L’échec
des régimes de monnaie fiduciaires partout dans le monde est devenu
flagrant. Ces systèmes monétaires ne peuvent être
maintenus en vie que grâce aux banques centrales qui créent des
quantités de monnaie croissantes et aux gouvernements qui signent des
reconnaissances de dettes aux grandes banques commerciales.
La
réserve fédérale américaine par exemple, a
augmenté la quantité de sa base monétaire – ce qui
inclut la demande des dépôts des banques à la Fed, et les
pièces et billets en circulation – de 870,9 milliards de dollars
en août 2008 à 1735,3 milliards de dollars en janvier 2009.
Les « réserves excédentaires » des
banques –c'est-à-dire les fonds de monnaie de base
détenus par les banques moins les réserves obligatoires –
ont augmenté de 1,9 milliards de dollars à 798,2 milliards. Ces
réserves supplémentaires permettent au secteur bancaire, qui
opère sous un système de réserves
fractionnaires, d’augmenter le crédit et l’offre de
monnaie dans une grande proportion.
La base monétaire augmente quand la banque centrale prend en
main les actifs préoccupants des banques commerciales afin que
celle-ci puisse octroyer de nouveaux crédits à ces banques. Ce
processus gagne en ampleur : le 18 mars 2009, le Comité
Fédéral du Marché Ouvert (FOMC- Federal Open Market
Committee) annonçait qu’il allait augmenter la base
monétaire en achetant 1 150 milliards de dollars d’obligations
supplémentaires. Il considérait également
d’élargir la base monétaire en augmentant les
crédits aux foyers privés et aux petites entreprises.
Va générer de l’inflation
Ce que fait la Fed, c’est produire de l’inflation –
et ceci est une vérité qui
contraste vivement avec ce que les économistes des principales
écoles nous expliquent, c'est-à-dire que l’augmentation
de la base monétaire ne conduit qu’à une augmentation de
la liquidité sur le marché interbancaire et ne va pas affecter
les quantités de monnaie détenues par les consommateurs, les
entreprises et le gouvernement, qui – ils l’admettent –
pourraient ensuite faire augmenter les prix à la consommation et donc
produire de l’inflation.
A la fin de l’hyperinflation
hongroise de l’après guerre, les billets de banque avaient si
peu de valeur
qu’ils étaient
jetés comme des ordures.
(Hongrie, 1946)
Par opposition, les économistes de l’école
autrichienne soulignent que l’inflation
est le résultat d’une augmentation de la quantité de
monnaie. Ce point de vue repose sur des principes sains
d’économie, fermement ancrés dans la notion
qu’avant toute chose, la valeur est un concept subjectif. La monnaie
est un bien comme les autres et donc, elle est sujette à la loi de l’utilité marginale
décroissante.
Une augmentation de la quantité de monnaie réduit
nécessairement l’utilité marginale d’une
unité monétaire- et donc sa valeur- du point de vue de
l’individu ; de la même manière,
l’utilité marginale d’une unité monétaire
–et donc, sa valeur augmenterait si le stock de monnaie
déclinait.
Les changements dans la valeur que les individus assignent à
une unité monétaire sont reflétés dans les prix
des articles à vendre. Par exemple, si la quantité de monnaie
entre les mains d’un individu augmente, il se peut qu’il veuille
détenir davantage d’autres sortes de biens. Tandis qu’il
échange sa monnaie contre des biens en vente, leurs demandes
respectives augmentent et donc leurs prix aussi.
En
ce sens, la variation de la quantité de monnaie est ce qui doit
être appelé inflation, alors que les variations des prix pour
les biens et les services ne sont que les symptômes
de cette cause sous-jacente, qui est la variation de la quantité de
monnaie.
L’augmentation de la base monétaire a,
jusqu’à présent, uniquement permis d’éviter
le déclin des valeurs-titres détenues par les banques au niveau
des prix du marché. En d’autres termes, l’injection de
monnaie aide à maintenir les prix des actifs à un niveau
artificiellement élevé, empêchant ainsi les
marchés financiers, et les marchés des crédits en
particulier, de s’ajuster.
La voie vers une inflation sans cesse accrue
Le régime, - contrôlé par le gouvernement -, de
monnaie à cours forcé est hautement inflationniste, parce
qu’il permet une augmentation du stock de monnaie grâce au
crédit bancaire au-delà de l’épargne réelle
(crédit en circulation). Le stock de monnaie croissant pousse les prix
vers le haut –que ce soient les prix à la consommation ou les
prix des actifs (tels que les actions, l’immobilier etc.).
Faire croître la quantité de monnaie par le crédit
en circulation déclenche un boom illusoire conduisant à des « mauvais
investissements ». Cependant, ces derniers ne remontent pas
à la surface tant que le crédit et l’offre de monnaie
continuent de croître.
