BNP Paribas (Suisse), un Etat dans l’Etat!
Avant-propos:
France 3 diffuse aujourd’hui BNP Paribas, dans les eaux
troubles de la plus grande banque européenne. Bémol, elle le
diffuse à 23h35. Pensez donc à l’enregistrer.
Ce documentaire est une enquête sur l’hyperpuissance de BNP Paribas,
elle-même un microscopique outil aux mains de la microélite qui a
dépossédé le monde de ses avoirs.
Ce documentaire participera malgré tout à lever un petit coin de l’épais
rideau qui a caché trop longtemps des pratiques indignes d’un Etat de droit,
et que les médias grand public ont participé par leur discrétion à préserver
durant des décennies.
Des décennies durant lesquelles les pratiques les plus détestables ont été
déployées en toute impunité. Un système qui n’hésite pas à flirter à
l’occasion avec des agents peu recommandables, incluant la mafia italienne ou
Daëch…
Cette hyperpuissance est aussi le fruit de l’implication des dirigeants
politiques qui ont accepté de cautionner les pires dérives avec
l’argent des impôts et des capitaux des retraites.
Jamais cette hyperpuissance n’aurait pu voir le jour sans une volonté
politique de longue durée des représentants de droite et de gauche. Un
cynisme à toute épreuve donc.
A l’heure où les banques risquent d’être abandonnées pour un nouvel ordre
financier et monétaire, ce documentaire reste très utile pour informer ce
grand public maintenu dans l’ignorance de la prise de pouvoir bien réelle de
la micro-élite internationale…
Car n’en doutons pas, BNP Paribas est une banque américanisée de la
famille des too big to fail, qui ont servi à la diffusion de la dette
publique US en Europe, et aux besoins hégémoniques de Wall Street.
BNP Paribas n’est qu’un petit soldat sur le champ militaire de la planète
finance…
LHK
Pour la première fois, un documentaire décortique le surpuissant système
BNP Paribas
Un documentaire met en lumière la totale impunité dont jouit la plus
grande banque européenne, BNP Paribas. L’enquête de Xavier Harel et Thomas
Lafarge, diffusée jeudi 4 octobre sur France 3, a duré deux ans et
dénonce les dérives du groupe et du système bancaire. Accablant.
Le crédit de BNP Paribas pourrait en prendre un coup. La
diffusion, le jeudi 4 octobre à 23h35, sur France 3, du
documentaire au titre évocateur, BNP Paribas, dans les eaux troubles de
la plus grande banque européenne, devrait en tous cas provoquer de
sérieux remous. Cette enquête sidérante met en lumière la totale
impunité dont jouit depuis au moins deux décennies la première banque
française et européenne, quatrième banque mondiale. Aucun des gros dossiers
n’est laissé de côté : de la façon dont la banque s’est invitée à la
table des négociations et a fait valoir son point de vue dans la crise des
subprimes ou la dette grecque ; au jeu trouble de sa filiale suisse
en matière d’évasion fiscale ; en passant par le contournement de l’embargo
international au Soudan, à Cuba et en Iran… Une enquête qui a demandé deux
ans de travail et valu quelques embûches, à ses deux réalisateurs Xavier
Harel et Thomas Lafarge. Entretien.
Comment est née l’idée de cette enquête ?
Xavier Harel : C’est Thomas qui a eu l’idée de ce projet
culotté. De mon côté, j’avais pas mal travaillé sur la BNP lorsque j’étais
journaliste à La Tribune. Plus exactement, au gré de mes enquêtes
sur les paradis fiscaux, l’Afrique, les matières premières, la crise
financière… Je tombais à chaque fois sur BNP Paribas. Et je n’ai jamais
traité des banques ! J’avais donc pas mal de pièces, de documents, de
contacts et d’histoires à raconter. Quand Thomas est venu me voir, je lui ai
dit que c’était une excellente idée mais que, par contre, j’étais très
sceptique sur le fait de trouver un diffuseur tant BNP Paribas a des intérêts
absolument partout.
Thomas Lafargue : Et pourtant, nous l’avons vendu deux
fois ! D’abord à Canal+. Je travaillais alors pour une boîte de
production (KM Production) qui bossait exclusivement pour la chaîne cryptée.
J’ai proposé le doc et aussi étonnant que cela puisse paraître, Canal+ m’a
dit banco. Tout était ficelé et déjà très avancé. Mais, entre-temps, Vincent
Bolloré est sorti du bois et target="_blank" a censuré notre film (où je n’étais que cadreur) consacré au
Crédit Mutuel. Dans la foulée, je n’ai plus eu de nouvelles de Canal+…
Nous avons juste appris qu’en septembre 2015 Vincent Bolloré avait
évoqué notre projet lors d’un conseil d’administration de la chaîne et avait
décrété qu’il n’était pas plus question de taper sur les amis du Crédit
Mutuel que sur ceux de la BNP. On avait donc un sujet, mais plus de
diffuseur. Ensuite, nous avons démarché Arte, qui n’a pas donné suite, puis
France 3.
