« Les banques
centrales devraient distribuer de l’argent directement aux populations »
- proposition du Council on Foreign Relations
Hélicoptère Janet?
La semaine dernière, une
proposition radicale est apparue dans le magazine Foreign
Affairs, une publication du tout aussi influent
groupe de réflexion du Council on Foreign Relations
(CFR), basé à New York.
L’article, intitulé « Print Less but Transfer More - Why Central Banks Should Give Money Directly to the
People », et qui a beaucoup attiré l’attention des médias, explique que
puisque les politiques de stimulus monétaire telles que le quantitative easing et les taux d’intérêts proches de zéro ne sont pas
parvenues à soutenir la croissance, une nouvelle approche monétaire est
désormais nécessaire.
Cette approche consisterait en
l’impression nouvelle monnaie, et de sa distribution directe aux ménages et
aux consommateurs, afin de remédier au manque de dépenses et de prévenir une
récession.
L’article a été écrit par Mark
Blyth et Eric Lonergan. Blyth, un Ecossais, est économiste à l’Université
Brown, dans le Rhode Island. Lonergan est
irlandais, et travaille en tant que gestionnaire de fonds spécialisé dans la
macro-stratégie chez M&G Investments, à
Londres.
Bien que Foreign
Affairs publie souvent plusieurs points de vue
relatifs à d’importants débats, les articles politiques publiés par le
magazine ont eu tendance à influencer les politiques économiques et politiques
des Etats-Unis au fil des années. Cette proposition est donc à suivre de
près.
Les bénéfices attendus
de « l’argent gratuit »
Selon Blyth et Lonergan, la
faible croissance économique et les faibles taux d’inflation actuellement
enregistrés en Occident nécessitent de nouvelles approches politiques et
gouvernementales afin de pousser les gens à dépenser plus et, ainsi, de
stimuler la croissance économique et d’encourager l’inflation.
A leurs yeux, la déflation
représente une menace que les taux d’intérêts proches de zéro et le
quantitative easing ne sont pas parvenus à
combattre. Ils pensent donc nécessaire de pousser les consommateurs à
dépenser plus en leur distribuant directement de l’argent.
Blyth et Lonergan espèrent
voir Ben Bernanke et Milton Friedman soutenir leur
proposition, et disent ouvertement qu’il est « grand temps » que
les législateurs des Etats-Unis et d’autres pays développés adoptent une approche
de distribution d’argent.
Hélicoptère Mark?
En 1998, suite à la perte d’une
décennie entière de croissance au Japon, Ben Bernanke,
qui était alors économiste à l’Université de Princeton, a proposé au Japon de
transférer de l’argent à ses consommateurs afin de les encourager à dépenser
plus.
Milton Friedman avait, avant
lui, parlé des transferts monétaires directs comme d’un lancer de billets
depuis des hélicoptères. Voilà d’où vient l’image d’Hélicoptère Ben (Bernanke), jetant des billets de banque depuis un
hélicoptère.
Blyth et Lonergan préconisent
un versement d’argent à l’ensemble des ménages de manière égale, ou
simplement aux 80% les plus pauvres. Selon eux, les ménages à revenus plus
modestes seront les plus aptes à utiliser ce nouvel argent de manières
diverses – pour rembourser leur dette, consommer ou épargner. Si une certaine
somme, disons de 1000 dollars, n’était pas suffisante, les ménages
pourraient recevoir plus, de l’ordre
peut-être de 3000 ou 4000 dollars.
Blyth et Lonergan estiment difficile
de mesurer l'impact direct d'instruments tels que les taux d’intérêts proches
de zéro sur les habitudes d’achat des consommateurs, et jugent celui des
transferts monétaires directs plus prévisible.
De leur point de vue, l’inflation
ne sera pas un problème, puisque les banques centrales pourront poursuivre
leur politique de ciblage de l’inflation.
Les risques réels de l’argent
gratuit
De mon point de vue, en
revanche, cette proposition pose un certain nombre de problèmes.
Les transferts monétaires
directs pourraient endetter davantage les ménages. Si un transfert ne s’avérait
pas suffisant et qu’un deuxième transfert plus important était entrepris par
les gouvernements, les consommateurs pourraient développer une dépendance à
ce mécanisme.
Hélicoptère Mario?
L'idée que le niveau d’inflation
généré par les transferts monétaires puisse être contrôlé n’est pas
justifiée. Puisque cette approche de distribution d’argent n’a jamais
été adoptée, elle pourrait mener à une inflation imprévue. Comment la détermination
des transferts monétaires directs est-elle plus simple que celle des effets
des taux d’intérêts proches de zéro et du quantitative easing ?
Avec des économies qui font
déjà face à des records d’expansion monétaire générés par le gonflement des
bilans des banques centrales, de nouveaux transferts d’argent vers l’économie
globale pourraient générer une vélocité incontrôlable de la monnaie, et une
possible hyperinflation. Comment ce surplus de liquidité pourrait-il un jour
sortir du système ?
Et ce nouvel argent devrait
aussi être imprimé à partir de rien, ce qui ne ferait que diluer la masse
monétaire existante et éroder le pouvoir d’achat des devises. Puisque la
devise fiduciaire ne représente rien de plus qu’une dette, la création de
nouvelle monnaie pour rendre possible ces transferts monétaires ne ferait qu’ajouter au fardeau qui pèse déjà sur les nations
endettées.
Conclusion de GoldCore
Dans de nombreux pays touchés
par l’austérité, les impôts sur les revenus, les taxes sur la vente et autres
représentent déjà un lourd fardeau.
Est-il donc justifiable pour
les banques centrales d’imprimer davantage de monnaie qui, dans une majorité
des cas, sera utilisée pour payer des taxes ou rembourser des cartes de
crédit et des prêts immobiliers ?
Cette mesure a des chances d’alourdir
le ratio dette/PIB des nations industrielles endettées. Avec une hausse
potentielle des taux d’intérêt au cours de ces prochaines années, distribuer
de l’argent gratuit aux consommateurs pourrait faire sombrer dans la
banqueroute des Etats déjà vulnérables.
Ne serait-il pas plus prudent
d’annuler des dettes à l’échelle souveraine afin que les pays puissent
alléger le fardeau qui pèse sur les épaules de leurs citoyens, plutôt que d’aggraver
le problème en accumulant plus de dette et distribuant de l’argent « gratuit »
à des citoyens endettés ?
Il existe un risque de voir ce
nouveau système se transformer en une sorte de refinancement bancaire,
puisque cet argent pourrait être utilisé pour rembourser les dettes
accumulées ces dernières années, et pourrait parvenir jusqu’aux banques par
le biais de remboursement de prêts, et jusqu’aux gouvernements par le biais
des taxes.
La vraie solution n’est pas
une accumulation supplémentaire de dette sous la forme d’argent gratuit. La
vraie solution est d’annuler la dette de certains consommateurs et de
restructurer les institutions, les banques et les nations – un jubilé moderne
de la dette.
Si un scénario si extrême
venait à devenir réalité et que les devises étaient de nouveau dévaluées,
nous risquerions de voir apparaître davantage d'inflation, voire une
stagflation. Les avertissements d’Alan Greenspan se font de plus en plus
pesants à mesure que les jours passent. Voilà qui souligne l’importance
vitale d’une allocation des portefeuilles d’investissements à l’or.
L’or conservera son pouvoir d’achat
au cours de ces prochaines années, comme il a su le faire tout au long de l’Histoire.