C’est une des conséquences de la politique de taux bas des banques
centrales : l’épargne ne rapporte plus rien et l’argent qui
« dort » sur les comptes courants risque d’être taxé par les établissements
bancaires. Le contrat tacite entre les épargnants et les banquiers serait-il
rompu ?
La banque se transforme
Le monde de la finance et celui de la banque sont en pleine
mutation ! La faute à une société qui change à vitesse grand V, à
l’avènement du numérique et de la société
sans cash. Les banques se réorganisent avec notamment de nombreuses
suppressions d’emplois. En juillet 2019, la Deutsche Bank annonce ainsi qu’elle
supprime 18.000 emplois. De nombreuses banques réduisent leurs réseaux
d’agences. En effet, avec l’accès à son compte en ligne mais aussi la
quasi-disparition des chèques ou bien encore la multiplication des paiements
par IBAN, on a de moins en moins besoin d’aller voir son
« banquier » à l’agence.
La crise de 2008 change la donne
C’est une conséquence, plus de 10 ans après, de la crise des
Subprimes de 2008. On se souvient que pour éviter une crise de
liquidités, les banques centrales et en premier lieu la FED (réserve fédérale
américaine) ont offert des centaines de milliards aux banques que ce soit en
dollars ou en euros. A charge pour les banquiers de faire leur métier en prêtant
ces sommes aux entreprises et aux particuliers.
Maintenir la croissance par tous les moyens
Visiblement, les liquidités n’ont pas été injectées dans l’économie réelle
comme prévu. En effet, la croissance n’est pas au rendez-vous, pas assez.
Donc les banques centrales utilisent un autre levier et décident de maintenir
des taux bas. L’argent ne coûte pas cher, donc les entreprises et les
particuliers vont être incités à emprunter. Et donc les liquidités qui
dorment chez les banquiers seront utilisées. Eh bien non ! Au début du mois
(septembre 2019), ce sont 1772,5 milliards d’euros qui sont stockés par les
banques, en plus des réserves légales. La BCE décide dont d’imposer des taux
négatifs à ce gigantesque dépôt. 0,4% puis 0,5% de ce qui ressemble fortement
à une taxe. Faites le calcul, cela coûte 7 milliards par an aux
établissements bancaires de ne pas utiliser leurs liquidités !
Haro sur l’épargne !
Et l’épargnant…En réaction, les banques qui ne peuvent que se résigner
face aux décisions des banquiers centraux, décident de s’attaquer aux dépôts
de leurs clients. Il faut absolument limiter l’afflux de liquidités. On l’a
tous vu, difficile de trouver aujourd’hui un produit d’épargne qui rapporte
ne serait-ce qu’un petit peu plus que l’inflation, déjà faible. D’ailleurs,
les particuliers en sont à préférer laisser leur argent sur leur compte courant
plutôt que de le placer même sur des
Livrets A. Une récente étude Allianz évoque la somme de 600 milliards
d’euros d’épargne nouvelle placée sur des comptes à vue (ou courants). C’est
tout à fait étonnant. Et ça n’arrange pas les banques. Depuis la
mi-septembre, un établissement bancaire français, une banque privée, a décidé
de taxer elles aussi l’argent qui dort. D’autres pourraient suivre. C’est une
pratique déjà connue en Suisse où certaines banques taxent à 0,5% les comptes
courants trop garnis.
Des frais de garde pour les comptes courant ?
Appliquer des taux négatifs ne revient pas à faire payer la garde des
liquidités, c’est une dénomination impropre. En effet, si on compare aux
frais de garde dans un coffre-fort de matières précieuses comme l’or ou
l’argent, ce n’est pas la même « prestation ». Tout d’abord, un
coffre-fort c’est une garantie, une sécurité. Puis l’actif placé peut prendre
de la valeur tout en restant stocké donc inutilisé. Dans le cas de la
taxation de liquidités sur un compte courant, la somme ne peut que diminuer,
perdre de la valeur.
Le principe de la monnaie fondante ?
La Banque Centrale Européenne ne mettrait elle pas en application les
principes de la monnaie fondante par Silvio
Gesell ? Ce commerçant/économiste allemand de la fin du XIXème siècle
considérait qu’il y avait un déséquilibre entre le producteur et le
commerçant qui devaient vendre rapidement leurs produits pour qu’ils ne
perdent pas de valeur…Et le consommateur dont la monnaie ne perdait pas de
valeur avec le temps, donc pouvait différer son achat et l’avoir moins cher.
Alors Gesell a proposé de taxer la monnaie non utilisée. Pour lui cela
augmente la vitesse de circulation de la monnaie et donc cela sert l’économie
« réelle ».
Plus de croissance ? Pourquoi ?
Le titre ci-dessus peut avoir deux lectures. Le mot plus
pouvant être pris dans le sens de l’augmentation ou bien dans celui de
l’absence (de croissance). C’est sans doute le fond du problème. Les banques
sont submergées de liquidités et n’arrivent pas à les utiliser. La plupart
des pays développés vivent le plein emploi ou presque. L’inflation est
inexistante. Les paradigmes de la relation à l’économie, à la consommation, à
l’épargne sont en train de changer. Cela risque de tanguer.