« Je me suis intéressé à ce qu’il se passerait si le
prix de l’or grimpait. Une hausse du prix de l’or aurait fait plonger une ou plusieurs
maisons de courtage, qui auraient pu entraîner toutes les autres avec elles.
A n’importe quel prix, à n’importe quel coût, les banques
centrales devaient supprimer le prix de l’or, le contrôler. Elles y sont
parvenues avec difficulté. La Réserve fédérale s’est montrée très active dans
la réalisation de cet objectif. Et le Royaume-Uni aussi ».
Edward 'Steady Eddie' George, Gouverneur de la Banque d’Angleterre 1993-2003
L’hypothèse que j’essaie depuis longtemps d’établir est
qu’après une hausse de prix au-delà de 1.900 dollars, les banques centrales
Occidentales se soient beaucoup inquiétées et aient opté pour un prix plus
faible et une croissance plus lente. Le prix de l’or a donc été forcé entre
1.540 et 1.780 dollars au travers des opérations de marché de certaines
banques centrales et commerciales auxquelles nous pouvons penser comme à une
sorte de Gold pool.
Comme vous vous en souvenez peut-être, entre les années
2000 et 2010, les banques centrales ont cessé de vendre de l’or et commencé à
en acheter. Ce changement d’attitude n’a pas été uniforme, mais influencé en
grande partie par les nations émergentes et ré-émergentes. Il n’a pas été
surprenant à mes yeux. En termes historiques, aucune devise fiduciaire n’est
parvenue à survivre très longtemps, sans parler des devises de référence qui
n’étaient pas soutenues par un empire imprenable. Elles sont toutes tombées
sous le joug du dilemme
de Triffin et du déclin du pouvoir de la
corruption.
Des forces
similaires se heurtent à l’union monétaire de l’Europe, qui ne dispose pas
d’union politique à proprement parler, et au rôle du dollar comme devise de
référence, bien qu’à une échelle plus large et bien plus lente. C’est
pourquoi les devises globales émises par une entité donnée tendent à présumer
une gouvernance mondiale, ou du moins une gouvernance cohésive d’une grande
partie du monde. Cela n’a rien de fortuit pour leurs objectifs financiers.
A la fin de
l’année 2012, la Bundesbank demandait, bien qu’après quelques déboires
politiques domestiques et qu’un audit de ses réserves d’or soit poliment
refusé, de récupérer une portion de son or déposé à New York et Paris pendant
la guerre froide.
La Fed de New
York a proposé un délai surprenant de sept ans pour retourner à l’Allemagne
ce qui pourrait être perçu comme une modeste quantité d’or, malgré ce que le Lord Haw
Haw de la Gold
Pool occidentale voudrait vous faire croire. La Gold Pool est un consortium
de banques centrales, de banques commerciales et de fournisseurs d’or papier
sous des formes variées qui tirent un intérêt de la préservation de puissants
statuquos.
Dans son désir
de contrôler le prix de l’or, le Gold Pool a prêté une grande partie de ses
réserves d’or physique aux banques commerciales, qui l’ont à leur tour vendu
sur les marchés pour en supprimer le prix. Une hausse du prix de l’or
endommage la confiance envers leur monnaie papier, et la hausse de la demande
a diminué leur capacité à fournir de l’or en supplément à la production des
sociétés minières. Il s’est donc trouvé que l’or allemand était
« indisponible ».
Avec l’incident
de l’or allemand qui menaçait leur accord de maintien de la confiance envers
les arrangements monétaires, les banques centrales et commerciales de
l’Occident ont une fois de plus « regardé droit dans le fond de
l’abysse ».
Comment
quelqu’un pourrait-il s’imaginer que les sources gouvernementales, qui
recherchent la confiance du public, puissent permettre à une telle chose de
se produire ? Il s’agit d’un abus de pouvoir pur et simple. Mais s’y
opposer représente un risque trop élevé en matière de carrière personnelle.
L’idée est de faire durer le jeu à tout prix.
A la fin 2012,
l’or physique a commencé à sortir des ETF occidentaux pour faire face aux
problèmes de disponibilité sur le court terme, ce qui a entraîné une baisse
du prix de l’or et a mobilisé ceux qui voulaient le voir baisser. Notez les
écarts d’inventaires entre l’or et l’argent, malgré leurs baisses de prix
comparables.
Cette tactique a
plus ou moins fonctionné en Occident, mais a échoué à l’échelle globale. La
demande en métal physique a atteint des sommets en Orient, alors que l’Asie
tirait avantage de la baisse du prix de l’or pour alimenter ses réserves
officielles et privées. L’Occident hypothèque tout ce qu’il a, et l’Asie
prend tout ce qu’elle peut. Voilà qui pèse très lourd sur un commerce qui
bénéficie déjà d’un énorme effet de levier.
Apparemment, les
peuples asiatiques n’ont pas été d’accord avec les économistes occidentaux
qui ont jugé l’or inutile pour quelques raisons que ce soit. Mais appelons
cela une différence d’opinions entre « pairs ».
Nous devons nous
rappeler que l’or est de l’or, et que son prix est plus un taux de change que
le prix d’une ressource. On pourrait donc penser ce scénario comme une
défense du dollar à un certain taux de change par rapport à l’or, identique à
celui que la Banque d’Angleterre a autrefois cherché à faire appliquer à la
livre.
Voilà où nous en
sommes aujourd’hui, avec l’or en-dessous de 1.250 dollars et l’argent à 20
dollars. L’or livrable du COMEX atteint des records à la baisse, et tout
laisse à penser que les producteurs ont de plus en plus de mal à fournir de
métal à un marché physique en déclin (débris, ETF et marchés). Ceux qui
gèrent les marchés alloués et à terme ont très, très peur ; bien qu’ils
continuent de sourire dans l’espoir de pouvoir le cacher.
