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L'année
dernière, la Banque centrale européenne (B.C.E.) a
fêté ses dix années d'existence sous prétexte
qu'elle avait été créée le 1er juin 1998.
Et chacun des officiels d'y aller de ses félicitations pour cette
existence. Par exemple :
"S'il
n'a pas apporté la croissance attendue par certains, l'euro a
relativement protégé les pays européens des chocs
extérieurs, en évitant les crises de change. La tourmente
financière de l'été dernier en a apporté une
nouvelle preuve :
« Je ne vois personne qui pense que les turbulences auraient eu le
même effet si nous avions eu treize banques centrales à
coordonner. La BCE a pu agir même plus rapidement que la Réserve
fédérale américaine », estime Olle Schmidt,
député européen suédois rapporteur du rapport
annuel de la BCE.
Pour Pervenche Bérès, présidente de la commission des
Affaires économiques et monétaires du Parlement
européen,
« cette réactivité face à la crise
financière l'a fait gravir sur les tout premiers échelons des
banques centrales dans le monde » (I. François)
L'existence
opérationnelle de la B.C.E. ayant commencé le 1er janvier 1999,
je fais ci-dessous un constat décalé qui concerne les
résultats de son action monétaire et les met en relation avec
les différentes mesures de la quantité de monnaie de la zone
euro.
1. Le point sur l'évolution
monétaire à long terme dans la zone euro.
De mai 1999 à mai 2009, le total du bilan de la BCE a augmenté
de 159 % (cf. tab. 1 col.1 ligne 1 ci-dessous et La
Banque centrale europeenne "sort des clous"... ).
Tableau
1
Dix années de BCE
(taux
de variation)
Les billets dont la B.C.E. a reçu le privilège
d'émission ont vu leur quantité augmenter de 127 %.
Ils ont donc eu un taux de croissance inférieur à celui du
bilan de la B.C.E. (cf. tab.1 col.1 ligne 2 ci-dessus).
Parallèlement, de mars 1999 à mars 2009, la quantité de
monnaie mesurée par M1 (pièces, billets et dépôts
à vue) de la zone euro a augmenté de 130% (cf. tab.1, col.1
ligne 3),
par M2 (M1+ dépôts à terme) de 106 % (cf. tab. 1 col.1
ligne 4) et
par M3 (M2+...) de 111% (cf. tab.1 col.1 ligne 5),
autant de taux de variation inférieurs à celui des billets et a fortiori inférieurs à
celui du total du bilan de la BCE.
2. Le point sur l'évolution
monétaire à moyen terme dans la zone euro.
Les cinq premières années de son existence
opérationnelle, le total du bilan de la BCE a augmenté de 22,3
% et les cinq suivantes de 112 %, soit cinq fois le taux de variation de la
période précédente (cf. tab. 1, ligne 1 col.
2 et 3)
L'augmentation du prix de l'or et son impact sur les chiffres du bilan ne
suffisent pas à l'explication de cette multiplication.
Les billets ont augmenté pour leur part de 31 % puis de 73 % (cf.
tab.1 ligne 2 col. 2 et 3), soit près de deux fois et demi le taux de
variation de la période précédente, sacrée marche
d'escalier montée (comme l'indique le graphique ci-dessous).
Graphique
On
remarquera en particulier la marche montée en 2008 (cf. graphique
ci-dessus).
Ces évolutions monétaires à moyen terme en relation
directe avec la zone d'influence directe de la B.C.E. ne traduisent pas
une grande stabilité, mais une marche de dérive franchie.
3. Des phénomènes
remarquables.
L'instabilité précédente tranche avec la
stabilité de l'évolution de la quantité de monnaie
mesurée par M1 qui a augmenté dans les deux périodes de
52% (cf. tab.1 ligne 3 col. 2 et 3) , ce qui est un
phénomène pour le moins remarquable.
Comment l'expliquer ?
Difficile de répondre à la question étant donnée
l'information disponible, mais une réponse s'impose : certes pas en
invoquant la gestion de la B.C.E.. Je n'ai lu nulle part que la B.C.E. avait
eu comme objectif de politique monétaire la stabilité du taux
d'augmentation à moyen terme de M1.
Deux autres phénomènes sont tout autant remarquables.
a) Le premier tient aux évolutions de M2 et M3 qui ont
été voisines, mais pas stables d'une période à
l'autre puisque leurs taux d'augmentation ont été
respectivement, les cinq premières années, de 35 % et 39% et
les cinq suivantes de 52% et de 51% (cf. tab.1 lignes 4 et 5, col. 2 et
3), soit près d'une fois et demi les taux de variation de la
première période.
b) Le second phénomène remarquable tient aux évolutions
respectives des agrégats monétaires M1 et alternativement M2 ou
M3.
Ils ont augmenté, dans la première période, à des
taux respectifs non seulement
différents, mais encore supérieurs à ceux du
total du bilan de la BCE et des billets, tandis que dans la seconde
période, leurs augmentations se sont faites non seulement à des taux respectifs
presque égaux, mais encore largement inférieurs aux
taux de variation du total du bilan de la BCE et des billets.
Il y a donc eu un renversement spectaculaire de l'évolution
monétaire dans la zone euro.
4. Marginalement…
On constate que la dernière année 2008-2009 (cf. tab. 1 col.
5), le total du bilan de la BCE a augmenté de 29% tandis que les
billets augmentaient de 12,8 % (cf. aussi graphique ci-dessus). Ce sont des taux
d'augmentation élevés qui poussent à se poser la
question de l'émergence de l'inflation, voire de l'hyperinflation dans
la zone euro.
On constate aussi que, malgré ces taux d'augmentation de la base
monétaire, les taux d'augmentation des agrégats monétaires
ont été raisonnables :
M1 n'a augmenté que de 7,6%,
M2 de 7% et
M3 de 6%.
Ce sont des taux raisonnables pour autant que les conditions
économiques n'ont pas changé en matière de prix et de
croissance.
Si ces conditions ont changé, si, par exemple, il y a eu effondrement
de la croissance et baisse des prix, les taux d'augmentation deviennent
déraisonnables et sont conformes à ceux de la BCE.
Un indicateur de cette conformité est d'ailleurs qu'en 2009 (cf. tab.
2 ci-dessous) le rapport des billets à l'un ou l'autre des
agrégats monétaires est en légère augmentation
par rapport à ce qu'il a été dans la période et
était en 1999, ce qui est un phénomène a priori guère
inquiétant.
Tableau 2
Billets et autres formes de monnaie.
Ce
n'est qu'une possibilité.
5. Le renversement spectaculaire.
Le renversement de l'évolution monétaire dans les dix
premières années de la zone euro et dont témoignent les
deux périodes de cinq années doit être
étudié.
Il doit l'être d'autant plus qu'il y a eu stabilité de
l'évolution de M1 - certes à un taux discutable -
et que cette évolution n'est pas l'objectif affiché de la BCE.
Tout semble d'ailleurs avoir pivoté en 2004 autour de cette
évolution de M1.
Etant donné que l'inflation est le phénomène
monétaire au terme duquel, toutes choses égales par ailleurs,
l'augmentation continue de la quantité de monnaie provoque l'augmentation
continue de tous les prix, le renversement de l'ordre des tendances
monétaires en 2004 serait-il la porte ouverte à l'inflation,
voire à l'hyperinflation, future ?
Difficile de répondre à la question pour l'instant étant
données les informations disponibles.
Georges Lane
blog.georgeslane.fr
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Georges
Lane enseigne l’économie à
l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec
Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que
dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels
libéraux authentiques en France.
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