Traduction
de l'interview réalisée pour Oroyfinanzas.com
Oroyfinanzas : Ces dernières
semaines les Bourses du monde entier ont atteint des niveaux historiques.
Pensez-vous que ce mouvement à la hausse à de l’avenir ?
Fabrice Drouin Ristori : Je répondrais
deux choses :
- En
termes nominaux (mesurés en monnaie papier), les marchés-actions sont
effectivement en croissance ces dernières années, mais évaluer un actif dans
une monnaie qui se dévalue (le dollar ou l’euro) ne permet pas d’avoir une
vision claire de la performance de ce même actif. Pour avoir une idée précise
de la performance, je considère qu’il faut éliminer le facteur monétaire et
mesurer un actif contre d’autres actifs tangibles, l’or ou le pétrole par
exemple. Or, en appliquant cette méthode sur une longue période, on
s’aperçoit que les marchés-actions n’offrent pas de performance élevée
réelle. Elle est illusoire et due à la dépréciation des monnaies de papier.
-
Deuxièmement, les marchés-actions ne sont plus des marchés librement
déterminés. On sait désormais que les banques centrales interviennent
massivement sur ces marchés, faussant leur valorisation par la création d’une
demande venant directement de l’injection de liquidités dans le système.
Donc, tant que les banques centrales monétiseront les marchés-actions, nous
continuerons à observer une performance en termes nominaux, mais pas en
termes réels.
Donc,
si les banques centrales continuent à intervenir sur les marchés-actions, ils
peuvent continuer à augmenter en termes nominaux.
Oroyfinanzas : Cette
hausse des cours est-elle justifiée, à la lumière des fondamentaux
économiques et au vu des résultats des entreprises ?
Fabrice Drouin Ristori : Non,
les PER (Price to earnings ratio) atteignent des niveaux de surévaluation du
niveau de ceux de la dernière bulle spéculative des années 2000. Comme je
l’expliquais plus haut, la valorisation actuelle des marchés-actions n’a
strictement rien à voir avec les fondamentaux, mais plutôt avec
l’intervention des banques centrales; sinon, comment expliquer notamment que
les volumes d’échanges sur les marchés-actions s’effondrent, ces dernières
années, alors que les cours augmentent ? Ça ne fait aucun sens, sauf à
reconnaître une intervention des banques centrales.
Oroyfinanzas : Quelle
relation de dépendance existe-t-il entre les banques centrales et les
marchés-actions ?
Fabrice Drouin Ristori : Les
marchés-actions sont des indicateurs surveillés par la majorité des
investisseurs. Un cours en croissance peut donner l’illusion d’une bonne
santé économique et permettre de rassurer les masses. C’est ce que les
gouvernements et banquiers centraux essaient de nous vendre depuis 2008,
alors que les fondamentaux de l’économie réelle ne cessent de se détériorer.
Pour
cette raison les banques centrales, certainement sous influence des
gouvernements, interviennent sur ces marchés. C’est notamment le rôle du Plunge Protection Team aux USA.
La
relation de dépendance est donc directe. Sans injection monétaire, nous
n’observerions pas une telle performance des marchés-actions ces dernières
années.
Oroyfinanzas : Le rôle
de la Fed, selon Yellen, est de favoriser le développement de l’économie
réelle et de protéger le dollar. Pensez-vous que cette situation peut
continuer encore durer longtemps ?
Fabrice Drouin Ristori : Non,
ce n’est pas tenable, car l’injection monétaire n’a jamais permis de relancer
ou développer structurellement une économie. Sinon le Zimbabwe serait la
première puissance économique mondiale.
Regardez
le Japon, par exemple, qui vient de rentrer en récession alors qu’ils ont
annoncé leur 9ème plan d’assouplissement monétaire (QE). L’économie japonaise
est noyée dans les liquidités et n’arrive pas à redémarrer. L’impression
monétaire ne fonctionne pas.
Je
pense que le rôle non avoué de la Fed est surtout de protéger et sauver le
système financier/bancaire actuel en injectant les liquidités nécessaires au
non-effondrement du secteur, et non pas le soutien à l’économie réelle.
Ce
faisant, la Fed contribue à la dévaluation du dollar, notamment pour tenter
de relancer les exportations, mais cela ne fonctionne pas non plus, car tous
les pays participent à cette guerre des monnaies. Je ne vois pas comment la
Fed pourra éviter de relancer un énième QE, étant donné que la BoJ et la BCE
continuent le jeu de la dévaluation compétitive.
Comprenez
que toutes les monnaies chutent, certes à des vitesses différentes, mais
elles chutent toutes ensemble. Ce qui se profile à terme est la perte de
confiance totale dans les monnaies-papier.
Oroyfinanzas : Pensez-vous
que le renforcement du dollar par rapport à l’euro peut s’expliquer, alors
que la Fed a injecté plus de 35 milliards de dollars par mois sur les marchés
?
Fabrice Drouin Ristori : La
force relative du dollar ces derniers temps doit davantage, selon moi, au
“fear trade”, qui conduit les investisseurs à se réfugier dans le dollar,
qu’à toute autre explication fondamentale.
Certes,
avec la fin annoncée du QE par la Fed, le dollar a augmenté par rapport à
l’euro, mais encore une fois, comme je le disais plus haut, la Fed ne pourra
pas se passer d’un nouveau QE; elle en a besoin pour soutenir les
marchés-actions et continuer sa politique de dévaluation compétitive pour
tenter de favoriser les exportations.
