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La fréquentation de
quelques forums immobiliers m'a permis de me rendre compte à quel
point certaines représentations de la crise du logement que nous
connaissons aujourd'hui étaient erronées. Je vais m'attacher,
dans les prochains jours, à démonter certaines idées
fausses.
Ce soir, mythe n°1 : "la
bulle est mondiale".
La question souvent posée est la
suivante: comment pouvez vous affirmer que la
réglementation française provoque la bulle, alors que celle ci
est mondiale, et que les réglementations des pays concernées ne
sont pas les mêmes ?
La bulle immobilière que nous
connaissons n'est pas mondiale. Je n'ai pas la prétention de connaître
100% des marchés mondiaux, très loin s'en faut, mais
l'Allemagne, la Belgique, ne connaissent pas de bulle, alors que leurs
conjonctures macro-économiques sont proches de la notre. Ceci dit,
leur démographie est moins dynamique que celle de notre hexagone, on
ne peut donc pas attribuer avec certitude la relative atonie de ces
marchés à des réglementations foncières plus
souples que chez nous, ce qui, au moins en Allemagne, est bien le cas.
Mais intéressons nous au monde
Anglo-Saxon: USA, Canada, Australie, Nouvelle Zélande,
Irlande, Royaume uni. Tous ces pays ont connu des
évolutions macro économiques proches, mais pas totalement
similaires. Notamment, leurs pouvoirs d'achat comparé à la
France, en parité de pouvoir d'achat, n'y a pas évolué
partout dans les mêmes proportions. Dans les 3 derniers pays
cités, les réglementations foncières sont très
restrictives et relativement uniformes. En Australie, ces règles sont
régionales, et toutes les provinces de la côte est (celle des
grandes métropoles comme Sidney ou Melbourne) ont mis en oeuvre des
"smart growth policies" qui se caractérisent par une grande
difficulté de libérer des terrains à la construction en
périphérie des agglomérations existantes.
En revanche, aux USA et au Canada, la
réglementation est locale, et répond à trois
philosophies différentes: soit une absence de zonage, soit un zonage
très flexible qui vise à garantir un excès d'offre
foncière par rapport à la demande, soit un zonage
très ferme, "prescriptif", qui prétend orienter lourdement
le développement de la ville selon les voeux d'experts urbanistes. Le
terrain y est alors souvent moins disponible que ce que la demande
potentielle de logements nécessiterait en temps normal.
Or, plusieurs études, et notamment
celle
de l'institut Demographia, que je présentais ici il y a
quelques jours, montrent que non seulement seules des villes des USA et du
Canada dotées d'un urbanisme de type "prescriptif"
connaissaient une bulle, qu'aucune de ces villes n'avait un logement moyen
abordable, et qu'aucun autre facteur, comme la croissance
démographique ou le dynamisme économique, ne permettait de
fonder une hypothèse concurrente, faute d'absence totale de
corrélation. Il y a donc des villes, dont certaines ont connu
ces 15 dernières années un développement
démographique impressionnant, signe d'une très forte
attractivité, qui n'ont pas connu de bulle. 59 des 227 plus grandes
agglomérations des 6 pays étudiés, pour être exact.
La bulle n'est donc pas mondiale, ce qui signifie
qu'elle ne se développe pas uniformément sur des territoires
économiquement similaires. Il y a des endroits qui, placés sous
les mêmes conditions macroéconomiques que le monde qui les
entoure, et avec des données micro-économiques on ne peut plus
favorables, qui ne connaissent pas le phénomène de bulle en
question. D'ailleurs, ce que les médias appellent par esprit de
simplification "la bulle immobilière aux USA" est en fait
localisée dans 15 états seulement sur 50. Il est vrai que l'on
y trouve tous les états les plus peuplés, à la
très notable exception du Texas (n°2 derrière la
Californie). Il est donc compréhensible que des médias aient
hâtivement conclu à une bulle généralisée
aux USA, mais ce n'est pas le cas.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à
l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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