Le combat mené par la
Chine contre la corruption, ou du moins ses démonstrations ostentatoires de
lutte contre la corruption et de chasse de fonctionnaires corrompus qui selon
certains prendraient des airs de purge politique, pourrait ou non prendre
pour cible la corruption véritable, celle qui graisse les rouages de
l’économie chinoise. Ce qui est sûr, c’est que cette chasse à la corruption a
de lourdes conséquences pour Macao.
Macao est le seul
endroit en Chine où les Chinois sont autorisés à jouer avec leur argent sans
avoir recours au marché noir. C’est aussi le seul endroit où il leur est
possible de contourner les contrôles de capitaux chinois et de faire sortir
de l’argent de Chine pour le rediriger vers des valeurs refuges comme les
appartements hors de prix des villes les plus chères des Etats-Unis, qui sont
actuellement au plus haut de la bulle sur l’immobilier 2.0.
Jusqu’en février 2014, Macao
a pu profiter d’une situation qui a commencé en 2001 avec l’autorisation
donnée à certains opérateurs de casino de construire des palaces du jeu
d’argent. En 2002, Macao est devenue la destination privilégiée des joueurs
d’argent du monde. Même pendant la crise financière, les revenus de
l’industrie du jeu d’argent de Macao ont grimpé de près de 10%. Cette hausse
continue des revenus des casinos est un thermomètre qui a pu prédire la
croissance économique de la Chine.
Dans son combat contre
la corruption, la Chine s’attaque à Macao sur deux plans : les joueurs
sont poussés à fuir la région, et les lois contre l’évasion fiscale sont
renforcées. Et cette année, Macao a dû encaisser un troisième choc : la
détérioration de l’économie de la Chine continentale.
En conséquence, le PIB
réel de Macao a perdu 24,5% sur un an au premier trimestre, avant de perdre
26,4% de plus au second trimestre, pour passer à 77,5 milliards de patacas
(9,7 milliards de dollars), son niveau le plus bas depuis le début 2011.
Dans son rapport publié
aujourd’hui, le Bureau chinois des statistiques et du recensement a blâmé les
exportateurs de jeux d’argent, dont les revenus ont perdu 40,5% sur un
an ; ainsi que les exportateurs « d’autres services
touristiques », qui ont perdu 21,5%. L’exportation de services a perdu
35,9% dans son ensemble.
Au cours de la première
moitié de l’année, le PIB de Macao a perdu 25,4% sur un an. Le rapport dit ne
percevoir aucun signe d’amélioration.
Mais l’effondrement de
l’économie de Macao survenu depuis l’an dernier ne justifie pas le pessimisme
officiel de Pékin :
Il n’en est pas moins
que la demande domestique soit restée stable ; les investissements ont
gagné 15,8% alors que les dépenses privées et gouvernementales ont maintenu
une croissance stable pour réduire la magnitude du ralentissement économique.
Voici maintenant à quoi
ressemblent les revenus liés aux jeux d’argent de Macao depuis 2010, selon le
Bureau d’inspection et de coordination des jeux d’argent. Depuis leur niveau
record atteint en février 2014, alors que le gouvernement de Pékin commençait
à poser le pied sur la pédale de frein, jusqu’en juillet 2015, la source de
revenus principale de Macao a perdu 51% :
Ils auraient également
baissé au mois d’août dernier.
Et pourtant, malgré cet
effondrement de l’industrie du casino, le chômage n’a gagné que 0,1% sur
l’année pour atteindre 1,8% - ce qui fait de Macao le rêve de toutes les
économies qui se sont effondrées suite à une dépression similaire, comme la
Grèce. Alors le gouvernement continue d’accroître ses dépenses.
Les dépenses de
consommation finale du gouvernement ont augmenté de 5,7% sur l’année. La
compensation des employés a augmenté de 4,4%, et les achats nets de biens et
services ont gagné 8,1%.
Et l’inflation grimpe,
le déflateur du PIB qui mesure l’évolution des prix ayant gagné 5% sur un an.
Le surplus fiscal dont
s’est tant vanté Macao, qui a atteint 35 milliards de patacas au premier
trimestre de 2014 (4,4 milliards d’euros) et dépend désespérément des revenus
de l’industrie des casinos, est en baisse. Au premier trimestre de cette
année, il a baissé de 17 milliards de patacas (2,1 milliards de dollars),
selon les chiffres publiés par Bloomberg. Au deuxième trimestre, il a perdu 8,6
milliards de patacas (1,1 milliard de dollars). A ce rythme, il devrait
complètement disparaître sous un trimestre ou deux.
Et voilà maintenant que
le directeur Fernando Chui, qui est soutenu par le gouvernement central et ne
peut pas mentionner le désir de ce dernier d’étrangler Macao, déclare
l’impensable : si les revenus des casinos continuent de baisser, les dépenses
du gouvernement seront réduites.
Cela n’a cependant pas
suffi à décourager les directeurs de casinos, qui tentent le tout pour le
tout, y compris la construction de nouveaux casinos de luxe ainsi que
d’hôtels dont les services vont au-delà du jeu d’argent pour encourager le
tourisme des Chinois – sur un seul principe : construisons, et ils
viendront.
Mais les nouveaux
clients ne viennent pas. Voici ce qu’en dit Bloomberg :
La vente de voyages
organisés a perdu 19% sur un an en juillet, alors même que le nombre de
chambres d’hôtel dans l’ancienne enclave portugaise augmentait de 7,2%.
Les propriétaires de
casinos et leurs investisseurs devront bientôt porter l’effondrement de ce
qui était autrefois une bulle grandiose. Mais personne n’a jamais été
autorisé à parler de bulle. Les investisseurs ont été encouragés à croire que
la situation perdurerait, et qu’1,3 milliard de Chinois de plus en plus
riches finiraient un jour par venir à Macao. Les investisseurs se sont vus présenter
toutes sortes de graphiques mettant en scène le plus rose des scénarios. Mais
le rêve a véritablement pris fin.
De récentes révélations
indiquent que l’économie chinoise ne fait pas que ralentir. Voyez ceci :
China
Entering Ugly Recession, Not Just a “Hard Landing?”
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