1. Les mots.
Existe-t-il une science dont
les mots définissant la réalité soient plus déformés ou dérivés, voire plus
dénaturés, que ceux de l'économie politique?
On peut se poser la question quand on en fait l'état des lieux.
2. Le "popperianisme".
Mais il y a la proposition
qu'"une théorie ne serait pas scientifique quand elle n'est pas
falsifiable" (cf. K.
Popper) qui complète le désastre.
Cette proposition ne fournirait-elle pas un début de réponse à la tragédie?
On falsifierait les mots pour que telle ou telle théorie économique devînt
falsifiable, et donc scientifique..., ou pour donner l'impression qu'elle
l'est...
Seulement, il n'est plus à démontrer que la proposition de Popper est absurde
et que le raisonnement économique doit l'emporter sur la
pseudo méthode scientifique.
3. Droit naturel et
économie politique.
II y a aussi une seconde
proposition plus ancienne, mais tout aussi désastreuse, qui est de temps à
autre évoquée.
Elle procède des débats qui avaient opposé, au début du XIXè
siècle, des économistes sur les liens à établir entre le droit naturel et
l'économie politique.
Beaucoup considéraient que la richesse ou la valeur, d'un côté, et, de
l'autre, la propriété ou le droit avaient leur origine commune dans un même
fait qui n'était pas autre que la limitation de certains biens ou la rareté
de certains objets utiles.
Ils considéraient que les
choses qui avaient de la valeur et qui constituaient la richesse proprement
dite, ou la richesse sociale, étaient exactement les mêmes choses qui
tombaient dans la sphère du domaine personnel et qui devenaient l'objet de la
propriété.
Selon eux, l'étude de la
propriété et celle de la richesse devaient s'éclairer mutuellement, elles ne
pouvaient rester isolées l'une de l'autre, sans se condamner à une profonde
et éternelle obscurité.
L'étude du droit naturel et de l'économie politique pouvait et devait marcher
ensemble, pour le plus grand avantage de l'une et de l'autre science.
Pour autant, il ne suffisait pas de dire que le droit naturel et l'économie
politique devaient se prêter un mutuel appui.
Certains d'entre eux ayant pris soin de dire qu'ils étaient d'accord qu'il
existât une relation entre le droit naturel et l'économie politique, il leur
restait à préciser ses caractéristiques, en particulier, à dire s'ils
soutenaient que l'une était le fondement de l'autre.
Ils en sont arrivés à
considérer que la théorie de la valeur était une introduction nécessaire à
celle de la propriété et non pas que la théorie de la propriété était
l'introduction nécessaire à celle de la valeur.
Selon eux, les notions du droit naturel étaient subordonnées aux principes de
l'économie politique, sinon dans leur essence et dans leur origine, au moins
dans leur application et dans leur développement.
Reste que la limitation de certains biens ou la rareté de certains objets
utiles ne saurait cacher le jugement qui y conduit et la faire oublier.
4. La science de la valeur.
Il ne faudrait pas oublier en
effet qu'au départ et longtemps, l'économie politique a certes été la science
de la valeur - à définir (cf. ci-dessous) -, mais que des économistes l'ont
beaucoup diversifiée au point qu'au XXè siècle, ils
sont arrivé à un stade où, par exemple, John Maynard Keynes, dans La
théorie de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936) et
relativement à la notion de taux de l'intérêt, jugeait que :
" ... l'Ecole classique a adopté deux théories du taux de l'intérêt
foncièrement distinctes, l'une dans le volume 1, la théorie de la valeur, et
l'autre dans le volume 2, la théorie de la monnaie." (Keynes, 1936,
p.197)
Et Keynes de poursuivre quelques pages plus loin:
"Tant que les économistes s'occupent de ce qu'on appelle la théorie de
la valeur, ils ont coutume d'enseigner que les prix sont régis par les
conditions de l'offre et de la demande [...]
