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Une interview de Gad Saad, 2e partie

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Publié le 02 mai 2015
1533 mots - Temps de lecture : 3 - 6 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Voir la 1ère partie

 

Grégoire Canlorbe : Dans quelles circonstances et pour quelles raisons avez-vous développé cette passion pour les racines évolutionnistes de la consommation ? Avez-vous depuis l’école primaire une attraction viscérale pour les « hamburgers juteux, les Ferrari, la pornographie et la pratique du don » ?

 

Gad Saad : J’ai répondu à cette question dans la préface de mon livre de 2007 The Evolutionary Bases of Consumption (en français, « Les Racines évolutionnistes de la consommation »). Pendant mon premier semestre en tant que doctorant à l’Université Cornell, j’ai suivi un cours avancé de psychologie sociale sous la tutelle du Professeur Denis Reagan. À la moitié du semestre, il nous a imposé de lire un livre appelé Homicide écrit par deux pionniers de la psychologie évolutionniste, une équipe de deux chercheurs : Martin Daly et sa femme Margo Wilson. Dans leur livre, ils examinaient les modèles de criminalité, c’est-à-dire les manières dont les crimes se produisent dans des sociétés très différentes à travers le monde. Cela pouvait être des tribus en Amazonie, à Détroit dans les années 50, ou à Paris aujourd’hui. Ils cherchaient à déterminer si certains phénomènes liés à la criminalité restaient vrais dans toutes les circonstances de temps et de lieu, et ils utilisaient la théorie évolutionniste comme cadre d’analyse.

 

On y découvre notamment que la personne potentiellement la plus dangereuse dans la vie d’une femme, c’est son partenaire, c’est-à-dire son mari ou son petit ami. Ce n’est en général pas un étranger caché qui va sauter pour la violer mais plus simplement son compagnon. Plus précisément, les hommes ont une raison évolutionniste très particulière de vouloir agresser ou tuer leur femme : une infidélité supposée ou réalisée. Si je pense que tu m’as trompé ou si je sais que tu m’as trompé, cela peut entraîner une réaction très violente de ma part pour une raison évolutionniste très simple.

 

Nous sommes en fait une espèce biparentale, c’est-à-dire que les hommes et les femmes investissent énormément dans leur progéniture. Pour un homme, ce ne serait pas une bonne idée de dépenser de nombreuses années et des ressources dans un enfant si celui-ci n’est pas assurément le sien. À cause de l’incertitude de la paternité, nous sommes les descendants d’ancêtres qui étaient très territoriaux sur le plan sexuel. Et c’est pourquoi les hommes à travers le monde répondront très violemment aux menaces concernant leurs intérêts génétiques. C’est une explication très élégante. Et quand j’ai compris cela, quand j’ai pu apprécier le pouvoir de la théorie évolutionniste pour expliquer toutes sortes de comportements criminels, j’ai attrapé le virus évolutionniste. Et puisque je m’intéressais à l’étude du comportement du consommateur, j’ai pensé : « Vous savez quoi ? Je vais prendre le cadre évolutionniste et l’appliquer au comportement du consommateur. » Et j’ai ainsi fini par trouver le champ de la consommation évolutionniste. Voilà en quelque sorte les coulisses de mon voyage intellectuel et scientifique.

 

Il est intéressant de noter que cette explication concernant la motivation que peuvent avoir les hommes de tuer leur partenaire féminin suscite une forte hostilité et conduit nombre de personnes à rejeter la psychologie évolutionniste car elles croient à tort que si on apporte une explication scientifique à un phénomène, cela implique qu’on le justifie ou qu’on l’excuse. Mais c’est une vision très idiote des choses. Un chercheur en cancérologie étudie le cancer ; il n’est pas pour le cancer, il n’excuse pas et ne justifie pas le cancer ; il ne fait qu’expliquer le phénomène.

 

C’est l’une des raisons principales de l’hostilité que j’ai pu observer de la part de gens qui n’apprécient pas la théorie évolutionniste. Ils ont la fausse impression que les scientifiques évolutionnistes cherchent toutes sortes de moyens pour justifier des comportements immoraux. Par exemple, si on explique pourquoi les gens trichent dans le contexte d’une union monogame, quelqu’un peut se fâcher et nous répondre « Oh, mais vous utilisez la science pour justifier l’infidélité. » Mais bien entendu, ce n’est pas ce que nous faisons ; nous ne faisons qu’expliquer pourquoi les gens pratiquent l’infidélité. C’est très important de garder ça à l’esprit.

 

Grégoire Canlorbe : Le roi du porno du XXème siècle et multimillionnaire Hugh Hefner affirmait dans une interview récente : « Ce qui est surprenant, c’est que le goût des Américains et plus généralement des hommes en matière de beauté sont essentiellement restés les mêmes. Les styles changent certes, mais notre vision de la beauté reste la même. » Je suppose que votre enquête scientifique portant sur la consommation vestimentaire et cosmétique met en lumière la pertinence de ces déclarations par le fondateur de Playboy. Pourriez-vous nous en dire plus ?

