Vive la mondialisation !
Après 30 années pendant lesquelles le développement de l’activité mondiale
était principalement axé sur le développement des économies nationales et de
leur population – les 30 glorieuses, la mondialisation progressive de
l’investissement et des échanges commerciaux depuis le début des années 80 a
amené les investisseurs à exiger des retours sur investissement de plus en
plus élevés – 10 à 15% alors que la norme était plutôt de 5% pendant
les 30 années précédentes.
Afin de pouvoir augmenter la rentabilité des capitaux investis, les
entreprises se sont alors développées hors de leur frontières pour
élargir leur base de clients accessibles tout en réduisant
leurs coûts en délocalisant une partie de leur production dans des
pays avec une main d’œuvre très bon marché, pays ne respectant souvent aucune
norme de protection de l’environnement.
Ce développement à l’international, plus communément appelé
mondialisation, fut notamment possible pour trois raisons principales :
- Le différentiel de développement social (et donc
de coût du travail) entre les économies développées
(Etats-Unis, Japon, Europe de l’Ouest) et les économies en voie de
développement (Europe de l’Est, Asie)
- Un pétrole abondant et peu cher avec
des coûts de transports moins élevés que le différentiel de coût sur la
main d’œuvre
- L’inexistence de normes environnementales contraignantes
au niveau mondial
Les grandes entreprises mondiales ont donc privilégié à tout prix la
rentabilité des capitaux investis, au détriment des emplois locaux et de la
planète – on pourrait appeler cela l’économie négative.
La clé des prochaines années sera de changer de paradigme pour
passer d’une économie négative à une économie positive, où la rentabilité
des entreprises ne se fera plus au détriment des emplois et de
l’environnement mais en améliorera la condition.
En effet, le chômage n’a jamais été aussi élevé en Europe depuis
15 ans avec presque 20 millions de demandeurs d’emploi et plus de
11% de la population active de la zone Euro – entre 2003 et 2009,
l’Europe perdait 3,3 millions d’emplois alors que la Chine en créait 56
millions.
De plus, la pollution de l’eau, de l’air et des sols ont des
impacts dramatiques sur la santé non seulement des êtres humains
mais aussi de tous les écosystèmes naturels dans lesquels nous vivons.
Enfin, le pétrole,bien que temporairement meilleur
marché, devrait revenir d’ici 2 ans à des prix à trois chiffres, comparables
aux chocs pétroliers des années 70, ses coûts d’extractions
augmentant inexorablement avec la raréfaction de sa disponibilité[1]
A cet égard, il n’est pas inutile non plus de rappeler que nos
importations de pétrole et de gaz représentent presque 80% de notre déficit
commercial– 46.5 Mds d’Euros sur 60 Mds d’Euros en 2013 – et que la
moitié de la dégradation de notre déficit commercial ces 10 dernières années
n’est liée qu’à l’augmentation des prix du pétrole et du gaz.
La solution ? Le commerce équitable!
Afin de permettre non seulement l’épanouissement des populations locales
mais aussi la préservation (après la réparation) de notre planète, l’économie
mondiale doit petit à petit faire marche arrière pour passer de la
mondialisation excessive à la relocalisation partielle de l’activité,
étant donné l’augmentation inexorable à moyen terme du coût du
pétrole mais aussi la volonté des Etats de favoriser l’emploi local
de leurs entreprises dans un contexte de chômage élevé.
Il faut, dans la mesure du possible, produire localement ce que
l’on consomme afin de réconcilier le consommateur avec le producteur, qui
tout au bout de la chaîne est le consommateur comme Henri Ford l’avait bien
compris – il faut favoriser l’avènement du « prosommateur ».
Si cette tendance de fond caractérisera les 30 prochaines années, la vitesse
de la relocalisation ne dépendra principalement que de l’évolution
du prix du pétrole et de la réduction des différentiels de développement
(et donc de coût du travail) entre les pays « plus développés» et les
pays « moins développés », en créant une convergence par le haut
des conditions de travail.
Afin non seulement d’accélérer ce processus mais aussi d’enfin
réduire le chômage de masse en Europe, réduire la pollution et
améliorer la condition des travailleurs des pays en voie de développement
– esclaves des temps modernes, il est temps mettre en place des mesures
permettant le commerce équitable.
1.
Le commerce équitable social
Depuis 1990, 300000 emplois industriels (120000 entre
1990 et 2000, 180000 depuis 2000) ont été détruits à cause de la
délocalisation de l’activité.
Certains des produits fabriqués à l’étranger sont alors
réacheminés en France pour y être revendus.
Un des derniers exemples en date – Renault qui créé une usine à Tanger au
Maroc pour fabriquer une voiture à 8000€, dont seulement 15% de la
production sera écoulée sur place. Produire au Maroc avec des ouvriers
payés 250€ par mois permet à Renault d’économiser 800€ par voiture soit
20% du coût de cette voiture.