Si la croissance de l’offre de monnaie ralentit tout d’un
coup, les attentes des investisseurs sont déçues et les projets
d’investissement qui étaient –dans un monde ayant toujours
plus de monnaie à disposition et des prix croissants –
considérés comme économiquement viables, deviennent
non-profitables.
Le ralentissement de la croissance de la monnaie révèle
que la structure de production n’est pas en phase avec la demande
réelle et démasque alors la dilapidation de ressources rares.
Et ainsi, le boom artificiel induit par les injections de monnaie se
transforme en crise.
Une politique qui maintiendrait un boom artificiel exigerait des augmentations toujours plus grandes de
la quantité de monnaie. Ludwig von Mises réalisa que cela
conduirait à un désastre.
« Il n’y a pas de moyen d’éviter
l’effondrement final d’un boom créé par une
expansion du crédit. L’alternative se limite à savoir si
la crise devrait avoir lieu un peu plus tôt en raison d’un
abandon volontaire d’une expansion accrue du crédit ou plus
tardivement en tant que catastrophe finale et totale impliquant le
système monétaire concerné ». [1]
Les Méthodes pour produire de l’inflation
Dans une tentative d’éviter à l’offre et au
crédit et de monnaie de se ralentir et ainsi aux économies de
se diriger vers une récession, les politiques monétaires
mondiales sont en train de pousser les taux d’intérêts
vers zéro et d’augmenter la quantité de monnaie de base,
et donc les surplus de réserves des banques, de manière
très conséquente.
On peut s’attendre à ce que les banques commerciales
fassent usage de leurs surplus de réserves parce que les soldes de
monnaie de base ne rapportent aucun intérêt : les banques
doivent engendrer des revenus pour être dans la position de payer les
intérêts sur leurs propres dettes (demande, dépôts
à terme et comptes d’épargne et obligations).
Elargir les prêts constitue une option possible. Cependant, dans
un environnement d’emprunteurs financièrement
« sur-tendus », les banques pourraient être
hésitantes à augmenter leurs prêts auprès des
firmes et des foyers. De fait, il se peut qu’il soit de plus en plus
difficile pour les banques de le faire, étant donné que le
capital est devenu de plus en plus rare et coûteux.
Et donc, les banques commerciales pourraient souhaiter
monétiser la dette gouvernementale, étant donné que
cette dernière ne demande pas à mettre de capital en usage. Le
gouvernement dépense alors la quantité de monnaie additionnelle
créée sur des projets politiques opportuns (allocations
chômage, infrastructure, défense etc.) et la quantité de
monnaie entre les mains des firmes et des foyers augmente.
Si, par contre, les banques commerciales décident de
restreindre leurs prêts, et rappellent leurs crédits dus, le
gouvernement peut décider –une autre mesure drastique mais
logiquement conséquente à l’interventionnisme – de
nationaliser l’industrie bancaire (ou au moins, une grande partie de
celle-ci). Ce faisant, il peut obliger les banques à augmenter leurs
crédits et leur offre de monnaie.
La banque centrale pourrait aussi imprimer davantage de monnaie et la distribuer
aux entreprises et foyers comme un transfert de paiement[2]. Dans un
régime de monnaie à cours forcé, ceci peut être
fait sans aucune limite et à n’importe quel moment, comme
l’a dit clairement le Président de la Réserve
Fédérale Ben S. Bernanke dans un discours notoire
prononcé en 2002 :
[Le]
gouvernement américain possède une technologie, appelée
planche à billets (ou aujourd’hui son équivalent
électronique), qui lui permet de produire autant de dollars US
qu’il le souhaite à un coût pratiquement nul. En
augmentant le nombre de dollars US en circulation, ou bien en menaçant
de manière crédible de le faire, le gouvernement
américain, peut également réduire la valeur des dollars
en termes de biens et de services, ce qui est équivalent à
augmenter les prix en dollars de ces biens et services. Nous pouvons en
conclure, que dans un système de monnaie-papier, un gouvernement
déterminé peut toujours engendrer des dépenses plus
grandes et donc une inflation positive.[3]
Le Chemin vers l’hyperinflation
La monnaie à cours forcé contrôlée par le
gouvernement est une monnaie frauduleuse. C’est de la monnaie qui a
été créée à partir de vide, en violation des
droits de propriétés : la monnaie à cours
forcé ne requiert aucune des activités productrices de
richesses typiques d’un marché libre, elle est, par
construction, une monnaie frauduleuse.
