Comment sauver
l’Europe en soutenant l’Italie et l’Espagne ? Un G20
entièrement consacré au sujet n’y a pas suffi et la
solution va se faire attendre. Au fur et à mesure que des propositions
sont formulées, elles se dérobent ensuite quand il faut les
concrétiser.
Cela a commencé par
une idée magique, qu’il a fallu ensuite mettre en musique :
donner au FESF (fonds européen de stabilité financière)
un effet de levier pour démultiplier ses moyens financiers. Une première
option a été écartée, qui consistait à lui
donner un statut de banque pour qu’il puisse se financer auprès
de la BCE, comme toute banque qui se respecte et n’y manque pas
d’ailleurs. Présentée par les Français,
discrètement appuyée par les Américains et les
Britanniques, elle a été repoussée par
l’Allemagne, qui a fait prévaloir un autre montage reposant sur
une garantie partielle donnée aux investisseurs, s’ils
achetaient de la dette souveraine des pays bénéficiant de cette
couverture. Ce montage a été jugé depuis fort peu
crédible et ne semble pas avoir beaucoup avancé.
Principaux
détenteurs d’importantes réserves, les pays émergents
ont été ensuite sollicités, ce qui revenait à
entériner le fait que l’Europe n’avait pas les moyens de
son propre sauvetage. Les émergents se sont fait prier et
n’ont pour l’instant envisagé que des participations
limitées. Estimant que les Européens devaient d’abord
faire la preuve de leur crédibilité et n’envisageant leur
soutien que via le FMI, pour plus de garantie.
Ce dernier est alors apparu
lors du G20 comme le sauveur. D’abord se déclarant prêt
à accorder des lignes de crédit par précaution
aux pays européens qui en avaient besoin, selon un modèle
déjà éprouvé dans d’autres circonstances et
sous d’autres cieux. Ou grâce à deux autres formules : en
abritant une structure destinée à recevoir des prêts
bilatéraux des pays émergents, ou en émettant des droits
de tirage spéciaux (DTS) destinés aux pays européens qui
le demanderaient.
Les obstacles n’ont
pas manqué de survenir. Du côté des Allemands en premier
lieu, qui ont fait valoir que les DTS représentant une créance
sur un panier de monnaies comprenant l’euro, une émission de
ceux-ci reviendrait à un nouvel engagement financier de
l’Allemagne, qui ne veut plus en entendre parler. Ou par la suite du
côté des Canadiens, qui ont fait savoir que « le FMI est
là pour aider les pays aux finances fragiles (…) Les pays les
plus forts en Europe doivent mettre à disposition des moyens de
financement pour la zone euro ». Ajoutant qu’il serait difficile
de justifier auprès des Japonais et des Américains, dont les
pays sont eux-mêmes très endettés, qu’ils doivent
aider les Européens.
Puis, comme s’il
était nécessaire de rajouter à la confusion ambiante,
une rumeur était relayée en Allemagne par la Frankfurter Allgemeine Zeitung, selon laquelle la
Bundesbank pourrait être contrainte de confier ses réserves
d’or afin qu’elles soient adossées au FESF, suscitant une
levée de boucliers. Le Welt Am Sonntag affirmait même que la proposition avait
été faite par Nicolas Sarkozy, David Cameron et Barack Obama
lors du G20, et que seule l’opiniâtreté de Jens Weidmann, président de la Bundesbank, y avait fait
obstacle.
Quelle morale tirer de
cette nouvelle histoire ? Une fois de plus que la stratégie
adoptée par les dirigeants européens témoigne
d’une fatale obstination, et qu’ils ne parviennent pas à
s’en donner les moyens alors que le dérapage s’accentue.
Et aussi de constater que les candidats à leur succession
témoignent du même acharnement. Les soulagements à la
rigueur dont ils affirment être porteurs n’en feront pas pour
autant une stratégie victorieuse ; des mises en cause plus radicales
sont nécessaires, qu’ils ne conçoivent pas.
François Hollande
n’exprimait pas autre chose, il y a deux jours, en déclarant
qu’il faut « doter le Fonds de stabilité financière
de manière puissante pour permettre à la Banque centrale
européenne d’intervenir aujourd’hui et enfin avoir une
politique de croissance pour que les pays puissent non seulement réduire
leurs dettes et leurs déficits mais surtout avoir les moyens de
préparer l’avenir ». Des mots sans portée au
service d’une analyse des plus conventionnelles.
C’est de Gabriel
Bernardino, président de l’Autorité européenne de
supervision des assurances, que provient dans le quotidien Handelsblatt le diagnostic
selon lequel « C’est une crise du système, tout le monde
le sait », faisant référence à
l’interconnexion des banques et des États. Tout le monde le
sait, mais tout le monde ne le dit pas !
Billet
rédigé par François Leclerc
|