Dans ses divers écrits, Murray
Rothbard a avancé l’idée qu’au sein d’une économie de marché libre opérant
sous un étalon or, une création de crédit qui n’est pas entièrement garantie
par de l’or (système bancaire de réserve fractionnaire) peut amorcer un cycle
expansion-récession. Dans The
Case for 100 Percent Gold Dollar, il nous explique ceci :
Je recommande donc, en tant que
système monétaire le plus stable, en tant que seul système compatible avec un
marché libre et libéré de la force et de la fraude, un étalon or à 100
pourcent. Il s’agit là du seul système compatible avec la préservation la
plus complète des droits de propriété, du seul système qui assure la fin de l’inflation
et, avec elle, des cycles économiques.
Certains économistes, tels que
George Selgin et Lawrence White, ont contesté cette vision des choses. Dans
son article publié dans The
Independent Review,
George Selgin explique pourquoi un système de réserve
fractionnaire n’amorce pas toujours la menace d’un cycle expansion-récession.
Selon Selgin,
En vérité, l’aggravation du
cycle économique par la masse monétaire ne dépend que de la garantie de cette
addition monétaire par une croissance préexistante de la demande du public en
soldes de monnaie. Si une expansion de la masse de monnaie bancaire génère un
excès général de monnaie, les gens dépensent cet excès. Les dépenses accrues
des emprunteurs ne sont pas, pour ainsi dire, compensées par un déclin correspondant
des dépenses des autres. Le stimulus qui en découle en termes de demande en
biens, services et facteurs de production, ainsi que le renversement de la
tendance des dépenses né de la baisse des taux d’intérêt, auront la
conséquence adverse de générer les cycles économiques décrits par la théorie
autrichienne.2
En revanche, comme l’explique
Selgin, aucun cycle économique n’émerge si la hausse de la masse monétaire a
lieu en réponse à une croissance précédente de la demande en monnaie :
Une telle expansion, plutôt que
d’ajouter au flux des dépenses, ne fait qu’empêcher ce flux de diminuer, et
permet de soutenir les profits habituels des firmes « moyennes ».
Cette expansion ne sert donc pas à générer un cycle d’expansion, mais à
éviter une récession. Pour ce qui concerne les conséquences des cycles
économiques, que la nouvelle monnaie soit ou non garantie par l’or ne fait
aucune différence.
Dans un article commun, Selgin
et White ont écrit ceci :
Nous rejetons l’idée qu’une
hausse de la masse monétaire fiduciaire égale à une hausse de la demande en
devises fiduciaires génère un déséquilibre ou amorce un cycle économique
autrichien.3
Selon eux, un cycle économique n’émerge
que si la hausse de la masse monétaire excède la hausse de la demande en
monnaie.
La monnaie créée à
partir de rien et le cycle expansion-récession
Selon ce raisonnement, il
semblerait que si de la monnaie contrefaite intègre l’économie en réponse à
une hausse de la demande en monnaie, aucune conséquence néfaste n’en découle.
La hausse de la masse monétaire est neutralisée, pour ainsi dire, par une
hausse de la demande ou de la volonté d’obtenir plus de monnaie qu’auparavant.
En conséquence, la nouvelle monnaie contrefaite n’a aucun effet sur les
dépenses, et aucun cycle économique n’est amorcé. Mais tout cela est-il
logique ?
Que signifie la demande en
monnaie, et comment cette demande diffère-t-elle de la demande en biens et
services ?
La demande enregistrée par un bien
n’est pas une demande pour un bien en particulier, mais plutôt une demande
pour les services que fournit ce bien. Par exemple, la demande d’un individu
en nourriture est liée au fait que cette nourriture lui permet de maintenir
sa vie et son bien-être. Ici, la demande signifie qu’une personne souhaite
consommer de la nourriture afin d’en tirer les éléments nutritifs qui lui
permettent de vivre.
La demande en monnaie naît des
services que fournit la monnaie. En revanche, plutôt que de consommer de la
monnaie, les gens demandent de la monnaie afin de l’échanger contre des biens
et services. Avec l’aide de la monnaie, les biens deviennent plus
commercialisables – les gens peuvent acheter plus de produits qu’au sein d’une
économie de troc. Ce qui rend ces échanges possibles est le fait que la
monnaie soit la plus commercialisable de toutes les marchandises.
Une hausse de la demande
générale en monnaie liée à une hausse de la production générale de biens n’implique
pas que les individus accumulent de la monnaie pour ne rien en faire. La
raison pour laquelle un individu génère une demande en monnaie est que cette
monnaie lui permet de se procurer d’autres biens et services.
La demande en monnaie
individuelle et générale
Lorsqu’ils exercent leur demande
en monnaie, certains individus réduisent leur demande en échangeant de la
monnaie contre des biens et services, alors que d’autres individus accroissent
leur demande en échangeant des biens et services contre de la monnaie. Notez
que bien que la demande générale en monnaie ne change pas, la demande
individuelle est transformée. Et c’est la demande individuelle en monnaie,
et non la demande générale, qui génère les cycles expansion-récession.
Imaginons maintenant que, pour
une raison quelconque, la demande en monnaie de certains individus augmente.
L’une des manières d’y répondre est, pour les banques, de trouver des
prêteurs volontaires. En clair, avec l’aide des banques, des prêteurs
volontaires peuvent transférer leur monnaie liée à l’or à des emprunteurs. Une
telle transaction ne porte atteinte à personne.
Une autre manière de répondre à
cette demande est, plutôt que de trouver des prêteurs volontaires, de créer
de la monnaie fictive – qui n’est pas garantie par l’or – et de la prêter.
Notez que cette hausse de la
masse monétaire est d’abord distribuée à certains individus. Il y a toujours
un premier bénéficiaire de la monnaie nouvellement créée par les banques.
La création de nouvelle monnaie
est une création de quelque chose à partir de rien
Cette monnaie, qui a été créée à
partir de rien, sera échangée contre des biens et services. Elle génère donc
un échange de rien du tout contre quelque chose. Cet échange revient à un
détournement du capital réel depuis les activités génératrices de capital
vers celles qui n’en génèrent pas, qui se fait passer pour prospérité économique.
Au cours de ce processus, ceux qui génèrent du capital réel se retrouvent
avec moins de ressources à leur disposition, ce qui affaiblit leur capacité à
générer de la croissance économique.
D’autre part, une fois que les
banques réduisent leur offre de crédit à partir de rien, le processus d’échange
de rien du tout contre quelque chose ralentit, ce qui porte atteinte aux
fausses activités nées de l’expansion de crédit à partir de rien – une récession
économique émerge.
Nous pouvons donc en conclure
que ce qui génère un cycle expansion-récession est l’expansion du crédit à
partir de rien, quelle que soit la demande générale en monnaie. Que la
demande totale en monnaie augmente ou diminue, ce qui importe est que les
individus emploient la monnaie dans le cadre de leurs transactions. Comme
nous avons pu le voir, une fois que de la monnaie produite à partir de rien
est introduite dans le processus d’échange, un cycle expansion-récession peut
se développer.
Nous pouvons également en
déduire que ce n’est pas l’échec de répondre à la hausse de la demande
générale en monnaie qui génère une récession économique, mais la satisfaction
de cette demande à l’aide de monnaie créée à partir de rien.