 

Gad Saad : Si je reformule votre question, vous me demandez de faire le tri entre les phénomènes de mode et ceux qui, au contraire, sont permanents. Prenons l’exemple que vous donnez, celui de la mode vestimentaire.

 

Plusieurs études que je discute dans mes livres s’intéressent à l’impact de variables macroéconomiques sur les changements de la mode féminine. Quand, par exemple, les conditions économiques sont très difficiles, on peut s’attendre à ce que les femmes se rendent plus attrayantes, c’est-à-dire qu’elles accroissent les signaux sexuels. Certaines études observent ainsi dans quelle mesure la longueur des jupes portées par les femmes est fonction de variables économiques. Ces recherches ont été faites sur plus de 80 ans. Et les chercheurs montrent effectivement que les indicateurs économiques sont en fait largement corrélés avec certaines tendances à la mode. Donc même les changements cycliques de la mode sont en partie façonnés par des facteurs biologiquement pertinents.

 

Grégoire Canlorbe : À propos du comportement du consommateur, vous affirmez qu’acheter ou conduire une Ferrari ou toute autre voiture de luxe, c’est l’équivalent pour l’homme de la queue du paon. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agirait d’attirer les femelles. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Gad Saad : Au sein d’une large majorité d’espèces, les mâles se font la concurrence pour avoir accès aux femelles. Ce n’est pas toujours le cas car parfois, on rencontre des espèces au rôle sexuel inversé où ce sont les femelles qui se font concurrence et qui s’engagent alors dans l’émission de signaux sexuels Ces derniers évoluent à travers le mécanisme de la sélection sexuelle. L’exemple classique est celui de la queue du paon, qui n’aurait pas pu évoluer du fait de la simple sélection naturelle, car une longue queue affaiblit les chances de survie du paon. Avoir une queue encombrante le rend plus visible de ses prédateurs et rend aussi plus difficile de leur échapper. Pourquoi les paons ont-ils donc des queues aussi grandes ? Pour répondre à cette question, il faut s’intéresser à un mécanisme connu sous le nom de sélection sexuelle.

 

La sélection sexuelle est le processus évolutionniste qui résulte dans un avantage de reproduction. En d’autres termes, les paons ont développé leurs grandes queues car elles leur servaient de véritables signaux, comme des avertissements aux femelles : « Salut beauté, choisis-moi, je suis le meilleur mâle. Regarde, j’ai cette très longue queue, c’est très coûteux, c’est très dangereux pour moi de l’avoir et pourtant je suis toujours là, je dois être un spécimen génétique d’exception. » Et donc, j’utilise ce principe de signalisation coûteuse, qui est connu en biologie comme le principe du handicap, et je l’applique au comportement du consommateur ; et je soutiens qu’une grande partie de la consommation visible que nous avons est une forme proche de l’expression du paon. La Ferrari est donc l’équivalent humain de la queue du paon.

 

Si vous et moi, nous nous concurrençons sur le marché de la reproduction, vous pouvez décider de louer une Ford Mustang afin d’impressionner les femmes sur les Champs-Élysées. Malheureusement pour vous, vous ne pouvez pas vraiment me concurrencer car j’ai une Ferrari. C’est un signal coûteux que vous ne pouvez pas imiter. Il y a quelques années, j’ai publié un article avec l’un de mes anciens étudiants dans lequel nous avons examiné les effets de la consommation visible sur le niveau de testostérone des hommes. Nous avons amené plusieurs jeunes hommes dans un laboratoire où deux voitures les attendaient. Nous leur avons demandé de conduire chacune des deux voitures. Ils ont ainsi conduit une superbe Porsche et une vieille berline fatiguée dans deux contextes différents, à savoir dans le centre-ville de Montréal, pendant le week-end où tout le monde peut vous voir conduire ces deux voitures, et sur une route semi-désertique. À l’issue de ces expériences de conduite, nous leur avons fait des prélèvements salivaires afin de mesurer les fluctuations de leur niveau de testostérone, l’idée étant que si vous mettez un homme dans une situation où son statut social semble élevé, sa testostérone devrait grimper. Lorsqu’il est au contraire mis dans une situation où son statut social est peu élevé voire bas, sa testostérone devrait baisser. Nous avons alors trouvé que lorsqu’on met un homme dans une Porsche, son niveau de testostérone augmente. Mais ce n’est pas parce qu’il conduit vite puisque dans le centre-ville de Montréal, un vendredi soir, la circulation est assez dense et on roule au ralenti. C’est plutôt le fait de l’avoir placé dans une situation où son statut social apparaît élevé.

 

À suivre

 

 

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