Parmi toutes les tensions qui
pèsent actuellement sur les Etats-Unis, il est quelque peu étonnant de voir
la haine raciale nous exploser aujourd’hui au visage plutôt que, disons, le
marché des actions. Peut-être est-il question de modes saisonnières :
émeutes raciales en été, effondrement des marchés en automne, et révolutions
au printemps.
Michael Brown, le jeune homme
Noir de dix-huit ans tué par balle par un policier à Ferguson, dans le
Missouri, n’était pas le meilleur candidat pour le martyre. Mais ce n’est qu’après
les violentes protestations qui ont suivi sa mort que la vidéo de son
braquage à main armée d’une boutique de quartier à fait surface – malgré les
efforts du Département de la justice de la faire disparaître. Il était alors
trop tard pour mettre fin au deuil populaire. Entre temps, la machine de
condescendance blanche (The
New York Times, The
Huffington Post, et. al.), est passée à
la vitesse supérieure pour valider les craintes et le ressentiment des
émeutiers.
Ceux qui nous observent
peut-être depuis Mars éprouvent certainement des difficultés à délier le vrai
du faux dans ce fatras de mauvais sentiments. Un rapport toxicologique aurait
dû accompagner le second rapport d’autopsie et lever le voile sur la
situation, mais personne n’a encore demandé à ce qu’il soit mené – pas même
les médias. Les jeunes hommes de dix-huit ans ne sont pas connus pour avoir
une bonne capacité de jugement ou la capacité de contrôler leurs impulsions, même
lorsqu’ils ne sont pas sous l’influence.
L'Amérique blanche est
torturée par l’échec de l’Amérique noire à faire surface, et toute la
culpabilité et l’anxiété qui en découle ne se retrouve qu’accrue par le quota
substantiel de Blancs qui perdent pied au sein de la classe moyenne et
intègrent les rangs des chômeurs et des bénéficiaires d’aides sociales. Les
remèdes habituels apportés à cette dépendance croissante ne fonctionnent plus
pour personne. Mais ils sont la solution politique à employer pour le moment.
Le gouvernement et les médias se fatiguent à chercher des excuses pour la
mauvaise conduite de tout le monde.
Notre pauvre nation se
retrouve forcée de repenser son économie
d’une manière qu’elle ose à peine imaginer, et forcée de réformer son
comportement social grotesque. Dans un monde meilleur, des changements
pourraient voir le jour, mais pour le moment, l’avenir ne s’annonce pas des
plus brillants. Mon propre camp est enclin à s’attendre à un effondrement
plutôt qu’à une réforme délibérée. Il semblerait que ce soit le destin que
nous nous soyons nous-mêmes fixés.
Le futur auquel nous n’osons
pas penser est celui d’une économie fondée sur la production alimentaire à l’échelle
locale et des activités nécessaires à son support, ainsi que la main d’œuvre qui
leur serait associée. Il y a des chances que nous ne parvenions même pas à
établir un tel système. Tout ce qui est certain, c’est que le futur officiel
que tant de gens attendent – un paradis économique digital – ne survivra pas la
pénurie du capital et de l’énergie qui nous pend au nez.
La question des relations raciales
aux Etats-Unis demeure trop compliquée à poser et trop délicate à expliquer. Sommes-nous
programmés pour vivre en ségrégation ? Beaucoup espèrent que ce ne soit
pas le cas. Cette possibilité a-t-elle été réfutée au cours des soixante
années qui se sont écoulées depuis Brown et autres contre le Bureau de l’éducation ?
Avons-nous différents standards de comportement en fonction de nos origines
raciales ? Une telle chose serait-elle possible ?
L’affaire Michael Brown à
Ferguson, dans le Missouri, ne peut pas inspirer la confiance à ceux qui
espère trouver des réponses à ces questions. La culture de l’opposition nourrit
la confrontation, parfois même à ses propres fins, parce qu’elle n’a rien de
mieux à faire. S’agit-il là d’un premier pas vers un mécontentement et un conflit
de plus grande échelle ? L’Amérique noire fait sans aucun doute face à
une crise existentielle, qui n’est pas celle imaginée par les médias
condescendants qui voudrait voir l’Amérique blanche plus juste et généreuse.
La vérité, c’est que nous sommes déjà passés par là, et qu’il n’y a plus rien
à faire. Nous avons écoulés tous les programmes d’action positive possibles.
Les débats sur la « diversité » ne changent rien du tout.
Avons-nous complètement abandonné l’idée d’une culture commune en même temps
que nos standards de comportement ? Si nous ne l’avons pas fait, il est
temps de nous préparer à toujours plus de violence et d’anarchie.