Un "Guest
Post" signé par le Docteur Patrick de Casanove,
médecin, secrétaire général du cercle
Frédéric Bastiat
Alors que l'épidémie de Grippe tant attendue semble
disparaitre du radar des médias, le Docteur de Casanove
réagit à l'intrusion de l'état dans ce qui aurait
du rester un problème de santé géré par les
professionnels de santé. Pourquoi l'état a-t-il voulu se
mêler du traitement de cette grippe somme toute ordinaire ?
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La
grippe saisonnière sévit chaque année en France. Elle infecte
plusieurs millions de personnes et en tue des milliers. L’Etat ne
s’en est jamais ému. Les personnels de santé ont, depuis
des décennies, l’habitude de prendre en charge la grippe
saisonnière. Ils n’ont pas démérité. Il est
logique d’en déduire que les professionnels étaient
à même de faire face à la situation crée par la
grippe A H1N1. Les soins auraient été prodigués, les
mesures de prévention mises en place et expliquées, le vaccin
mis au point dans le calme, cela sans difficulté ni intervention de
l’Etat. Il en est ainsi chaque année pour la grippe
saisonnière, il n’y a pas de raison qu’il en soit
différemment avec cette grippe dont la
virulence n'a rien d'exceptionnel. La confiance face
à la maladie aurait perduré. Ce ne sera pas le cas
à cause de l’intervention de l’Etat.
L'état médecin: Knock ou Diafoirus ?
En
effet, aujourd’hui l’Etat prend en charge directement une
campagne dans tous les domaines, contre la grippe A H1N1. De son propre chef
il devient le grand patron face à cette épidémie.
L’Etat dit aux professionnels ce qu’ils doivent faire.
L’Etat s'estime donc plus compétent que les professionnels
concernés. Heureusement ces derniers ne l’ont pas attendu pour
faire leur métier.
Il
n’est pas question, bien évidemment, de dire que cette
épidémie ne doit pas être prise en charge. La
réflexion porte sur l’attitude de l’Etat
. A propos d’une épidémie de grippe moins
meurtrière que la saisonnière, nos gouvernants sèment la
panique. Tout en reconnaissant la bénignité de la maladie, ils
affolent les gens. Pourquoi ?
Pourquoi une telle intrusion de l'état ?
Le
précédent de la grippe aviaire incite à la
perplexité.
Il
y a les explications officielles : la protection des populations, le
sacro saint principe de précaution, l’inévitable
intérêt général.
Les
français dans leur majorité ne sont pas dupes. Mais,
contrairement à ce que croit le commun des mortels, ce ne sont pas
seulement les "grands laboratoires pharmaceutiques",
éternels méchants de la fable, ni les "industriels
capitalistes" qui en profitent.
Les
raisons de cet emballement de l’état sont à chercher
ailleurs : Il ne doit y avoir aucune limite à
l’intervention des hommes de l’Etat !
L’Etat,
qui se dit "providence", a une propension naturelle et un
intérêt bien compris à se mêler de tout et à
s’étendre sans fin. Cette volonté d’extension
tentaculaire trouve ici un prétexte humanitaire et de santé
pour franchir un nouveau pas. L’Etat est hégémonique par
essence, quand il ne tend pas à devenir tout simplement totalitaire.
Il est centralisateur, il ne saurait souffrir que "la base"
des gens, la société civile, fasse mieux que lui. Cela tendrait
à démontrer son inutilité dans biens d’autres
domaines où il intervient de façon tout aussi
mal-à-propos. Il doit donc s’imposer et toutes les initiatives
doivent venir du sommet. Tout ce qui est grand et planifié est beau,
juste, efficace et doit seul exister partout. Dans son idéal, rien ne
peut, ni ne doit, lui échapper.
On
pourrait dire que, l'Etat étant ce qu'il est, faire un peu de
prévention n'est pas ce qu'il fait de pire. Cet argument pourrait
être utilisé dans tous les domaines. C’est un
piège. Ce n’est pas à lui de le faire. Il faut savoir
l’arrêter car seul il ne s’arrêtera jamais. Il
commence avec une intervention simple, minime et consensuelle. C’est
indolore, c’est "la main douce". Personne ne s’y
oppose, n’y fait attention, beaucoup approuvent. Une fois la
brèche faite, il s’y engouffre et s’étend sans
limite. Il manœuvre toujours ainsi dans tous les domaines :
libertés individuelles, droit de propriété,
prélèvements fiscaux etc. Quand arrive la "main dure",
il est trop tard !
