Le petit Liban est une fois de plus déstabilisé par la volonté de tiers
puissants étrangers.
Ce pays, incapable de se défendre, accueille en masse les réfugiés. C’est
si vrai que ceux-ci représentent 50% de la population qui y réside.
Plus grave encore est le rôle qu’y jouent les organisations
supranationales.
On peut être surpris de découvrir dans l’article (ci-dessous) de Scarlett
Haddad de l’OLJ que le HCR lui-même intervient auprès des déplacés afin de
leur déconseiller de rentrer chez eux…
Ce constat, fait par une analyste politique qui compte dans la région, mérite
d’être mis en perspective avec une autre information de poids qui
émarge de ce billet. Il s’agit du rôle économique des déplacés qui
concurrencent sévèrement la population active libanaise, et même les PME du
pays.
De fait, les organisations supranationales ont d’autres projets pour le
pays du cèdre. Dans un deuxième article repris ci-dessous, vous découvrirez
comment et pourquoi « Le FMI reconnaît un réel impact des réfugiés
sur le marché du travail« . Dans une étude sur l’impact des
réfugiés sur la vie économique libanaise, l’organisation supranationale
s’appuie principalement sur Robert Solow.
Ainsi, « le FMI rappelle que l’afflux de réfugiés sur le marché du
travail est censé avoir un impact limité à long terme. Certes, à court terme,
l’arrivée de nouveaux travailleurs exerce une pression à la baisse tant sur
l’emploi que sur les salaires des travailleurs locaux, du fait de la
substitution de certains d’entre eux par une main-d’œuvre moins chère. Une
situation qui bénéficie par conséquent surtout aux détenteurs de capitaux.
Mais, selon ce modèle, à long terme, ces derniers réinvestiront les gains
dans leurs outils de production, ce qui se traduira notamment par une hausse
de la demande de travail et de la rémunération offerte. Ceux qui avaient
quitté le marché de l’emploi seront ainsi encouragés à le réintégrer. En fin
de course, résume le FMI, « les économies devraient être en
mesure de s’adapter à toute addition de main-d’œuvre ». Il
ajoute néanmoins que le coût comme la durée de la phase de transition « varient
de pays en pays » et dépendent notamment des
caractéristiques et compétences des réfugiés.
(…)
le FMI aboutit à la conclusion suivante: « Tout en reconnaissant que
l’exercice est « délicat », l’institution appelle donc le
gouvernement libanais à faciliter l’accès des Syriens au marché du travail.
« Si ces réfugiés devaient rester au Liban pour un certain temps,
leur capacité à subvenir à leurs besoins réduirait le poids sur le budget
libanais et allégerait leurs (demandes) de ressources humanitaires des
bailleurs de fonds ». En outre, « les
réfugiés autonomes et qui ont pu améliorer leurs compétences en exil rentrent
dans leur pays d’origine plus rapidement »,
avance le FMI en citant une étude de la Banque mondiale de 2015. » (Le
FMI reconnaît un réel impact des réfugiés sur le marché du travail)
Nous pouvons conclure en pronostiquant que les déplacés palestiniens,
syriens ne quitteront pas le Liban de sitôt. Tant que les promesses
hypothétiques d’une théorie de la croissance économique, basée exclusivement
sur les variables financières du travail et du capital, serviront de
référence politique et sociétale, la vie des peuples continuera d’être
sacrifiée par une politique déshumanisée car financiarisée.
Entre le Haut Comité des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et les
autorités libanaises, le torchon brûle. La crise n’est toutefois pas une
surprise, car au cours des dernières semaines, les autorités libanaises ont
multiplié les indices sur leur intention d’ouvrir en grand le dossier des
« déplacés » syriens, appellation voulue par le Liban officiel pour
éviter de donner aux Syriens installés au Liban depuis la guerre dans leur
pays le statut de « réfugié ». Dans ce bras de fer qui s’annonce,
le Liban officiel affirme que les déplacés syriens ne sont pas en cause, mais
bien les organisations internationales qui multiplient les entraves pour
empêcher leur retour chez eux.
Depuis le début, le dossier en question a été conflictuel et suspect. Dès
les premiers mois du conflit syrien (mars 2011) et alors qu’il n’y avait pas
encore d’affrontements armés, puisque le mouvement de protestation était
encore pacifique, des tentes ont commencé à être installées autour de la
région de Wadi Khaled au Akkar en prévision de l’arrivée de Syriens fuyant
les troubles dans leur pays. À cette époque toutefois, il n’y avait pas de
réelle inquiétude, la tendance générale étant de croire que le régime syrien
devrait disparaître dans les mois suivants et qu’il n’y avait donc pas lieu
de craindre une arrivée massive de Syriens, ceux-ci devant rentrer chez eux
une fois la paix rétablie après la chute du président Bachar el-Assad.
D’ailleurs, dans le nord du Liban, en particulier au Akkar et à Tripoli,
l’opinion publique était en général favorable au renversement du régime
syrien et voyait d’un bon œil l’afflux des partisans de l’opposition avec
leurs familles.
C’est bien plus tard que l’attitude des habitants du Nord à l’égard des
Syriens a commencé à changer pour de multiples raisons, dont la
moindre n’est pas la concurrence professionnelle et leur présence de
plus en plus nombreuse et prolongée. En décembre 2016, lors de la formation
de l’actuel gouvernement, c’est un Akkariote ouvertement hostile au régime
syrien qui a été sciemment choisi pour devenir ministre chargé des Déplacés.