De plus, la monnaie à cours forcé, créée
par les banques grâce à l’expansion du crédit cause
nécessairement des cycles de croissance et de récession
(phénomène de bulle, en anglais :
« boom-and-bust »), qui conduisent les gouvernements à
faire reculer les forces du marché libre pour soutenir
l’économie et maintenir à flots ce régime de
monnaie à cours forcé; en fait, la monnaie à cours
forcé va miner de manière croissante l’ordre du
marché libre.
Mises était bien conscient des conséquences ultimes
d’un régime monétaire qui repose sur des augmentations de
la quantité de monnaie produites par les banques qui augmentent leurs
crédits en circulation. A un moment ou un autre, des faillites
à grande échelle résulteraient en une contraction du
crédit et de l’offre de monnaie (déflation).
Ou bien, cela se terminerait en hyperinflation:
Mais une fois que l’opinion publique est convaincue que
l’augmentation de la quantité de monnaie va continuer et ne
jamais finir, et qu’en conséquence, les prix de tous les biens
et services ne vont jamais arrêter de croître, tout le monde veut
acheter autant que possible et réduire au minimum ses
liquidités. Car dans ces circonstances, les coûts normaux
afférant à l’encaisse sont accrus par les pertes
causées par la diminution progressive du pouvoir d’achat de la
monnaie. Les avantages des encaisses de liquide doivent être
payés par des sacrifices qui sont jugés excessivement lourds.
Ce phénomène fut appelé pendant la période de
grande inflation des années 20, la fuite dans les biens réels
(Flucht in die Sachwerte) ou « boom de catastrophes» (Katastrophenhausse).
Mises connaissait très bien ce à quoi il faisait
référence. Il avait vécu cette période de grande
inflation qui avait commencé en Europe en 1914 avec la grande guerre.
Celle-ci mena finalement à l’hyperinflation
et à une destruction complète du Reichsmark allemand en
1923. D’un point de vue technique, l’hyperinflation allemande
était le résultat de la monétisation par la Reichsbank
allemande de la dette budgétaire du gouvernement, émise pour
financer les avantages sociaux, les subventions et les payements de
réparation.
Dans son livre “L’ère de l’inflation” (1979),
Hans F. Sennholz analysant l’hyperinflation allemande d’un point
de vue politico-économique, se demande “qui serait
l’auteur d’un tel mal infligé à une grande nation,
qui aurait des ramifications politiques, économiques et sociales, non
seulement en Allemagne mais dans
le monde entier ? » [5] Sa réponse, qui donne à
réfléchir, fut que :
Chaque mark était imprimé par les Allemands et émis par
une banque centrale gouvernée par les Allemands sous un gouvernement
qui était entièrement allemand. C’étaient les
partis politiques allemands, tels que les socialistes, le parti centriste
catholique et les démocrates, formant divers gouvernements de
coalition qui étaient entièrement responsables des politiques
qu’ils menaient. Mais bien sûr, on ne peut pas s’attendre
à ce qu’aucun parti politique n’admette sa responsabilité
pour aucune calamité. [6]
Ceci dit, l’hyperinflation allemande était le
résultat d’une politique qui considérait que le
financement de la dette gouvernementale, par le biais d’une
augmentation de la quantité de monnaie à un rythme
accéléré, était politiquement la méthode
la moins défavorable. Il semble que cette opinion ait toujours cours.
Aujourd’hui, il existe un grand soutien de l’opinion publique
concernant l’augmentation de la quantité de monnaie pour
financer les banques en difficultés, les compagnies d’assurance
et de façon plus importante, la dette gouvernementale.
« Les doctrines et théories qui ont conduit à
la destruction monétaire allemande depuis lors ont causé des
destructions dans beaucoup d’autres pays. En fait, elles sont probablement
partout à l’œuvre actuellement dans le monde
occidental. » [7]
L’économie autrichienne maintiendrait, à juste titre, que
les politiques actuelles de monnaies à cours forcé sont
devenues de plus en plus inflationnistes -et qu’elles ne devraient pas
avoir de doutes dans le fait que les forces et instruments qui peuvent paver
la route vers l’hyperinflation sont déjà en place et
gagnent des forces chaque jour.
La solution contre une destruction de la monnaie actuelle, c’est
le retour à une monnaie saine – une monnaie de
marché-libre – comme décrite par Mises et
développée ensuite par Murray N. Rothbard. Elle
résulterait probablement, du moins dans sa phase initiale, en une
monnaie garantie par l’or avec un taux de réserves de 100%. La
limitation du cours de l’or semble soutenir l’idée que les
gens considèrent l’or comme un moyen ultime de paiement –
un statut qui devient de plus en plus évident dès que les gens
craignent que la valeur d’échange de la monnaie à cours
forcé ne s’érode substantiellement.
Thorsten Polleit
Thorsten
Polleit est professeur honoraire à l’Ecole de Finance et de
Management de Frankfort
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