Mais lorsque, le plus souvent dans un ouvrage séparé, ces économistes
abordent la théorie de la monnaie et des prix, on n'entend plus parler de ces
notions simples sans doute, mais faciles à comprendre." (ibid.
p.308)
Il apparaît ainsi qu'en plus d'être muet sur la science du droit naturel et
fort de la théorie de la valeur et de celle de la monnaie qu'il a juxtaposées
- comme s'il n'y avait pas d'autres théories à prendre en considération -,
Keynes a été muet sur la praxéologie, domaine essentiel de l'économie
politique, et est resté coincé, si on puit dire, soit dans les choses
soit dans les marchandises.
5. Les choses, des objets ou des services.
Les choses que tout un chacun peut discerner dans la réalité sont
décomposables en deux grandes catégories:
- l'objet matériel, tangible ou corporel,
- le service, objet incorporel.
Selon les uns, l'objet matériel est essentiel, selon d'autres, c'est le
service qui l'est, selon des troisièmes, il existe une relation entre objet
matériel et service à ne pas mettre de côté.
Selon Bastiat, au XIXè siècle, il faut aussi faire
intervenir les circonstances qui contribuent à augmenter ou à diminuer le
principe de la valeur.
Selon des quatrièmes, produites ou productibles, les choses ne doivent pas
cacher les facteurs de production connues sous les trois grandes catégories
suivantes :
- le travail, de type "service",
- le capital, de type "objet" ou "service",
- la matière première, de type "objet".
Toutes ces choses sont rassemblées par les savants de la théorie économique
soit dans la "fonction de production", soit, en relation avec un
seul produit, dans la "fonction de coût de production".
La fonction de production donne lieu aux notions de productivités marginale
et moyenne d'un facteur de production, la fonction de coût de production aux
notions de coûts marginal et moyen du produit.
Reste que le coût de production ne doit pas cacher les prix des facteurs de
production employés qui permettent d'additionner leurs quantités.
Ces prix cachent eux-mêmes des échanges effectués, libres ou non, des
quantités de facteurs de production qui, à leur tour, donnent lieu à des
échanges, ceux des produits obtenus, en totalité ou en partie.
Les prix des facteurs de production sous tendent
les prix des produits.
Il s'ensuit qu'en théorie, il est possible de considérer que les prix des
produits sont des prix des facteurs de production attendus avec incertitude.
Réalisés, les produits échangés deviennent des "sous
jacents"...
6. La valeur, un bien ou un mal.
Objet ou service, vous ou moi donnons une valeur aux choses et précisons
qu'elle est "bien" ou "mal" - quand nous n'oublions pas
de préciser le jugement -.
Le cas échéant, on identifie le bien (ou le mal) et telle ou telle quantité
de chose, ce qui amène à voir dans la valeur une quantité...
Dans la foulée, on peut juger satisfaisant d'associer une "utilité"
ou une "ophélimité", caractéristique de la valeur donnée, à
une quantité de chose.
Et, après raisonnement, on peut être conduit à insister sur
l'"utilité marginale" ou l'"ophélimité élémentaire" d'une
certaine quantité de chose.
Autre façon de s'exprimer, on met l'accent sur les actes menés par vous
et moi et on considère qu'il y a deux grandes valeurs données
à l'acte de la personne juridique physique, à savoir la
valeur d'échange (ou valeur de marché) et la valeur d'usage.
La valeur d'usage cache le droit de propriété qui a été donné à l'acte tandis
que la valeur d'échange ou de marché cache un contrat d'échange de droits de
propriété, de marchandises, entre les parties.
Dernière façon de s'exprimer, on s'intéresse aux tenants et aboutissants de
l'acte mené par la personne juridique physique et on définit deux grandes
catégories de valeur, à savoir:
- le coût d'opportunité, revenu de l'acte abandonné,
- le profit attendu avec incertitude, différence entre le revenu attendu et
les dépenses supportées.
Ces catégories peuvent être, le cas échéant, assises sur des chiffres (cf.
ci-dessous).
7. Les marchandises, des objets ou des services.
Quand les choses (objets ou services) sont échangeables ou
échangées, une façon de s'exprimer en économie politique est encore de dire
que les choses en question sont des marchandises.
Ou bien, d'emblée, on a inversé la démarche précédente.