“Notre idée directrice a surtout été de montrer qu’il
n’existe aucun contre-pouvoir en face de cette banque. BNP Paribas a
absolument tout verrouillé.”
Le sujet est vaste, dense, complexe, à l’image du pouvoir
tentaculaire de BNP Paribas que votre documentaire révèle. Comment aborder un
tel mastodonte ?
X.H. : Il faut attaquer la
montagne par tous les versants. Le projet a évolué dans sa forme au fil de
nos découvertes et des entretiens. Pour comprendre comment ce système se met
en place, il fallait raconter tout le processus et l’histoire de la banque.
Au début, nous l’avions davantage recentré sur son président le plus
emblématique, Michel Pébereau, mais comme ce n’est pas une star de la télé,
c’était plus compliqué.
Notre idée directrice a surtout été de montrer qu’il n’existe aucun
contre-pouvoir en face de cette banque. Ou plutôt qu’elle les contrôle
tous : la Banque de France et les établissements financiers en général,
les médias, la classe politique… BNP Paribas a absolument tout verrouillé.
D’ailleurs, rien n’a jamais été fait sur cette banque. Pas plus un livre
qu’un film.
Avez-vous subi des pressions au cours de votre enquête ?
T.L. : Nous n’avons subi aucune pression directe.
Pas plus que notre productrice ou France 3, qui en tout cas ne nous en a pas
fait part. Il y a bien des mails, des spams étranges reçus tous les deux à
une minute d’intervalle, mais sans doute une simple coïncidence. Dans ce type
de projet, le premier danger est l’autocensure. Il faut arrêter de croire ou
de laisser croire que travailler sur des grosses entreprises, c’est s’exposer
à des représailles et que tout risque d’être cadenassé.
Un sujet comme la banque fait peur. Nous avons rencontré cent vingt personnes
ou témoins pour le film. A chaque fois, comme un réflexe, ils nous
disaient : « Vous êtes fous, vous ne savez pas à qui vous vous
attaquez… » Tout cela est un peu fantasmé. La meilleure protection
serait le silence. Merci, en tout cas, à ceux qui ont osé témoigner, et en
particulier les anciens salariés de la BNP.
“Ceux qui ont accepté de témoigner ont quitté
la banque, et même l’univers bancaire.”
Anciens car, hormis une représentante syndicale bientôt à la
retraite, aucun salarié actuel n’a osé témoigner ?
X.H. : Pourtant, nous en avons sollicité beaucoup. A
tous les échelons. Y compris à la direction. J’ai passé beaucoup de temps
avec le service de presse pour essayer de les convaincre de l’intérêt qu’ils
avaient à communiquer. En vain. Là encore, ça en dit long sur le côté
bunkérisé de cette banque. Une communication totalement verrouillée
et des salariés tenus de s’y plier dans une ambiance quasi militaire.
T.L. : Il est important de souligner que 99,9 % des
employés de cette banque font correctement leur travail, en respectant des
règles extrêmement strictes. On leur demande de viser chacune de leurs
actions pour engager leur responsabilité. Ils doivent justifier de
tout et peuvent se faire renvoyer pour avoir émis une critique contre la
banque. Alors, quand ils apprennent qu’au sommet de cette banque une
poignée d’individus ont pris des décisions qui ont, notamment, coûté
9 milliards d’euros à la banque sans être inquiétés – certains ont même
été récompensés par des retraites chapeaux –, il y a de quoi se sentir trahi.
Ce film est aussi pour eux.
Y a-t-il des témoignages que vous avez choisi de ne pas
diffuser ?
T.L. : Notre principale difficulté a été de trouver des
gens qui acceptent de témoigner. Des anciens de la BNP, mais également des
fonctionnaires de Bercy, des ministères… Cela a été très long de convaincre
ceux qui ont accepté. C’est l’avantage d’avoir bénéficié de deux années.
X.H. : En résumé, c’est assez simple. Ceux qui ont
accepté de témoigner ont quitté la banque, et même l’univers bancaire. Ceux
qui travaillent à la BNP ou dans un autre établissement ont refusé de
témoigner à visage découvert.
“Les banques, c’est comme le nucléaire. Les
accidents sont très rares mais quand ils se produisent, ils sont très graves.”
(…)
Le parcours du « parrain du capitalisme »,
son surnom, et les dérives de la banque semblent étroitement liés ?
X.H. : Le système Pébereau est très français. Il mélange
intérêt public et privé. C’est aussi l’histoire de la banque publique,
privatisée, puis chapeautée par le Trésor. Michel Pébereau va le sublimer.
Aujourd’hui, en France, de grandes entités privées n’ont pas d’autorités de
contrôle ou de régulation. Un haut fonctionnaire du Trésor devenu banquier
nous l’a expliqué : les banques, c’est comme le nucléaire. Les accidents
sont très rares mais quand ils se produisent, ils sont très graves. Mais le
nucléaire et les centrales sont sous surveillance. Pas les banques. Je trouve
ce parallèle tout à fait pertinent.