La Gold pool
peut ré-hypothéquer et multiplier l’effet de levier de l’or physique grâce au
papier, qu’elle crée par des ventes à découvert à nu. Et elle peut vendre ce
papier pour la somme qu’elle veut sur les marchés qu’elle contrôle. Elle peut
utiliser son avantage positionnel et les médias pour faire taire tous ceux
qui osent questionner sa manière de faire. Mais elle ne peut pas imprimer de
l’or physique pour l’envoyer en Asie, qui très franchement se moque de ce
qu’elle dit.
On y fait
souvent référence comme à la divergence entre les marchés de l’or papier et
de l’or physique. C’est ce qu’il se passe quand des forces
« semi-officielles » fixent un prix artificiellement bas sur un
marché qui implique une ressource disponible en des quantités limitées – et
qui deviennent en conséquence toujours plus limitées.
Mais l’offre
d’or papier n’est limitée par rien, notamment lorsque les limites de position
et les effets de levier sont passés outre derrière un rideau opaque. Comme
les idiots qu’ils sont, les banquiers ont décidé de jouer cette carte comme
jamais, et aujourd’hui, ils sont voués à l’échec.
C’est pourquoi
je pense que la situation se détériorera à la manière des opérations de la Gold Pool de Londres
qui visaient à établir un prix de l’or artificiellement bas. La manière dont
les choses se dérouleront n’est que question de conjectures. Je doute que la
rupture se fasse à la source de l’or papier, compte tenu de la puissance
qu’ont les insiders sur les règles et les informations
diffusées. Il y a toutefois plus de chances de voir se développer des
difficultés en matière de livraison physique, qui pousseraient la Gold pool à
faire grimper le prix de l’or jusqu’à des niveaux plus raisonnables.
Derrière cette
dynamique se trouve ce que nous appelons les guerres des devises, ou les
écarts d’opinion entre les puissances mondiales pour ce qui est du régime
commercial global et de la fiabilité du système financier qui le supporte.
La Chine, la
Russie, le Brésil, le Venezuela et d’autres ont des intérêts aux antipodes du
cartel anglo-américain qui surfe la vague de l’hégémonie du dollar.
En y
réfléchissant un instant, comment vous sentiriez-vous si le yuan était la
devise mondiale, en laquelle votre pays épargnerait et achèterait ses
ressources essentielles comme le pétrole, et que la Chine décidait d’imprimer
autant de yuans que possible à des fins personnelles et les distribuait à ses
amis et banques ? Vous ne l’apprécieriez guère, et bien moins si les
intellectuels chinois se mettaient à parler de pièces de platine d’un
trillion de yuans pour résoudre leur corruption politique interne.
L’issue la plus
probable est un compromis, un panier de devises et une ressource ou deux,
comme l’or, qui formerait une devise artificielle pour les échanges
internationaux. De cette manière, aucun pays ou groupe de pays ne détiendrait
le privilège exorbitant qu’est la devise de référence.
Je pense que ce
que nous voyons aujourd’hui est l’étape de négociations du processus. La
question n’est pas tant ce qui en découlera, mais plutôt quels prix seront
fixés. Qu’est-ce qui y sera inclus et à quelle valeur par rapport aux autres
devises. Je serais étonné si le monde adoptait un nouvel étalon or. Je
préfèrerai voir le prix de l’or flotter librement sans évaluation officielle
par un gouvernement et sans COMEX. Mais de telles choses semblent être de
rigueur sur les marchés financiers, comme nous avons pu l’apprendre
récemment.
Comme vous
pouvez vous l’imaginer, la structure actuelle de pouvoir pourrait continuer
de combattre de manière plus ou moins agressive, puisqu’aucun privilège n’est
aussi appréciable qu’un privilège exorbitant. Particulièrement lorsqu’il
existe un partenariat entre les classes politique et financière et leur
pourcent favori de constituants. Mais elle devra aussi se faire à un pouvoir
en déclin, et une multiplication des mécontentements à l’échelle domestique.
Remettre en question une autorité est déconseillé lorsque la fin de
l’histoire n’est pas connue.
La trappe de la
crédibilité est un risque plus important encore. Que diront les gens
lorsqu’ils découvriront que les banquiers leur ont pris leur or pour le
donner aux capitalistes de copinage en échange de profits sur le court
terme ? Les faits seront certes déguisés par des rationalisations, des
excuses et des immunités personnelles, mais quand les cartes seront exposées
sur la table, les rackets seront mis au grand jour.
Voilà où nous en
sommes. Ceux qui pensent savoir ce qui arrive ensuite n’y ont probablement
pas suffisamment réfléchi. J’ai pensé à dix scénarios, regroupés sous quatre
catégories, qui sont tous aussi plausibles les uns que les autres. Il y a
beaucoup de variables exogènes impliquées, et personne ne peut prédire
l’avenir avec certitude.
Je les classerai
peut-être un jour de manière plus ordonnée. Mais pour l’heure, il est
suffisant de chercher à savoir quoi observer. Comme je l’ai dit, penchez-vous
sur l’Angleterre, qui pourrait nous donner des indices quant aux
développements à venir pour diverses raisons, et sur l’Europe continentale,
qui pourrait ou non accepter de jouer le rôle de pigeon pour la Gold pool. Ne
détournons bien sûr pas le regard de la Chine et de la Russie.
D’une manière ou
d’une autre, la situation changera. Nous pouvons en être certains.