Dans ce cas, à partir de la marchandise, qu'on fait plus ou moins "tomber
du ciel", on dit que celle-là a deux catégories possibles, à savoir
l'objet ou le service, et on se fait fort de leur donner une valeur...
Reste que, poussé au terme de ce qu'il cache, à savoir l'action
d'échange des deux parties en débat, le contrat de marchandises peut donner
lieu à un prix d'accord des parties, un prix d'égalité ou d'équilibre.
Si tel est le cas, le prix n'est jamais qu'une quantité unitaire d'une
marchandise dans l'autre, et rien d'autres.
Le taux d'intérêt est pour sa part une quantité unitaire d'une marchandise
future dans la marchandise présente.
Et s'il n'y a pas d'échange, il n'y a pas de prix possible (d'où l'absurdité
implicite de la fonction de production évoquée ci-dessous) !
8. La monnaie.
On constate qu'à l'expérience, dans le passé, parmi les marchandises,
certaines ont reçu des gens, de nos ancêtres, progressivement, la
caractéristique d'être plus facilement échangeable que d'autres, façon
rhétorique de ne pas parler du coût de l'échange que réalise l'existence de
la monnaie et à quoi tout économiste sensé devrait être sensible.
Ces marchandises ont été dénommées alors "monnaie", avant qu'elles
en arrivassent à être des pièces d'argent, d'or, de cuivre, etc., jusqu'au XXè siècle.
Les contrats d'échange de marchandises qui débouchaient sur un accord des
parties, une égalité ou un équilibre, sont devenus alors des contrats entre
marchandises et monnaie.
Dans ces conditions, leurs prix d'accord, à savoir les prix en monnaie des
marchandises, ont cachés des quantités unitaires de monnaie.
Heureusement pour l'humanité, on constate qu'avec le temps, les gens ont
découvert des façon d'améliorer ce qu'était, à l'origine, la
"monnaie", par l'intermédiaire de ce qu'est devenu la firme
"banque d'émission de monnaie".
La banque d'émission de monnaie créait en vérité des "substituts de
monnaie" (billets ou dépôts chez elle) à partir de la monnaie et non pas
de la monnaie.
Elle créait dans la foulée des mesures de diverse nature dans le cadre de la
comptabilité bancaire (unité de compte) à quoi elle donnait aussi naissance..
Malheureusement, on constate aussi qu'avec le temps, les hommes de l'Etat ont
réglementé, sans raison, les marchandises "monnaie" et la
comptabilité bancaire.
Et ils sont parvenus au XXè siècle à ce que la
réglementation de la monnaie prive celle-ci de sa caractéristique
"marchandise", qu'elle en soit dépourvue, pour devenir quelque
chose dont peu de gens parlent aujourd'hui malgré l'illusion de réalité
qu'elle colporte.
Combien durera-t-il encore?
Désormais, ce qu'on dénomme "monnaie" n'est qu'un "substitut
de rien bancaire" au sein d'une comptabilité bancaire réglementée que
personne ne maîtrise comme le démontrent les "crises actuelles".
9. Les créances/dettes, des titres de finance.
Depuis longtemps, et
parallèlement aux choses, marchandises ou monnaies précédentes, les
créances/dettes, les titres de finance, étaient des types de contrats
d'échange inter temporel entre les personnes juridiques qui faisaient
intervenir ou non des quantités de monnaie.
Ils étaient a priori indépendants de la monnaie.
Leur "prix" faisait intervenir un taux d'intérêt, rapport d'une
quantité future sur une quantité présente.
10. Les actions ou
parts de société de capital, d'autres titres de finance.
De même, les actions ou parts
de société de capital ont vu le jour comme des droits de propriété des
actionnaires (ou sociétaires) sur les revenus futurs qu'ils pouvaient prévoir
tirer du fonctionnement de la société de capital.
Elles étaient là encore indépendante de la monnaie
et leur prix cachait un rapport entre une quantité future et une quantité
présente.
11. Les instruments de
dérivés financiers, les derniers titres de finance en date.
Les instruments de dérivés
financiers sont des catégories nouvelles des titres de finance dont peuvent
convenir les gens.