(…)
Votre documentaire s’arrête aussi sur le sujet ultra sensible de
la filiale suisse, décrite comme « un Etat dans l’Etat ». A-t-il
été difficile d’enquêter sur ce sujet ?
T.L. : Etonnamment, non. C’est même là que nous avions
le plus de sources. L’amende record américaine a fait exploser la filiale.
BNP Paribas Genève, ce sont des revenus colossaux amassés grâce aux
négociations de matières premières, sur lesquelles Paris fermait les yeux.
Mais après 2014, tout a changé. Ceux qui travaillaient en Suisse sont tombés
de très, très haut. Beaucoup ont été licenciés sans ménagement. Donc,
certains d’entre eux, qui nous auraient méprisés il y a quelques années, ont
accepté de nous parler.
“Qui vous dit que la BNP ne sera pas
satisfaite, flattée de l’image de banque superpuissante que nous donnerons d’elle
?”
Y a-t-il des choses que vous vous êtes interdit de raconter dans
le film ?
X.H. : Il y a beaucoup de choses que nous n’avons
pas pu mettre dans le film. A cause de leur complexité. On ne trouvait pas la
solution ou la bonne formulation pour les faire comprendre au grand public.
Par exemple, sur le rôle trouble joué au Congo Brazaville à partir des années
2000 autour de tout un système de financement compliqué à expliquer.
Ce documentaire est-il totalement à charge contre la BNP ?
T.L. : Ils n’ont pas besoin de nous pour dire du bien
d’eux. Si la communication générale de la banque durait vingt-quatre heures,
notre documentaire représenterait une seconde. Et qui vous dit qu’ils ne
seront pas satisfaits, flattés de l’image de banque superpuissante que nous
donnerons d’eux ?
Une superpuissance pourtant condamnée à une amende record par la
justice américaine en 2015.
T.L. : Une amende amortie en
une année. Qui se souvient que la BNP a été condamnée ? Tout le monde a
en mémoire l’affaire Kerviel Société Générale, ou le Crédit Lyonnais associé
à Bernard Tapie. Mais l’amende de la BNP et sa cause, tout le monde l’a
oubliée…
“Ce doc s’adresse aux citoyens et aimerait leur
dire qu’il faut reprendre le contrôle sur les banques.”
Avez-vous craint une censure ou une interdiction du film en
référé ?
TL. : Ils n’ont aucun intérêt à faire interdire le
documentaire. Le lendemain, il serait sur YouTube et circulerait plus vite et
par un plus grand nombre. On l’a vu avec le Crédit Mutuel. Ils sont
suffisamment intelligents pour ne pas faire la même erreur. La seule crainte
est la pression ou les représailles qui pourraient être exercées sur les gens
qui ont témoigné dans le film.
Qu’attendez-vous de ce film ?
XH. : S’il peut permettre de relancer le débat autour de
l’hyper pouvoir des banques, ça serait déjà pas mal. Ensuite, le film veut
montrer cet immense décalage qui existe entre l’image très lisse, très
raisonnable que cette banque renvoie et ce qu’elle est en réalité. Enfin, ce
doc s’adresse aux citoyens et aimerait leur dire qu’il faut reprendre le
contrôle sur les banques. On a besoin d’elles, mais la banque est une affaire
trop sérieuse pour la laisser exclusivement aux banquiers.
T.L. : Ce n’est pas un métier comme les autres. Demain, si
Coca-Cola fait faillite ce n’est pas un problème, Pepsi rachète les parts et
le tour est joué. Si la BNP fait faillite, le système s’écroule. Donc de
fait, ça n’arrivera pas. Je le dis à tous les clients de la BNP : vous pouvez
rester dans cette banque, il ne se passera rien.
Redoutez-vous une réaction de BNP Paribas ?
X.H. : On s’y attend. La banque devrait réagir. Ils vont
appeler des journalistes amis pour souligner les faiblesses
du film ou d’autres choses. Ils sont habiles dans ce type de manœuvres. Ils
ont une capacité d’influence qu’on ne soupçonne pas.
T.L. : Il y a aussi ceux qui y travaillent tous les jours.
S’ils voient le film et qu’ils ont des choses à raconter, nous sommes à leur
disposition. Si ce film peut permettre de libérer un peu la parole et faire
du bien aux salariés de la BNP, tant mieux.
Regrettez-vous que ce film ait été programmé si tard
(23h35) ?
T.L. : France 3 a pris un vrai risque en acceptant ce
film. Le mettre en prime time aurait été un risque encore plus grand. Le
replay va peut-être bien fonctionner.
Etienne Labrunie
BNP Paribas, dans les eaux troubles de la plus grande
banque européenne, jeudi 4 octobre à 23h35, sur France 3.
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