort réservée aux banquiers n’est pas encore
claire. Les méthodes d’exécution
traditionnellement adoptées par le Vietnam comprennent entre autre le
ligotage d’un prisonnier aux yeux bandés et à la bouche remplie de citrons à
un poteau, puis l’appel d’une équipe de tireurs. La nation voudrait se
tourner vers la méthode des injections, mais les nations européennes
refusent d’exporter le produit chimique utilisé pour perpétrer des exécutions
(le sodium thiopental) à des gouvernements qui autorisent la peine capitale.
Les banquiers corrompus reçoivent des sentences lourdes à
une heure où le Vietnam met en place d’importantes réformes financières.
Des décennies durant, le Vietnam a lentement transformé
son marché communiste et dirigé par l’Etat en une arène plus ouverte et plus
compétitive. Après la réunification, le gouvernement possédait toutes les
banques du pays. Aujourd’hui, les banques d’Etat ne contrôlent que 40% des
actifs.
Cette transformation vers un système bancaire plus
occidental a poussé certains banquiers à détourner des fonds.
Selon
l'économiste des Nations Unies Vu Quang Viet, les lois sur le crédit
établies en 2010 « copient les lois américaines partiellement
responsables de la débâcle de 2008 ».
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