Malheureusement, ils ont été pris en main par des mathématiciens coupés de
connaissances minimales en économie politique dont les résultats ont donné
lieu à de graves désordres empiriques, comme on a pu le constater ces
dernières décennies.
12. La mesure.
Tous les éléments précédents
ont été rassemblés, de façon rhétorique, dans la notion de richesse ou
dans celle de patrimoine, soulevant ici ou là des problèmes de mesure
concrets.
Le problème a été simple à résoudre quand les choses ou les marchandises
n'étaient que des objets matériels.
Il suffisait de faire appel aux poids et mesures de la science physique:
- les choses ou marchandises
donnaient lieu à quantités et unité de quantité,
- les contrats de marchandises aboutis donnaient lieu à prix ou quantités
unitaires convenues.
Soit dit en passant, mais il
faut insister sur le point, tout prix cache deux valeurs relatives, deux
quantités relatives égales de deux personnes juridiques.
Le problème de mesure est devenu plus compliqué dans le cas où était en
question un service, à commencer par le travail d'untel ou d'untel.
Quand le service et la quantité
de monnaie ont été en question, le principe du contrat offrait néanmoins une
mesure simple dès lors qu'il débouchait sur un accord des parties.
Il y avait alors prix en monnaie ou quantités unitaires convenues de monnaie
ou de substituts de monnaie bancaires.
Mais depuis le XXè siècle où ce qu'on dénomme "monnaie" n'a
plus de référence en relation avec les poids et mesures de la physique, la
complexité est devenue extrême.
Ce qu'on dénomme aujourd'hui "taux de change" des monnaies
ou "taux de change" d'une monnaie dans une
autre est sans réalité malgré les mesures de quoi il est fait mention.
Restent seules les utilités marginales, les ophélimités élémentaires de
marchandises ou de choses de vous (ou moi), connus de vous (ou moi)
seul, comme instruments de mesure.
13. Les hommes de
l'Etat.
Reste aussi la
démarche des hommes de l'Etat qui prétendent savoir et avoir les
connaissances nécessaires à la mesure.
Quoiqu'ils ne les aient pas, ils veulent pouvoir comparer les utilités
ou ophélimités marginales de vous et moi - qu'ils prétendre connaître -,
les soustraire ou les additionner.
L'utopie est totale.
14. Les anti concepts.
Ils ne craignent surtout pas de
reprendre vaille que vaille les anti concepts de "biens et
services", de "services marchands et non marchands" et de
"production (produit) intérieur(e) brut(e)".
Ces notions sont chères aux statisticiens de la comptabilité nationale,
mais ceux-ci, parfois, au détour d'un paragraphe, reconnaissent qu'ils sont
allés trop loin dans leur démarche, au point, par exemple, d'introduire
des "objets frontières" dans leur méthode, des
"inconnaissables", ce qui n'a plus guère de sens (cf. ce texte de février 2010).
15. Un dernier point.
Soit dit en passant et pour
conclure ce billet sur des aspects de la destruction actuelle de l'économie
politique, compte tenu de ce qui précède, il faut savoir qu'il n'y a pas des
"biens et services", mais seulement des objets ou des services à
distinguer soigneusement.
Il n'y a pas non plus des
"services marchands" et des "services non marchands",
mais seulement des services.
Le "service marchand" est un pléonasme - tout service effectué
était nécessairement marchand - tandis que le "service non
marchand" - cette "obscure clarté" - est un oxymore dont, soit
n'ont que faire les socialistes qui l'emploient, soit ils essaient d'en tirer
des fruits qui ne pourront être que vénéneux.
Il n'y a pas enfin de "produit intérieur brut" ou de
"production intérieure brute" (en sigle P.I.B.), point fondamental
des comptables nationaux.
Il y a seulement, étant donné
la réalité des choses et la dernière production de choses en date, des échanges
de marchandises effectués par vous et moi, soit libres, soit obligés par les
hommes de l'Etat, sous peine de sanctions, l'obligation infligée par les
hommes de l'Etat donnant lieu soit à des dons (subventions), soit à des vols
(impôts et taxes).