Une fois de plus, la stratégie de détournement d’attention menée par le
gouvernement français a parfaitement fonctionné. Ainsi, pour éviter d’avoir à
justifier le silence assourdissant d’un ministre face aux propos dérangeants
qu’un individu pro-État islamique a tenus en direct à la télévision, en sa
présence, on choisit de faire pleurer les Français avec un oignon sans
« i » vieux d’un quart de siècle. Ça vous paraît peu clair ? Voyez
plutôt.
Rappel des faits
24 janvier 2016 : La ministre de l’Éducation, Najat
Vallaud-Belkacem, participe à une émission aux côtés d’un invité, Idris
Sihamedi, qui ne souhaite pas condamner les agissements de l’État
Islamique (il finira toutefois par évoquer une vague gêne sur la
question). La ministre ne réagit pas, ni pendant ni après.
La presse, les internets et le bon peuple commencent à s’interroger…
3 février 2016 : Après avoir « mystérieusement »
reçu un exemplaire du journal officiel du mois de novembre dernier parlant
d’une mesure elle-même datant de 1990 (et que tout le monde avait plus ou
moins oubliée), tous les médias français annoncent en même temps, et
avec force titrailles dignes d’une IIIe guerre mondiale, l’application
prochaine d’une réforme de l’orthographe propre à mettre en péril
notre patrimoine culturel (oui, Messieurs-Dames, rien de moins !).
Résultat des courses, le peuple s’émeut de la prochaine (et très exagérée
!) disparition des accents circonflexes, on crie au scandale face à la
mutilation prochaine de notre bon vieil oignon et on se demande si nos étangs
auront la même allure bucolique avec des nénufars à la place des nénuphars. Mais
de la complaisance impunie du sieur Sihamedi à l’égard de Daesh et de
l’absence de réaction d’une ministre assise à côté de lui, on ne parle plus
du tout. On a même complètement oublié l’évènement, noyé sous un
déferlement d’indignation lexicale admirablement médiatisée et astucieusement
relayé par les médias sociaux.
Voilà, opération réussie. Comme chaque fois qu’un sujet devient un peu
trop chaud pour la légitimité et la crédibilité de nos puissants, ils
s’arrangent pour nous balancer un leurre, un pigeon d’argile sur lequel on va
pouvoir vider nos cartouchières à loisir. Et comme chaque fois, cette
contre-mesure intervient très rapidement, au bout de quelques jours à peine,
juste pour détourner l’attention, désamorcer tout début d’escalade et permettre
le défoulement du bas peuple sur des sujets sans importance.
Dans le même genre d’ailleurs, le marathon des discours de bons
vœux accompli par François Hollande durant tout le mois de janvier
pourrait parfaitement être vu par les esprits chagrins comme une simple
mesure de « saturation médiatique » destinée à
faire oublier l’entrée en vigueur dans le même temps de certaines mesures pas
très sympathiques (au nombre desquelles figure notamment la
spoliation désormais possible des fonds déposés en banque par les
particuliers au delà d’un certain montant). Franchement, que celui
qui ne voit pas là encore une étrange coïncidence me jette la première
pierre. L’orthographe a le dos large.