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La Chine tremble en silence. Michel Santi.
La Chine est-elle à l’orée d’une crise similaire à celle subie l’an
dernier par l’Argentine du fait d’une balance des paiements défaillante ?
Dans une telle hypothèse, la Chine se verrait à court de dollars pour pouvoir
soutenir sa propre monnaie ! Comme nombre d’autres nations souveraines, le
Yuan est adossé aux réserves en devises étrangères de son pays qui se
trouvent être substantiellement investies en Bons du Trésor américain. Ces
actifs à disposition de la banque centrale chinoise, et figurant du reste à
son bilan, lui sont essentiels non seulement afin d’intervenir si besoin est
pour faire monter ou baisser le Yuan, mais également pour renflouer son
système bancaire national. C’est là que les barrières douanières
mises en place par l’équipe Trump menacent directement la Chine car la chute
de ses exportations vers les Etats-Unis est en passe de provoquer un
ralentissement économique bien plus important que prévu initialement, lequel
comprime par la force des choses l’approvisionnement des chinois en dollars.
C’est l’ensemble du tissu bancaire et financier chinois qui se retrouve ainsi
fragilisé, quasiment en cale sèche du point de vue de son stock en monnaie
américaine, car la réduction des influx en dollars est en outre concomitante
avec l’accélération de la fuite des capitaux hors du pays. Après avoir brûlé
1 trillion de dollars (1’000 milliards) entre 2014 et 2017 à défendre leur monnaie,
les chinois peuvent néanmoins toujours se targuer d’être le pays le plus
riche en termes de réserves monétaires avec leurs 3.1 trillions actuellement
en stock. La dynamique leur est toutefois défavorable car ces réserves ont
fondu, de près de 50% de leur P.I.B. en 2010 à moins de 30% en 2019, tandis
que la dette extérieure du pays a atteint l’an dernier un pic sans précédent
à 2 trillions ou 2’000 milliards de dollars.
L’immense vulnérabilité de la Chine est simple à comprendre : l’Etat
est le détenteur ultime de toute la dette émise par les entreprises
nationales qui sont de facto propriété du Gouvernement et qui jouissent donc
et de la garantie des fonds publics et de traitements préférentiels. Dès
lors, la dette des entreprises chinoises atteint des records mondiaux
puisqu’elle dépasse 150% du P.I.B. de son pays, par rapport à 100% pour les
entreprises japonaises et à un peu plus de 70% pour les entreprises US. Dans
un tel contexte, les réserves monétaires chinoises, certes massives, ne sont
que de la poudre aux yeux car elles se révéleront évidemment insuffisantes à
la fois pour soutenir un Yuan qui viendrait à décrocher, pour sauver un
secteur bancaire hyper endetté et pour maintenir des entreprises nationales
ayant un besoin vital des transfusions régulières opérées par leur Etat. Autrement
dit, la stabilité apparente du Yuan ces dernières semaines n’est qu’un trompe
l’œil car, en douceur, les autorités imposent des mesures de plus en plus
draconiennes dès lors qu’une entreprise ou qu’un privé tentent de virer de
l’argent hors du pays. En pratique, toutes les transactions
consistant à transférer 3’000 $ à l’étranger sont décortiquées, découragées,
quand elles ne sont pas tout bonnement interdites. Cette surveillance extrême
indique une fébrilité certaine de la part de l’exécutif chinois, certes
difficile à comprendre en regard des réserves gigantesques de sa banque
centrale, mais compatible avec des approvisionnements en monnaie américaine
qui déclinent dangereusement du fait des mesures tarifaires graduellement
imposées par l’administration Trump.
L’amplification annoncée de la guerre commerciale n’annonce donc rien de
bon pour la Chine dont le Yuan semble d’ores et déjà surévalué au vu des
effets hautement nocifs qui se répercuteront sur son commerce extérieur, sur
sa croissance et sur sa politique monétaire. La Chine – mais également sa
zone d’influence comme Taiwan, la Corée du Sud ou la Malaisie – seront donc
les premières victimes de l’escalade en cours.
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