Les hommes de l’Etat aiment le pouvoir,
qu’ils rêvent absolu :
"Le
préteur ne s’occupe pas des petites affaires", disaient les
Romains. Cela n’intéresse pas nos puissants. Au contraire, ils
jouissent du pouvoir qu’ils ont sur la vie des hommes. Les hommes de
l'Etat mesurent leur pouvoir à leur capacité à
intervenir dans des domaines de plus en plus intimes de la vie des gens. La
santé fait partie de ces domaines là.
Est-ce
bien le rôle de l’Etat de donner des consignes aussi précises
que la manière dont il faut se laver les mains, éternuer,
se comporter en collectivité ? Si elles sont utiles, les
professionnels de santé les donneront spontanément. Elles
seront personnalisées et ne tomberont pas dans l’excès.
Ce n’est pas le cas des consignes étatiques : elles sont
collectives, indifférenciées, globales, par
là-même excessives.
Si
l’Etat est obéi, il se rend indispensable. Il devient le
référent naturel vers lequel se tournent les gens, le
"privé" ayant été disqualifié. Il
crée une habitude. Ce faisant il s’assure une emprise sur les
populations. Il commence à distiller ses consignes pour des choses
petites, banales, simples, peu contestables. Peu à peu les esprits
sont dominés, formatés et prêts pour autre chose. Il
n’y a et il n’y aura plus de résistance. Les habitants
sont conditionnés, la prochaine fois ils obéiront sans discuter
à d’autres consignes, peut être plus
délétères.
L’Etat a besoin d’un ennemi
extérieur :
En cas de difficulté intérieure, rien ne vaut un "bon ennemi"
extérieur. Sur le front intérieur l’Etat a mis la France
en faillite. La dette est écrasante, le déficit abyssal. La
Sécu et les retraites n’en finissent pas de
s’écrouler. Les prélèvements obligatoires
croissent sans cesse, au point de devenir confiscatoires. Le chômage
s’envole, l’emploi des jeunes s’effondre, le pouvoir
d’achat fond. Ses initiatives tournent au cafouillage, à
la débâcle.
Mais
voici qu’à l’horizon mexicain apparaît la grippe,
d’abord dite porcine puis A H1N1. Enfin un bon ennemi, bien
identifié. On va voir ce qu’on va voir, ça va
chauffer ! L’Etat va pouvoir faire étalage de tout
son talent. La patrie est en danger, il appelle le ban et
l’arrière ban de ses affidés et alliés. En
plus la cause est noble et généreuse : sauver les Français
du méchant virus H1N1 ! Heureusement que l’Etat est
là. Comme disent nos patients, "quand on parle de la grippe on ne
parle pas d’autre chose".
L’Etat vit de la peur :
Parce
que la peur est un moyen de gouvernement. L’Etat crée, instille,
favorise et joue avec la peur. Les populations effrayées se resserrent
autour de l’Etat protecteur. Les résistances et
préventions s’effondrent devant la peur. La peur permet tous les
débordements, autorise toutes les lâchetés. Les
gens oublient les difficultés que l’Etat a
créées : sang contaminé, déficit, dette,
crise, chômage, affaires troubles, appauvrissement. Ils ne se posent
plus la question de savoir comment l’Etat qui flétrit puis
détruit tout ce qu’il touche, et dont les politiques se soldent
par d’innombrables échecs, serait tout à coup capable de
faire des miracles.
Quand
l’Etat se mêle d’un sujet, la catastrophe n'est jamais
loin. Comment donc cet Etat pourrait il être performant dans la lutte
contre la grippe ? Par la peur, l’Etat fait oublier ses
échecs. Pour, dit il, les protéger du danger, il entre un peu
plus dans la vie des gens. C’est pour lui un alibi à une
intrusion encore plus grande dans le domaine privé. Les gens qui
n’ont pas peur sont libres, ceux qui vivent dans la peur sont soumis.
