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Signes de désespoir

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Publié le 14 septembre 2016
1122 mots - Temps de lecture : 2 - 4 minutes
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L’idiotie et le mensonge sont une bien triste combinaison pour les affaires des nations, et plus encore en période d’élections. Le cas actuel des Etats-Unis est la représentation parfaite de ces deux qualités : d’un côté, un pseudo-sauveur rustre et sans aucun filtre d’idées ; et de l’autre, une aspirante racketteuse-en-chef qui contrôle parfaitement sa fourberie innée. Trump nous offre une rhétorique incohérente en opposition totale à l’ordre lamentable des choses ; et Clinton nous offre une rhétorique vide d’honnêteté pour défendre cet ordre des choses. Les deux représentent un plongeon national vers le suicide politique.

Cette idiotie et ce mensonge s’étendent jusqu’aux masses d’électeurs et aux élites discréditées qui prétendent encore gérer la nation. Le public américain n’a jamais été moins instruit et plus distrait par des broutilles. Il ne sait plus rien. Même ceux qui sortent de l’université ne sont pas capables de donner le nom du Secrétaire d’Etat ou de trouver la Suisse sur une carte du monde. Ils ne savent même pas en quel siècle a eu lieu la Guerre civile. Ils ne pourraient pas vous dire si une hypoténuse est un animal, un légume ou un minéral. Leur droit de vote représente un danger pour eux-mêmes.

Les élites opèrent dans leur propre zone floue d’ignorance, qui est simplement plus noble. Voyez par exemple le nouveau livre du sorcier d’Harvard, Kenneth Rogoff, intitulé The Curse of Cash. Il s’agit là de la dernière salve de la campagne internationale en faveur d’un transfert des réserves d’espèces vers le contrôle total des banques centrales et des gouvernements centraux, supposément pour rendre la planification centralisée de l’économie plus efficace – mais, en réalité, dans le seul but d’élargir encore la mal-appréciation du crédit et des collatéraux (ou de tout ce qui existe) afin de sauver l’incarnation actuelle du capitalisme de copinage et sauver les fortunes des racketteurs qui le dirigent, ainsi que la réputation de leurs garçons de courses intellectuels. Ainsi, toutes les transactions « monétaires » devraient être traçables, pour allouer un pouvoir sans précédent aux autorités qui régulent la vie des citoyens.

Reste encore à voir si le public américain se laissera séduire par cette idée, qui fait déjà des émules en Europe. L’Europe, soit dit en passant, affrontera bientôt sa propre tempête, et nous avons toutes les raisons de croire que même les peuples dociles du Danemark et de la Suède se révolteront bientôt contre le régime de banque centrale si tant est que les Allemands le fassent d’abord.

L’hyper-complexité de nos arrangements financiers actuels dans le but de plonger délibérément les masses dans l’ignorance ne fait qu’aggraver la situation. Le public comprend-il la logique derrière les taux d’intérêt à zéro pourcent ? Non. Pas plus qu’il ne comprend l’interaction des gluons et des quarks et la doctrine de la Sainte trinité. Il est par exemple l’un des grands mystères de notre temps qu’un groupe comme l’AARP, qui se dit représenter les droits des personnes à la retraite, n’ait jamais cherché à argumenter contre les taux zéro, qui ont plongé les retraités qui dépendent de leur épargne dans le dénuement. Ce pourrait bien sûr être expliqué par le racket rampant dont souffre notre vie nationale : l’AARP est un racket d’assurance déguisé en groupe de défense des intérêts des citoyens. Ou, si nous insistions sur l’honnêteté de l’AARP, peut-être ses directeurs ne comprennent-ils pas que des intérêts à zéro pourcent sur l’épargne signifient zéro pourcent de revenus d’intérêts pour les épargnants.

Kenneth Rogoff tente de justifier son opposition aux espèces en invoquant deux des grands pères fouettards de notre ère : les terroristes et les trafiquants de drogues. Les espèces, nous dit-il, permet à cet axe du mal de parvenir à ses fins. C’est évidemment une ruse. Si les espèces disparaissaient, terroristes et trafiquants de drogues se tourneraient vers l’or et l’argent, c’est aussi simple que ça. Et tout le monde en ferait de même. La véritable raison pour laquelle abolir les espèces et donner aux banques centrales les pleins pouvoirs sur la monnaie est de permettre aux autorités de la confisquer d’une manière ou d’une autre, soit au travers des taxes soit au travers de bail-ins – en déclarant certains dépôts comme étant non-garantis, susceptibles d’être répudiés en cas d’ « accident » financier.

Et nous savons déjà les conséquences de cette expérience : la « monnaie » deviendra de moins en moins honnête, et ne pourra plus être crédible en tant qu’indice de compte et valeur de réserve. Son rôle en tant que base de la formation de capital se trouvera si diminué que plus aucun capital réel ne pourra être généré, ce qui signifie que tout le crédit émis en tant que monnaie ne pourra jamais être remboursé. Les politiques de taux d’intérêt à zéro pourcent feront que plus aucun intérêt ne sera versé. La monnaie, basée sur des prêts qui ne seront jamais remboursés, perdra toute sa légitimité. L’accumulation de la monnaie dans les ordinateurs des banques centrales ne vise qu’à permettre davantage de routines de bonneteau pour dissimuler ce détournement. Il serait en effet bien plus difficile de cacher la destruction de la valeur des devises papier en circulation. Eliminer les devises en tant que moyen d’échange ne pourra nous mener qu’à une répudiation de la monnaie – qui mènera à son tour à une répudiation de l’autorité. La recette parfaite du suicide politique.

Une dernière chose pour cette semaine : pourquoi les élites politiques américaines investies sur Clinton s’opposent-elles tant à la Russie et à son président, M. Poutine ? Les Etats-Unis ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour provoquer militairement la Russie au cours de ces dernières années. Ils ont manigancé la révolution en Ukraine, qui a laissé derrière elle un Etat en faillite - et qui a poussé la Russie à reprendre possession de la Crimée, autrefois un territoire russe et territoire sur lequel se trouvent encore aujourd’hui ses ports d’eaux tempérées. Ils continuent d’exercer les troupes de l’OTAN sur la frontière russe, font survoler son territoire aérien par des avions de surveillance, et se disent surpris quand les Russes déploient des troupes pour leur rappeler chez qui ils sont. Ils organisent des exercices militaires dans la Mer Noire et se demandent pourquoi les Russes sont méfiants. Ont-ils perdu la tête ? Comment réagiraient-ils si les Russes envoyaient des avions survoler l’île de Catalina ou jouaient à la bataille navale sur la côte d’Hampton Roads ? Pour qui se prennent les élites américaines ?

Ces petits jeux politiques et financiers sont malhonnêtes et dangereux. Ils font passer l’établissement politique des Etats-Unis pour une clique de dégénérés, et déroule le tapis rouge pour l’arrivée de Trump en tant que grand sauveur… l’apothéose de la théorie du Plus Idiot.

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé et une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde reviendra à un modèle décentralisé et local.
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