L’un des grands angles morts dans le rétroviseur de la stratégie
économique américaine est l’augmentation de l’utilisation de l’or physique
par la Chine, la Russie, l’Iran, la Turquie et d’autres nations afin de
contourner l’impact des sanctions US ainsi que de lancer une contre-offensive
face à la domination des États-Unis sur le terrain des paiements
internationaux en dollars. Il s’agit de l’axe de l’or.
Ce système de paiement basé sur le métal jaune diluera pour
ensuite éliminer l’impact des sanctions américaines axées sur le dollar.
L’or offre aux adversaires américains un moyen de défense significatif
contre ces sanctions. L’or est physique et non électronique, il ne peut donc
être gelé ou confisqué. L’or est aisément transportable par avion afin de
régler une dette entre 2 nations, qu’elle soit commerciale ou autre.
Les flux d’or ne peuvent être empêchés par Swift, le système de paiements
internationaux. L’or est fongible et ne peut être tracé (il s’agit d’un
élément, le numéro atomique 79), donc il est impossible de déterminer son
origine.
Nous disposons de nombreux éléments qui prouvent l’existence de l’axe de
l’or, ainsi que son gain en traction.
Nous savons, par exemple, que la Russie a triplé ses réserves d’or durant
les 10 dernières années. Moscou est passé de 600 tonnes à plus de
1800 tonnes d’or physique. La Banque centrale russe se dirige rapidement vers
des réserves de 2000 tonnes. Il s’agit d’une énorme quantité d’or.
La Chine amasse également du métal à un rythme incroyable. Comme la
Russie, l’Empire du milieu a triplé ses réserves d’or, officiellement de 1600
à 1800 tonnes. Nous avons de très bonnes raisons de croire que la Chine
possède en fait bien plus d’or que cela.
Pékin pourrait avoir dans ses coffres plus de 4000 tonnes d’or physique.
Il est impossible de connaître la quantité exacte car la Chine est très
opaque en ce qui concerne ses réserves d’or. 4000 tonnes semble néanmoins une
estimation raisonnable. La Chine est également le plus gros producteur
mondial d’or, ses mines produisent environ 450 tonnes par an.
L’Iran possède également une énorme quantité d’or. Téhéran a reçu pour des
milliards de dollars de métal de la part de l’administration Obama en guise
de dessous de table afin d’accepter un accord sur le nucléaire aujourd’hui
remis en question.
L’Iran a également reçu de l’or importé d’Europe via la Turquie, mais on
ignore la quantité exacte. Nous ne connaissons pas les réserves d’or
iraniennes car ce pays est également très peu transparent la matière. Mais on
sait que durant le premier trimestre de 2018, les achats de lingots et d’or
de l’Iran ont plus que triplé.
Il n’en va pas autrement en Turquie. Ce pays acquiert de grandes quantités
de métal. Cela ne devrait pas être une surprise alors que le président turc
Erdogan a récemment remis en question le rôle du dollar dans le commerce
international.
Durant ces 12 derniers mois, la Banque centrale de Turquie a quasiment
doublé ses réserves d’or, d’après le World Gold Council. Durant le T1 2018,
elle s’est hissée sur la seconde marche des banques centrales qui ont acheté
le plus d’or.
Voici pour les membres de l’axe de l’or. Les preuves de son existence sont
irréfutables. J’ai évoqué le sujet avec la communauté du renseignement
américain, qui s’intéresse également à ces informations. Ses membres ne
disent pas autre chose, donc il est clair que cela est en train d’avoir
lieu.
Ce genre d’information, vous ne la verrez pas faire les titres des
journaux. C’est néanmoins en train de se passer en coulisse.
J’ai exploré les conséquences de nombreux scénarios de guerres
commerciales. Je suis notamment membre des conseillers du Center for
Sanctions and Illicit Finance, qui est un think tank à la pointe sur le
sujet. Je m’entretiens avec d’autres experts de ces questions, d’anciens
membres de gouvernement ou des gens en poste actuellement.
Cela fait des années que j’avertis le Pentagone et le Trésor de cette
menace. Mais le message ne passe pas. Les États-Unis ne sont toujours pas
préparés à cette alternative à la domination du dollar qui arrive.
En attendant, les sanctions commerciales américaines contre la Chine, la
Russie et l’Europe commencent seulement à faire mal. Les dernières sanctions
de Trump contre l’Iran pourraient être la goutte qui fait déborder le vase.
Les États-Unis sont de plus en plus perçus comme une entité qui harcèle les
autres en utilisant le dollar comme moyen de coercition.
Ces vents contraires sont illustrés par le graphique ci-dessous. Il met en
exergue les clients de l’Iran. Le plus gros acheteur de pétrole iranien est
la Chine, et de loin. Les besoins de la Chine en la matière sont énormes,
tandis que la capacité de l’Iran de vendre son brut contre une devise solide
est d’une importance existentielle.
Si les
États-Unis empêchent l’Iran de payer ou de recevoir des dollars ou des
devises solides pour vendre son pétrole ou acheter des équipements, l’Iran
devra recourir à d’autres méthodes. La Chine est prête à payer son pétrole en
yuans, mais l’appétit de Téhéran pour cette devise est limité. La solution
est donc simple : solder les comptes internationaux avec de l’or. Les
sanctions de Trump contre l’Iran sont doublement pénalisantes.
Tout d’abord elles sont un frein au commerce mondial et à la croissance.
Surtout en Europe, où la croissance ralentissait déjà avant les sanctions.
Deuxièmement, l’axe de l’or va créer une énorme demande d’or physique en tant
qu’alternative aux paiements en dollars, vulnérables aux sanctions
américaines.
Simultanément, l’axe de l’or crée une demande conséquente qui
s’auto-alimente parmi ces nations. Mais actuellement la production minière
est stable, les banques centrales occidentales vendent beaucoup moins de
métal qu’auparavant tandis que les nations de l’axe en accumulent de plus en
plus.
Avec une production limitée, des ventes en Occident qui sont restreintes
et d’énormes achats en Orient, les conséquences de la loi de l’offre et
de la demande devront forcément se manifester. Le prix de l’or grimpera
ensuite, peu importe les manipulations sur le marché papier.
Simultanément, le resserrement de vis monétaire de la FED en combinaison
avec la croissance moribonde poussera l’économie américaine au seuil de la
récession au cours de l’année 2018.
Cela forcera la FED à faire machine arrière, notamment à faire une pause
dans son cycle de relèvement des taux. Cela pourrait avoir lieu en septembre,
d’ici décembre c’est presque certain. Le retournement de veste de la FED
ôtera un vent contraire majeur à la hausse du cours de l’or. Cela
deviendra un vent favorable.
Le cours du métal précieux devrait être beaucoup plus élevé d’ici la
fin de l’année. Dans les mois qui viennent nous allons connaître des hauts et
des bas, mais d’ici la fin de l’été et le début de l’automne nous devrions
être autour des 1400 $ l’once, voire plus.
La faiblesse récente du métal doit être considérée pour ce qu’elle est, un
retrait temporaire dans le cadre d’un nouveau marché haussier. Le prix actuel
autour des 1300 $ est une opportunité classique « d’achat du dip » qui
ne se représentera pas de sitôt. (…) »
Article de Jim Rickards, publié le 24 mai 2018 sur DailyReckoning.com