Les économistes ont tendance à
penser que, depuis les années 1980, les corrélations entre les différentes
définitions de la monnaie et le revenu national se sont brisées. La raison en
est, à leurs yeux, que la dérèglementation financière a rendu la demande
monétaire instable. En conséquence, l’utilité de la monnaie en tant
qu’indicateur des évènements économiques a considérablement diminué.
Pour répondre à cette
instabilité de la demande monétaire, les économistes ont introduit une mesure
de la masse monétaire connue sous le nom de méthode d’agrégation monétaire de
Divisia (après son fondateur, François Divisia).
En attribuant des variables
plutôt que des poids égaux aux composants de la masse monétaire, nous dit-on,
il est possible de remédier à l’instabilité de la demande monétaire. (En leur
attribuant des poids égaux, la corrélation entre la jauge monétaire pondérée
et les divers indicateurs économiques se trouve améliorée). En conséquence,
nous pouvons employer cet indicateur pour déterminer les évènements
économiques futurs. 1
Notez que selon une majorité
d’économistes, la validité des diverses définitions de la monnaie peut être
établie par un simple exercice statistique. Pour eux, la validité de la
définition de la monnaie – M1, M2 et autres – dépend de leur corrélation avec
d’autres données économiques telles que le PIB.
Le problème de la définition
de la monnaie
Aucune définition ne peut, en
revanche, être établie par simple exercice de corrélation. L’objectif d’une
définition est de présenter l’essence, les caractéristiques distinctes du
sujet à identifier. Une définition nous apprend les bases fondamentales d’une
entité particulière.
En ce sens, la monnaie est ce
contre quoi sont échangés tous les autres biens et services. La
caractéristique distincte de la monnaie est de servir de moyen d’échange.
Elle a évolué à partir de la marchandise la plus commercialisable.
Cette caractéristique
fondamentale de la monnaie doit être comparée à celles des autres biens. Les
biens alimentaires, par exemple, apportent aux êtres humains l’énergie qui
leur est nécessaire pour survivre, alors que les biens d’équipement
permettent l’expansion des infrastructures qui, à leur tour, permettent la
production d’une plus grosse quantité de biens et services.
Au travers d’un long processus
de sélection, les humains ont historiquement décidé d’utiliser l’or comme
monnaie. En d’autres termes, l’or a servi de norme monétaire.
Au sein du système monétaire
actuel, la masse monétaire n’est plus composée d’or, mais des billets et
pièces émises par les gouvernements et leurs banques centrales.
En conséquence, les billets et
pièces constituent la norme monétaire, connue sous le nom d’espèces employées
lors de transactions. En clair, les biens et services sont échangés contre
des espèces.
Une définition correcte de la
monnaie est nécessaire à tous ceux qui cherchent à tirer des informations
correctes d’indicateurs monétaires. Malheureusement, les moyens les plus
populaires de définir la monnaie sont incorrects.
Définitions incorrectes de la
monnaie
Prenons par exemple la
définition de la masse monétaire M2, qui inclut les comptes de dépôt des
marchés monétaires. Mais investir sur un fonds du marché monétaire est en
fait un investissement sur divers instruments du marché monétaire.
La quantité de monnaie en
existence n’est pas altérée en conséquence de cet investissement : seule
la propriété de la monnaie a temporairement changé.
Ainsi, si Joe investit 1.000
dollars sur un fonds du marché monétaire, la monnaie en existence au sein de
l’économie de change pas en conséquence de cette transaction. De la monnaie
se trouve déplacée depuis le compte de dépôt à vue de Joe vers le compte de
dépôt à vue du marché monétaire. Incorporer les 1.000 dollars investis sur le
fonds du marché monétaire dans la définition de la monnaie en plus des 1.000
dollars d’origine revient donc à un double comptage.
Le problème du double
comptage, c’est qu’il ne peut pas être résolu par la définition monétaire de
la « monnaie à zéro maturité » - une définition monétaire assez
récente.
La monnaie à zéro maturité
englobe tous les actifs financiers à zéro maturité, échangeables au pair sur
simple demande. Cette définition exclut tous les titres sujets à des pertes
de capital, et les dépôts à terme qui font l’objet de pénalités en cas de
retrait anticipé. La monnaie à zéro maturité inclut tous types d’instruments
financiers qui peuvent être aisément convertis en monnaie sans pénalité ou
risque de perte de capital. 2
Elle inclut des actifs qui
peuvent être convertis en monnaie. C’est précisément là le problème de cette
définition, puisqu’elle n’identifie pas la monnaie, mais plutôt un ensemble
d’actifs pouvant être convertis en monnaie. Elle ne nous dit pas ce qu’est
réellement la monnaie, ce qui est précisément ce que devrait faire une
définition de la monnaie.
De la même manière, le
problème de définition n’est pas résolu par l’agrégat monétaire de Divisia
qui, comme nous l’avons vu, n’essaie pas d’établir une définition de la
monnaie, mais plutôt d’améliorer la corrélation entre la monnaie telle que M2
et un indicateur d’activité économique. En ce sens, la jauge de Divisia est
un exercice d’ajustement des courbes.
Une fois qu’une définition
claire est établie, il est nécessaire de la préserver, qu’elle soit corrélée
ou non avec les autres données économiques.
Le déterminant de la validité
d’une définition de la masse monétaire ne devrait pas être une corrélation
statistique, mais le bien-fondé de la définition.
Le bien-fondé d’une définition
ne peut pas être établi au travers d’une analyse technique, mais de la
compréhension de ce qu’est vraiment la monnaie.
La monnaie électronique
est-elle une monnaie digne de ce nom ?
L’introduction de la monnaie
électronique a remis en question l’idée selon laquelle les billets et pièces
représentent la monnaie.
Néanmoins, les diverses formes
de monnaie électronique n’ont pas une existence propre. La monnaie
électronique ne peut exister que tant que les individus savent qu'ils peuvent
l'échanger contre des espèces sur simple demande.
Les récentes innovations
financières ne créent pas de nouvelles formes de monnaie, mais de nouvelles
manières d’employer la monnaie existante dans le cadre des transactions.
Quelles que soient ces
innovations financières, la nature de la monnaie ne change pas. Elle est ce
contre quoi tous les autres biens et services sont échangés.
- 1.
Barnett, W. A., 1980. « Economic Monetary Aggregates: An
Application of Aggregation and Index Number Theory, » Journal of Econometrics
14: 11–48.