Le premier mois et demi de 2016
s’est avéré brutal pour le marché boursier américain, les moyennes majeures
ayant perdu plus de 10% sur la période. Le point culminant de ce déclin est survenu
le 11 février, avec la baisse d’1,6% du Dow Jones Industrial Average, et la
baisse d’1,2% du S&P 500. Depuis lors, le marché est parvenu à remonter
jusqu’à ce qu’il était à la fermeture des marchés de 2015, laissant les
moyennes majeures relativement plates sur l’année.
Mais pour comprendre vers où se
dirige le marché, il nous faut reconnaître ce qui a causé les ventes
survenues au début 2016, et ce qui a entraîné le récent rebond.
En décembre 2015 est survenue la
première hausse des taux de la Réserve fédérale en près de dix ans. Le
décollage de la Fed depuis sa politique de taux zéro a été anticipée par une
reprise du dollar qui a commencé en juillet 2014.
Le 25 janvier 2016, l’indice du
dollar (DXY), qui mesure la devise américaine contre un panier de six devises
majeures, a atteint un record à la hausse de court terme de 99,52. Depuis
lors, il a replongé pour atteindre 93,62, soit un déclin de 6%. La baisse du
dollar a été le contributeur primaire du rebond des moyennes majeures. Les
investisseurs ont vendu des dollars, parce que la directrice de la Fed, Janet
Yellen, est revenue sur sa promesse de faire grimper les taux quatre fois au
cours de l’année 2016.
Le déclin du dollar a apporté un
support crucial aux marchés globaux en stimulant les marchandises liées à la
dette détenues par les institutions financières, amélioré les prévisions de
revenus des multinationales américaines, et soutenu les réserves de dette
libellée en dollar des banques. En d’autres termes, le FOMC a temporairement
refinancé le système bancaire global aux dépens du dollar.
Aujourd’hui, le DXY est de
nouveau proche de son niveau de soutien crucial de 94, depuis lequel il a
replongé cinq fois l’année dernière. Pour maintenir gonflée la bulle globale
sur les actions, le FOMC doit déterminer s’il souhaite engendrer un marché
baissier du dollar ou laisser les actions s’effondrer.
Wall Street place ses espoirs sur un dollar en déclin
La triste vérité, c’est qu’il
n’existe aucun facteur fondamental solide qui justifie une hausse des
actions. Ainsi, les investisseurs ont pris une mauvaise décision en allouant
leur capital et en pariant sur le fait que l’inflation produite par la chute
du dollar serait capable de refinancer le marché tout entier.
Une tentative coordonnée des
banques centrales de déprécier le dollar, ou un dernier effort désespéré de
maintenir la bulle en place… parce que le marché boursier surévalué ne peut
être soutenu par les revenus ou la croissance du PIB.
Les Etats-Unis ne sont pas le
seul pays à souffrir d’une stagnation séculière. Le ralentissement de la
croissance globale a été pris en considération par le FMI. Premièrement, ce
dernier a réduit ses prévisions de croissance pour les Etats-Unis de 2,6 à
2,4%. Malgré les politiques monétaires agressives de la Banque du Japon, il a
également réduit de moitié ses prévisions de la croissance japonaise pour
l’année 2016, pour les porter à 0,5%. En 2017, lorsque la hausse des taxes à
la consommation prendra effet, le FMI s’attend à voir l’économie japonaise se
rétracter une fois de plus – comme elle a l’habitude de le faire – cette
fois-ci de 0,1%.
Les dix-neuf pays qui partagent
l’euro devraient collectivement gagner 1,5% cette année, contre des
prévisions précédentes à 1,7%. L’Amérique latine, qui souffre encore du
ralentissement de l’économie chinoise, devrait perdre 0,5% cette année,
contre des prévisions de +0,3% au mois de janvier. Cette contraction est
majoritairement causée par le Brésil, dont l’économie devrait se trouver
réduite de 3,8% cette année.
Toutes ces mauvaises nouvelles ont
poussé le FMI à réduire ses attentes de croissance globale pour une quatrième
fois en un an, cette fois-ci de 3,4 à 3,2%. L’année dernière, l’économie
globale a gagné 3,1%, son taux le plus faible enregistré depuis la récession
de 2009.
Au premier trimestre, le PIB
américain devrait, selon le modèle de la Fed d’Atlanta, gagner 0,3%. Ce
modèle n’inclue par les estimations de croissance nominale, mais grâce au
déflateur du PIB du trimestre dernier, nous pouvons estimer que la croissance
nominale du PIB au premier trimestre sera d’environ 1,2% (inflation +
croissance réelle). Une croissance nominale du PIB de 1,2% est ridicule. Et
parce que les revenus du S&P 500 ont tendance à croître avec le PIB
nominal, nous pouvons en déduire la même chose de l’état de santé des
corporations américaines.
Selon Zack's Financial Research,
les revenus devraient diminuer de 11,1% au premier trimestre, à partir de
-2,3%. La croissance des revenus devrait plonger dans le rouge pour onze des
seize secteurs observés. La croissance négative des revenus du premier
trimestre représentera un quatrième trimestre consécutif de déclin pour le
S&P 500.
Un dollar faible pourrait
apporter une rémission temporaire au marché boursier. En revanche, les
moyennes majeures restent surévaluées et leur effet de levier trop
élevé :
Les dettes des comptes sur
marge, en termes de pourcentage de l’économie, sont plus élevées aujourd’hui
qu’en 2000 et 2007.
Le rapport médian entre les prix
et les revenus est de 22,6, ce qui est plus élevé qu’au sommet du marché en
2007. Avec 22,6, le S&P 500 est actuellement 25,3% supérieur à sa valeur
juste médiane.
Le rapport des prix sur les
ventes est non seulement plus élevé qu’en 2007, il est aussi plus élevé que
n’importe quand auparavant, exception faite du sommet de la bulle sur
internet en 2000. Finalement, la capitalisation boursière totale des
corporations par rapport à l’économie est plus élevée qu’elle ne l’a jamais
été, exception faite de l’engouement pour le NASDAQ.
La combinaison d’un déclin des
revenus des corporations et d’une surévaluation du marché boursier et son
effet de levier devraient faire s’effondrer les actions. C’est la raison pour
laquelle la Fed a décidé d’ajourner ses hausses de taux. Dans l’espoir que la
chute du dollar continuera de refinancer le système financier global.
Mais une chute du dollar n’est
pas une stratégie viable sur le long terme en termes de prospérité
économique. Regardez le Japon. La croissance ne naît pas de l’effondrement
d’une devise. Le yen a perdu 35% ces dernières années, et l’économie du Japon
est en récession perpétuelle. Au mieux, le passage du DXY au-dessus de 94
apportera un répit temporaire aux moyennes majeures. Mais l’inflation et la
destruction des devises sont les ennemies de la croissance, et nous mèneront
à une dislocation des prix des actifs et de la croissance économique… elles
ne feront
que nous rapprocher de l’heure
de vérité.