Rien que depuis décembre 2018, les banques centrales ont
collectivement injecté 500 milliards de dollars afin de stabiliser l’économie.
La FED a mis en pause ses relèvements de taux, elle envisage maintenant de
mettre un terme à la réduction de la taille de son bilan. D’autres banques
centrales ont pris des initiatives similaires pour démarrer une nouvelle
phase des « bulles généralisées » alors que les marchés sont passés
de la panique à l’euphorie entre décembre et janvier.
Cet assaut monétaire semble avoir été dicté par des facteurs financiers :
- Baisse de la Bourse ;
- Augmentation des écarts de rendement ;
- Volatilité en hausse ;
- Perception d’un affaiblissement économique (Europe et
Chine).
Si les banques centrales écoutaient la règle de Walter Bagehot, elles ne
devraient agir qu’en dernier recours, en cas de crise financière, en prêtant
sans limites à des entreprises solvables en échange de garanties solides et à
des taux élevés. Au lieu de cela, elles sont devenues des prêteuses de
première ligne qui interviennent au moindre petit souci. Les banquiers
centraux américains sont en train de débattre concernant les QE. Doivent-ils devenir
la routine, ou être seulement utilisés en cas d’urgence ?
Depuis 2008, l’économie mondiale est devenue beaucoup trop dépendante des
politiques des banques centrales. Le boom économique américain, dont aime se
vanter Donald Trump, est largement artificiel. Une telle dépendance est
dangereuse, tandis qu’un retour de bâton n’est pas à exclure.
Tout d’abord, les capacités de prévision des banques centrales sont
faibles. Croissance, inflation et marché du travail pourraient être plus
résilients qu’anticipés. Les risques clés, comme le différend commercial
sino-américain, pourraient s’éloigner. Les marchés financiers ont déjà
largement récupéré leurs pertes. Il se pourrait que les banquiers centraux
soient à nouveau forcés de faire un virage à 180° pour éviter le gonflement
des bulles et la surchauffe de l’économie. Un nouveau changement de cap
serait déstabilisant et remettrait en cause la crédibilité des décideurs.
À vrai dire, faire baisser le coût de l’argent et augmenter la liquidité
pourrait ralentir l’économie au lieu de la doper. Un tel environnement
encourage l’automatisation. La baisse des rendements pousse les investisseurs
à être sélectifs, ce qui force des entreprises à augmenter les dividendes ou
les programmes de rachat d’actions, souvent en réduisant leur masse
salariale.
Des taux bas réduisent les revenus des retraités, et donc leur pouvoir
d’achat. Cela pose des problèmes pour les systèmes de retraite, qui
pourraient devoir abaisser les pensions en conséquence.
En fait, les actions des banques centrales sont un aveu implicite que les
niveaux de dette actuels ne sont pas tenables à des taux plus élevés. Aux
États-Unis, un chiffre record de 7 millions d’Américains ont au moins 90
jours de retard de paiement pour les mensualités de leur crédit auto, d’après
la FED de New York. Il s’agit d’un signe de tension parmi les revenus les
plus bas, qui traditionnellement donnent la priorité à ce genre de paiement.
Leurs actions montrent également que les besoins de financement du
gouvernement ont besoin du soutien de la banque centrale. (…)
Ce nouvel activisme des banques centrales ressemble à une capitulation
paniquée face aux exigences des marchés et des politiques. Cela encourage les
investisseurs à anticiper des interventions régulières afin de doper les prix
des actifs et tenir en respect la volatilité. Mais comme avec toutes les
addictions, les effets baissent avec le temps. (…)
Il est toujours plus facile de créer de l’argent que de le détruire. Dans
les faits, les banques centrales se sont prises au piège dans une situation
dans laquelle elles ne peuvent pas normaliser leurs politiques. Elles doivent
maintenir les taux à de bas niveaux et fournir des liquidités en abondance,
sans quoi elles risquent de déstabiliser des marchés fragiles, handicaper la
croissance et initier la désinflation. Cet état de « QE infini »
est susceptible d’engendrer de mauvais calculs et des erreurs de politique
majeures. Si tout dépend vraiment des banques centrales, nous sommes perdus.
Source