Donc,
la performance du dollar par rapport aux autres devises est temporaire.
On voit
bien d’ailleurs, au niveau géopolitique mondial, que les BRICS cessent petit
à petit d’utiliser le dollar en règlement des échanges commerciaux
internationaux : cela ne favorise pas du tout le dollar à long terme.
Oroyfinanzas : Le
dollar va-t-il cesser d’être la monnaie de réserve internationale ? Quel rôle
la Chine joue-t-elle dans cette remise en cause ?
Fabrice Drouin Ristori : Oui,
absolument, et cela va d’ailleurs de pair avec la remise en cause globale du
pétrodollar.
Les
nouvelles puissances ne souhaitent plus continuer à accorder aux USA le
privilège exorbitant que représente l’émission libre de la monnaie de réserve
mondiale.
D’une
part, parce que la Fed, avec ses politiques de création monétaire
exponentielle, est en train de détruire le pouvoir d’achat du dollar, et donc
la valeur réelle des réserves monétaires de tous les pays de la
planète.
Et,
d’autre part, parce que ce privilège d’émission monétaire permet aux USA le
financement de guerres et d’agressions contre ces mêmes nouvelles puissances
(Russie, Chine).
Tous
les évènements que vous pouvez observer ces dernières années entraînant
l’utilisation d’une autre monnaie que le dollar en règlement des échanges
commerciaux bilatéraux (matières premières, pétrole, gaz, produits
commerciaux etc.) sont à analyser comme une remise en cause progressive du
dollar comme monnaie de réserve internationale. La Chine, comme la Russie,
sont les piliers de cette tendance au rejet du dollar.
Comme
le disait Charles de Gaulle :
"Nous
estimons nécessaire que les échanges internationaux soient établis comme
c’était le cas avant les grands malheurs du monde, sur une base monétaire
indiscutable et qui ne porte la marque d’aucun pays en
particulier. Quelle base ? En vérité on ne voit pas qu’il puisse y
avoir réellement de critère, d’étalon, autre que l’or."
C’est le
nouveau système vers lequel nous nous dirigeons rapidement.
Oroyfinanzas : Comment
voyez-vous le cours de l’or se comporter dans les prochains mois ? La crise
de confiance dans l’or “papier” a-t-elle augmenté ?
Fabrice Drouin Ristori : Tant
que le marché de l’or continuera à être déconnecté de la réalité du marché de
l’or physique, le cours pourra continuer à baisser.
Je fais
partie de ceux qui considèrent que le cours est manipulé, ou influencé,
négativement par cette offre virtuelle d’or papier.
Je
viens d’écrire un article sur l’infuence de l’or papier : « L’art
de la guerre » médiatique contre l’or
Article
dans lequel je soulève la question suivante, et que j’invite les
investisseurs à se poser : si le cours n’est pas manipulé/influencé, comment
est-il possible, étant donné la loi de l’offre et de la demande, que le cours
baisse, alors que nous observons une demande record d’or et d’argent sur le
marché du physique depuis quelques années ?
C’est
une interrogation simple que tous les investisseurs intéressés par l’or
doivent se poser avant de prendre leur décision d’investissement.
Ma
réponse à cette question est donnée dans cet article.
J’ajouterais
simplement que les cours de l’or et de l’argent repartiront à la hausse dès
que nous verrons des tensions de plus en plus importantes sur le marché du
physique, tensions qui enverront un message clair aux investisseurs : Si l’or
ou l’argent n’est pas disponible, c’est qu’il n’y a pas autant d’or et
d’argent physique que ce qu’il existe de contrats or papier en
circulation.
À ce
moment-là nous verrons une accélération de la ruée vers le “physique” et
certainement une forte appréciation des métaux précieux.
Notez
que les BRICS et les banques centrales n’achètent pas d’or ou d’argent sous
forme papier, mais uniquement sous forme physique.
Oroyfinanzas : Quels
conseils donneriez-vous en ce moment aux investisseurs qui s’intéressent à
l’or ? Pensez-vous que l’or physique soit une bonne option ?
Fabrice Drouin Ristori : Je
conseillerais aux investisseurs de se concentrer sur l’analyse de la demande
mondiale d’or et d’argent physique, en priorité, et d’arrêter d’écouter les
médias financiers de l’Ouest qui n’analysent pas correctement les marchés des
métaux précieux.
Cela
leur permettra de réaliser qu’il existe une anomalie dans le mécanisme de
détermination du cours des métaux précieux et qu’ils doivent profiter de
l’extrême sous-évaluation des métaux précieux pour en acquérir avant que le
marché du physique soit réellement perturbé et que des problèmes plus
importants de pénurie ne surviennent.
Je suis
personnellement investisseur dans l’or et surtout l’argent physique depuis
2008, et je profite des baisses organisées pour augmenter ma position.
Je me
comporte comme les banques centrales, surtout celles des BRICS, qui possèdent
toutes de l’or physique. Je suis ma propre banque centrale, ce qui signifie
aussi que je ne stocke pas mon or/argent physique en milieu bancaire.
La
société que j’ai fondée, Goldbroker.com, a mis en place une solution
d’investissement qui permet de détenir et stocker de l’or et de l’argent
physique directement en nom propre, sans intermédiation, et avec stockage
hors du système bancaire. Chaque investisseur peut donc devenir sa propre
banque centrale avec notre solution.
Ma
recommandation finale est donc celle-ci : j’invite les investisseurs à
devenir leur propre banque centrale et à n’investir que dans l’or physique.