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L'industrie pharmaceutique indienne et les brevets

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Publié le 21 novembre 2014
1097 mots - Temps de lecture : 2 - 4 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

La propriété intellectuelle est un de ces sujets sensibles qui a tendance à diviser les esprits entre ceux qui la défendent et ceux qui souhaitent sa disparition. Dans le cas du brevet, on a très souvent mis en avant la nécessité d'accorder une protection aux inventeurs afin de stimuler leur activité créatrice et pouvoir ainsi couvrir leurs frais d'investissement et empêcher qu'on leur « pique » leurs idées.

 

L'industrie pharmaceutique fait partie de ces secteurs d'activité où la justification d'une telle protection semble la plus évidente : de très lourds investissements en R&D et un coût marginal de production du médicament relativement faible. Il semble donc assez évident que l'entreprise innovante peut se faire « voler » sa formule après avoir fait de gros investissements pour la mettre au point. Les autres entreprises, en passagers clandestins, n'auront alors que les frais de production du médicament à mettre sur la table, sans supporter le coût de R&D. Dans une telle situation, aucune entreprise ne prendrait le risque d'investir. Et pourtant, l'Inde n'a connu de brevets sur les produits[1] que très tard dans l'histoire de son secteur pharmaceutique. De quoi nous laisser tirer quelques leçons.

 

L’expérience indienne est intéressante à bien des égards. D’abord, parce que le système de brevets n’a été mis en place qu’il y a environ 10 ans. Ensuite, parce que ce système lui a été plus ou moins imposé par des pressions extérieures, notamment d’entreprises pharmaceutiques des pays développés, ainsi que par leurs gouvernements, suite aux accords internationaux de l’OMC[2]. L’OMC cherche à contraindre d’autres pays comme la Chine ou le Brésil à reconnaître les droits de propriété intellectuelle des entreprises étrangères.

 

Entre 1978 et 2005, l’Inde est devenu l'un des pôles mondiaux les plus importants de la production de médicaments génériques. En effet, jusqu’en 2005, le pays ne possédait pas de système de brevets sur les médicaments. Il était en revanche possible de déposer un brevet sur les processus de production. L’exemple le plus remarquable de l'efficacité de ce secteur est certainement la production d’antirétroviraux (ARV) utilisés pour combattre le SIDA. Selon Médecins sans frontière (MSF), le coût des traitements par patients en l’an 2000 était d’environ 10 000 dollars, contre … $150 dix ans plus tard, grâce à un marché indien où la concurrence entre producteurs est soutenue. La concurrence se fait sur les prix, mais les produits restent de bonne qualité, assure MSF. Et plus encore, l’organisme ajoute :

 

L’absence de brevets en Inde a également facilité le développement de médicaments associant trois molécules dans un comprimé contre le VIH/sida, appelés combinaisons à dose fixe, et de formulations pour les enfants[3].

 

L’Inde devenait ainsi, à l’instar de l’Italie d’avant 1978[4], un pays propice au développement technologique basé sur la concurrence saine et naturelle, qui ne nécessitait pas de système de propriété intellectuelle sur les produits pharmaceutique. Autrement dit, il n'y avait pas de monopole temporaire légal. Dans d'autres industries, quand un marché se développe, on parle du processus de « montée en gamme » : c'est ici le même principe. Les firmes s'insèrent dans le marché en copiant, puis peu à peu accumulent des bénéfices et du savoir-faire qu'elles pourront réinvestir pour créer toujours plus de valeur ajoutée et se démarquer des autres.

 

Et comme cela a été le cas en Italie, la mise en place d’un système de brevets sur les produits pharmaceutiques en Inde a eu comme conséquence que :

 

(…) the rate of growth in innovation, as measured by investments in R&D, has fallen in India’s product patent regime. (…) This study indicates that product-patent regimes do not necessarily generate greater rates of innovation than process patent regimes, and may reduce innovation[5].

 

La commission de l’Organisation mondiale pour la santé, dans son rapport de 2006, confirme le fait que l’entrée des pays en développement, dans le cadre légal relatif à la propriété intellectuelle imposé par l’OMC, n’a pas eu d’effets nets, clairs et précis d’une hausse de dépenses en R&D concernant les maladies locales. 

 

Là encore, la conclusion à en tirer est que le système de brevets sur les produits pharmaceutique est nocif. L’introduction de ce régime a eu des conséquences néfastes et pour l’innovation, et pour l’offre mondiale de médicaments en diminuant de manière assez significative l’offre, avec par voie de conséquence une hausse des prix.

 

Un autre fait empirique intéressant à retenir de l’expérience indienne est le temps qu’il fallait aux entreprises pour imiter un produit breveté. On a estimé qu’il faut environ 4 années à un médicament générique pour rentrer sur un marché. Ce point est très intéressant : le temps d’imitation est important, la copie ne se fait pas instantanément, l’innovateur a donc un monopole naturel (naturel dans le sens où il n'y a pas besoin de contrainte légale) temporaire pour rentabiliser son innovation, créer ou capter sa demande. Il ne s'agit pas seulement de copier une formule, il faut mettre en place un processus de production, obtenir les autorisations de mise en marché, développer des savoir-faire, etc.

 

C’est ce que la théorie économique appelle l’avantage du précurseur. Cette expérience indienne semble montrer aussi que les parts de marché de l’innovateur restent supérieures à 20 % une fois que les génériques pénètrent le marché[6], ce qui lui permet toujours de continuer à rentabiliser son invention.

 

Finalement, la rente de monopole temporaire théorisée par Schumpeter semble s'exercer aussi dans l'industrie pharmaceutique. La conséquence directe est que la défense du système de brevets se fragilise. Si des pays comme l'Italie ou l'Inde ont réussi à avoir une industrie pharmaceutique sans brevets sur les produits, et que l'instauration de ces brevets n'a eu aucun effet positif clair sur la R&D, alors le système de brevet devrait être remis en question.

 

 

 



[1] Product patents, à différencier des brevets sur les processus de production (process patents).

[2] ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce). Il est d’ailleurs curieux que ce sujet soit traité directement par l’OMC, alors qu’il existe l’OMPI (l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle).

[3] http://www.msf.fr/actualite/publications/regime-brevets-en-inde-et-affaire-novartis-questionsreponses

[4] L’industrie pharmaceutique italienne s’est développée pendant presque un siècle sans aucune protection légale touchant de près ou de loin aux brevets et se trouvait juste avant la mise en place de son système de brevet (1978) en 5e place mondiale en termes de production de médicaments, et en 7e place en ce qui a trait aux exportations de médicaments.

[5] G. Haley, U. Haley, The effects of patent-law changes on innovation: The case of India’s pharmaceutical industry, Technological Forecasting and Social Change, 2011.

[6] Boldrin, M. & Levine, D.K., Against Intellectual Monopoly, C. U. Press, ed., 2010.

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Romain Hery est diplômé d'un master recherche en analyse économique du droit de l’université Aix-Marseille
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