L’Etat doit prouver son utilité :
Pour
prouver son utilité, alors qu’il se sait si médiocre, il
doit éliminer ses concurrents. L’Etat doit "agir" et
"s’imposer", parce que si par malheur pour lui, les gens
réalisaient qu’ils peuvent fonctionner fort bien, et même
mieux, sans lui, son inutilité deviendrait flagrante. Alors les yeux
s’ouvriraient ! Il va donc chercher à marginaliser les
professionnels de santé dans ce dossier, tout en leur faisant croire
le contraire. Les professionnels de santé sont pourtant les mieux
à même d’assurer et mettre en place spontanément
les mesures nécessaires. C’est leur métier. Ils en ont
l’habitude. Ils font cela depuis longtemps.
En
quoi un fonctionnaire, un ministre serait il plus performant qu'un
professionnel aguerri ? Bien sûr il y a des "experts"
qui "conseillent" les politiques. Mais la fonction de ces experts,
et leur avenir, sont tributaires de la satisfaction de leur patron.
Leur rôle même n’existe que parce qu’il y a un
problème. Aucun ne peut se permettre de dire qu’il n’y en
a pas. S’il n’y en a pas il n’y a pas d’expert. Tous
ceux qui profitent de la situation sont dans le même cas. A bon
entendeur salut.
L’Etat
providence veut montrer aux citoyens qu’ils peuvent croire en lui. Il
est aux commandes et va les sauver. Il prouve qu’il existe et qu'il est
utile. Il avait bien besoin de la grippe H1N1 poue
redorer son blason ! Après avoir arrêté le nuage de
Tchernobyl sur la frontière, sauvé
la planète du réchauffement climatique,
sauvé le monde de la crise financière, éclairé le
G20 de ses lumières, et donné aux français cette Sécu
au merveilleux rapport qualité prix, il vainc le H1N1. Mesdames,
messieurs, applaudissez !
L’Etat
ne peut se prétendre utile que s’il fait table rase de ce qui
existait avant lui, en l’occurrence la prise en charge directe,
normale, des épidémies saisonnières de grippe par les
personnels de santé. L’Etat ne se bâtit que sur la ruine
de la société civile: l'état est destructeur.
L’Etat
se sert de la grippe comme il se sert du prétendu
« réchauffement climatique », de la crise, du
chômage, de la dette, du déficit, du transport routier, des
cigarettes, des chiens mordants, de la publicité à la
télévision, des jeunes dans les cages d’escalier, des
photos retouchées, etc. pour intervenir de plus en
plus dans la vie privée des gens, porter atteinte à leur
liberté, encadrer leur existence selon ses normes, ses
préjugés...
Les
Hommes de l’Etat en tirent profit. Pas les français.
Paraphrasant
Turgot, ils pourraient crier "laissez nous faire !" Par leurs actions
libres et la multitude des interactions ainsi créées, "les
gens", "la base","les
individus" résoudront les difficultés qui se
présentent à eux. Ils créeront croissance, "harmonies
économiques" et harmonies sociales, comme
l’a dit Frédéric Bastiat.
L’Etat
est le fossoyeur de ces harmonies.
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© 2009 - Dr. Patrick de Casanove
Ps.
Voir également l'analyse
du docteur R. Cantor sur le site de l'Institut Hayek.
Avertissement : Naturellement, il convient
à chacun de se faire une idée auprès de sources
multiples, et le présent article ne saurait en aucun cas être
considéré comme un conseil d'objectif liberté,
dont l'auteur n'est pas médecin, quant à la ligne de conduite
que chacun peut choisir d'adopter face au risque de contracter la maladie.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur et auteur, est
Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow
de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks
tanks francophones dédiés à la diffusion de la
pensée libérale. Spécialiste d'aménagement du
territoire, Il est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du
logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon),
où il montre que non seulement l'état déverse des
milliards sur le logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics
sont directement à l'origine de la crise. Au pays de l'état
tout puissant, il ose proposer des remèdes fondés sur les
mécanismes de marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement:
crise publique, remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La doc
française, avec Pierre de la Coste
Publié avec l’aimable autorisation de Vincent
Bénard – Tous droits réservés par Vincent
Bénard.
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