Dans cet entretien, Stephan
suggère que ‘les sociétés minières devraient cesser collectivement de vendre
sur les marchés à prix comptant et devraient traiter elles-mêmes avec leurs
acheteurs, puisqu’il existe des investisseurs sur toute la planète –
notamment en Chine, au Proche Orient et en Asie – prêts à payer d’importants
premiums pour pouvoir mettre la main sur du métal physique’.
Je trouve cette suggestion simpliste pour un certain
nombre de raisons. Premièrement, bien que les premiums soient susceptibles de
se développer de temps à autres sur certains marchés pour diverses raisons
(voir cette interview
avec Al Korelin dans laquelle j’explique l’impact
des restrictions de licences et de quotas d’importation en Chine), il
n’existe aucun marché sur lequel les gens paient 1900 dollars pour une once
d’or – de forts premiums représentent au mieux quelques dizaines de dollars,
pas des centaines (voir cette interview
avec William Kaye). Le fait est que la demande
Chinoise a explosé en avril en raison de l’effondrement du prix de l’or. La
faiblesse des prix est le problème des sociétés minières.
Deuxièmement, les premiums cités ne sont pas
nécessairement ce qu’obtiennent les banques commerciales. Dans l’interview de
William Kaye, il explique que les ‘membres du
gouvernement Chinois, probablement à l’échelle du Conseil d’Etat, ont décidé
qu’ils étaient fatigués des premiums payés par les Chinois pour obtenir de
l’or’. Il semblerait, au vu de ce que nous avons pu voir, que William se
trompe lorsqu’il dit que les officiels Chinois ‘reconnaissent que les banques
commerciales, aux dépens de la population et des bijoutiers, ont enregistré
des profits arbitraires’. La réalité est que le nombre limité d’importateurs
Chinois a le dessus sur les banques commerciales, qui sont en compétition
pour fournir et étendre le crédit des importateurs. Une majorité des premiums
finissent entre les mains des importateurs, et non celles des banques
commerciales. Les sociétés minières ne
reçoivent pas l’ensemble des premiums.
Troisièmement, les premiums bruts payés par les
importateurs ne sont que ça – bruts. Il faut leur retirer le coût de vente,
qui inclue le temps passé par chaque compagnie à négocier avec chaque
acheteur, le coût de transport vers les raffineries, le coût d’affinage, le transport
depuis les raffineries jusqu’aux acheteurs, et dans la plupart des cas le
coût de l’intérêt sur le financement de la vente parce que ces entreprises
demandent souvent un contrat de paiement sous 180 jours ou un stock en
consignation. La conséquence en est que les premiums finissent par
représenter des profits bien moindres.
L’idée que les sociétés minières devraient attirer leurs
acheteurs elles-mêmes revient à dire que les agriculteurs devraient faire
affaire directement avec les supermarchés. Il y a une raison pour laquelle
les industries du lait (ou de l’or) ont des processeurs qui leur accordent
des volumes et des distributeurs qui en gèrent le transport. C’est bien plus
efficace de diviser les tâches que de demander aux producteurs de faire affaire
avec chacun de leurs acheteurs. Les distributeurs/importateurs d’or préfèrent
vendre leur produit par tonnes pour éviter des coûts de transport trop
onéreux.
La seule manière dont cela pourrait fonctionner serait de
voir s’associer les sociétés minières pour que leur production soit mise en
commun et qu’elles puissent négocier avec les raffineries et les
distributeurs à une échelle raisonnable. Mais cela reviendrait à faire ce que
font les banques commerciales. Il faudrait aussi pouvoir lever du capital d’investissement
pour financer l’or jusqu’à réception de paiement, et les sociétés minières ne
trouvent pas très facile de récolter des fonds. Il y a aussi un risque de
crédit associé à l’acheteur, qui peut ne pas payer. Ce ne sont pas des
compétences dont disposent tous les gestionnaires de mines.
Je n’essaie pas de dissuader les sociétés minières de
former de tels groupes – cela ne changerait rien pour Perth Mint, par exemple, de faire des affaires avec une banque
commerciale ou un groupe minier. J’essaie juste de souligner l’idée que ces
premiums n’ont rien à voir avec des profits faciles. La distribution de l’or
est une entreprise compétitive et le profit marginal qui en découle ne
résoudra pas le problème financier des sociétés minières, qui ont besoin de
prix de plusieurs centaines de dollars plus élevés.
La seule manière dont les sociétés minières aurifères
pourraient impacter le prix à la marge serait de retenir une partie de
l’offre. Setphan suggère que les sociétés devraient
‘utiliser l’or et l’argent comme devise pour leur industrie, placer leur or
en tant qu’actifs monétaires et emprunter en or et non en dollars. Elles
devraient acheter de l’or et du métal physique et le déposer hors du système
bancaire. Lorsqu’elles ont besoin d’argent, elles peuvent vendre une partie
de leur métal’. David Baker, de chez Baker Steel
Capital Managers, a déjà abordé le sujet ainsi que celui des dividendes.
Perth Mint soutient ce type d’initiatives (voir par
exemple cette déclaration
de Korab Resources).
Le problème avec l'idée d'accumuler de l'or, en revanche,
est que les sociétés minières ont besoin d’argent et n’ont pas la possibilité
de ne pas vendre et de conserver de l’or en des quantités suffisantes pour en
impacter le prix.
Je ne sais pas quelle solution s'offre aux sociétés
minières pour régler leur problème, mais suggérer qu’il existe quelque part
un pot de premiums attendant les producteurs n’est que porteur de faux
espoirs.