Il s’agissait de Mouïn Merhebi qui, depuis, est pratiquement marginalisé, car
la tendance générale a changé.
Plusieurs facteurs ont poussé le Liban à changer d’attitude dans
l’approche de ce dossier. D’abord, le fait que la guerre en Syrie se prolonge
et il n’y a pour l’instant aucun indice sérieux sur le fait qu’une solution
définitive est proche. Ensuite, la situation économique et sociale
libanaise est devenue très grave et exige une réaction libanaise à plus d’un
niveau, notamment sur le plan de la lutte contre le chômage chez les jeunes,
ceux-ci étant sérieusement concurrencés par la main-d’œuvre syrienne.
Enfin, l’attitude des Libanais à l’égard de ce dossier a changé, même ceux
qui appuyaient l’opposition syrienne et qui sont hostiles au régime syrien ne
veulent plus accueillir les déplacés syriens dans leurs villages. Certaines
municipalités, dans toutes les régions, prennent d’ailleurs des mesures
spécifiques pour limiter les déplacements des Syriens après le coucher du
soleil. Il ne s’agit pas de mesures racistes, affirment les autorités
concernées, mais d’un souci d’éviter d’éventuelles frictions, dues à la
promiscuité, à la misère et au désœuvrement, à la demande des habitants.
C’est dire qu’aujourd’hui, la plupart, sinon tous les Libanais sont
favorables à un processus progressif de retour. Le Liban officiel avait d’ailleurs
envoyé des signaux dans ce sens. D’abord, le président de la République en
avait ouvertement parlé à la tribune des Nations unies et dans d’autres
rencontres internationales, arabes et européennes. Ensuite, le directeur de
la Sûreté générale, qui joue, entre autres rôles, celui de lien agréé avec le
régime syrien, a déjà parrainé le retour chez eux de quelques milliers de
Syriens.
Mais cette initiative a été très mal accueillie par l’ONU et la communauté
internationale en général, qui a précisé que le Liban ne peut pas renvoyer
ainsi les déplacés chez eux, et toute opération de retour doit être
« sûre, digne et volontaire ». La communauté internationale estime
à cet égard avoir fait une concession au Liban en renonçant à exiger que le
retour soit lié à une solution politique en Syrie. Mais en même
temps, les membres de Haut Comité des réfugiés présents au Liban ont
multiplié les enquêtes auprès des déplacés eux-mêmes, notamment dans la
région de Chebaa, pour leur déconseiller de rentrer chez eux en leur disant
que les maisons sont détruites et que la sécurité n’est pas totalement
assurée.
Pour les autorités libanaises, ces arguments ne sont pas convaincants car
les organisations internationales ont les moyens d’agir en Syrie même, et les
aides qui sont données ici peuvent être octroyées là-bas. De plus, affirmer,
comme le font certaines organisations internationales, que le président
syrien ne veut pas que les déplacés reviennent ne peut être vérifié que si
l’on tente réellement d’amorcer le retour. Sinon, cela reste des accusations
politiques.
Les autorités libanaises avancent aussi pour justifier leur détermination
à lancer le processus du retour que le Liban a vécu trois expériences
d’accueil de déplacés. Il y a eu les Chypriotes en 1974, lors du conflit
entre la Turquie et Chypre. Ils sont restés quelques mois et ils sont rentrés
lorsque le cessez-le feu a été conclu, sans attendre une solution politique
qui n’a toujours pas été trouvée. Il y a eu aussi l’expérience des réfugiés
palestiniens qui sont hors de chez eux depuis 70 ans et qui n’ont aucune
perspective de retour en vue, sans parler d’une solution politique. Et,
enfin, il y a depuis 2011 les déplacés syriens qui sont plus d’un million et
demi. Si on leur ajoute les Palestiniens, le chiffre s’élève à 2 millions de
déplacés pour une population de près de 4 millions d’habitants. Les chiffres
sont hallucinants, et si on devait donner une idée des proportions, cela
voudrait dire qu’il y aurait près de 165 millions de déplacés aux États-Unis
sur 330 millions d’habitants, ou encore près de 35 millions sur 70 millions
de Français ! Quand on pense que l’Europe refuse d’accueillir un million de
réfugiés syriens, alors comment peut-on demander au Liban d’accueillir un
nombre équivalent à la moitié de ses habitants ? Selon les autorités
libanaises, c’est une question de survie pour le pays, sans aucune
arrière-pensée raciste. Entre les Libanais et les Syriens, il y a beaucoup
trop de liens familiaux, géographiques et économiques pour qu’il puisse y
avoir une approche raciste.
De plus, les Syriens souhaitent rentrer chez eux.
Mais ce sont les organisations internationales qui s’y opposent
pour des raisons qui ne sont pas convaincantes aux yeux des autorités
libanaises. C’est pourquoi le conflit entre le ministère des AE et le HCR
aujourd’hui et, demain peut-être, d’autres parties internationales risque de
s’envenimer. Mais c’est en rang uni que le Liban espère faire front.
Scarlett Haddad
Liban: un décret de naturalisation de Syriens suscite la polémique. RFI
(Source http://www.rfi.fr/moyen-orient/20180606-liban...riens-polemique)
Le président libanais Michel Aoun est le
premier visé par les critiques contre le décret accordant la nationalité
libanaise à près de 300 personnes, dont une majorité de Syriens. Dalati Nohra/Handout via Reuters