Par conséquent, en instaurant des mesures de commerce équitable
social aux frontières de l’Europe pour les entreprises européennes
ayant délocalisées leur production hors d’Europe afin de réduire leurs coûts
tout en revendant ensuite leur production en Europe, nous préserverons
les emplois industriels européens tout en réduisant notre
consommation de pétrole et nos émissions de CO2.
Cela permettra aussi d’instaurer les conditions nécessaires à la
ré-industrialisation du continent Européen.
Ces mesures pourraient être mises en place par exemple aux
frontières de la zone Euro afin de se prémunir des différences importantes de
coût du travail au sein même de l’Europe, notamment avec les pays
d’Europe de l’Est – le coût du travail dans l’industrie manufacturière est de
37 euros de l’heure en France, à comparer avec les 23 euros de l’Espagne, les
10 euros du Portugal, les 8 euros de la Pologne et les 4 euros de la
Roumanie.
Nous pourrons enfin imposer par la force cette convergence sociale
européenne liée au succès de toute monnaie unique en incitant les
pays d’Europe de l’Est à améliorer significativement les conditions de
travail de leurs employés s’ils veulent vendre leurs produits dans le marché
de la zone Euro.
Par ailleurs, ce commerce équitable social permettra de se protéger
d’un phénomène plus récent – la délocalisation des emplois dans les métiers
de services. Les travaux de la Commission des Finances du Sénat
avaient estimé en 2005 le potentiel de délocalisation de ces métiers de service
à 200000 emplois entre 2006 et 2011 [2]
2.
Le commerce équitable environnemental
La transition énergétique des énergies fossiles vers les énergies
décarbonnées ne sera possible que si ce commerce équitable environnemental
est mis en place aux frontières de l’Europe.
Si nous prenons l’exemple de la filière photovoltaïque française,
elle se résumait pour l’instant par l’installation de panneaux
solaires chinois, produits dans des conditions de respect de
l’environnement déplorables en Chine. Par conséquent on améliore un
peu l’environnement en France tout en le dégradant fortement en Chine,
ce qui ne fait aucun sens, la facture environnementale étant
globalement négative pour la planète.
Par conséquent, il est important de pénaliser les produits dont la
fabrication se fait au détriment de la planète. Les entreprises, si
elles veulent avoir accès au plus grand marché mondial qu’est l’Union
Européenne, devront améliorer leur processus de production
et seront encouragées à le faire car le coût d’amélioration sera
moindre par rapport aux pénalités à payer.
Plus qu’une punition, cette mesure serait enfin une incitation non
contraignante afin de réparer notre planète, après les échecs multiples des
négociations internationales à ce sujet. Bien que ces mesures ne soient
pas contraignantes, peu d’entreprises pourront se passer des
débouchés offerts par le marché unique européen, qui je le
rappelle est le plus grand marché mondial.
Ces mesures ne sont pas nouvelles puisque des incitations allant dans ce
sens à l’échelle française et européenne ont déjà été mises en
place : bonus/malus pour les voitures en fonction de leurs
émissions de CO2, punitions au niveau de la commission européenne
pour les constructeurs automobiles ne respectant pas les objectifs
d’émission de CO2 fixé par l’ACEA.
La transition énergétique et l’emploi – un cercle vertueux
La transition énergétique s’appuie non seulement sur les économies
d’énergies mais aussi sur le développement des énergies peu
émettrices de CO2 afin de pouvoir à terme substituer la part
majoritaire d’énergie fossile carbonée dans notre consommation (80%) par de
l’hydraulique, de la biomasse et du nucléaire, mais aussi de l’éolien, du
solaire et de la géothermie dans des proportions plus limitées.
Cette transition énergétique représente un vivier de nouveaux
emplois locaux avec le développement de nouvelles filières
industrielles nationales comme le solaire et l’éolien, qui ne sera permis
que par ce commerce équitable social et environnemental.
Afin de réduire la consommation d’énergie, nous devrons :
- Isoler le parc immobilier existant en
taxant les plus-values sur cession en fonction du DPE par exemple[3]
- Développer la filière industrielle de la
voiture à 2 L/100 km, en produisant localement la majorité de
ces différents composants[4]
Ces piliers de la transition énergétique représentent tous des emplois
locaux au sein de nouvelles filières industrielles devenues pérennes
grâce au commerce équitable à la fois social et environnemental mais
aussi à un nouveau mode de fonctionnement entre les principaux
acteurs qui se sont affrontés ces 30 dernières années pour rafler la
plus grosse part du gâteau : la coopération au lieu de la
compétition c’est à dire la « coopétition ».
En effet, n’est –il pas surprenant qu’un marché encore quasi-inexistant
comme celui des voitures électriques ne soit déjà l’un des marchés les plus
compétitifs au monde, mettant en danger les différents acteurs de la
filière qui sont indispensables au succès de son développement.
Quel impact sur le chômage ?
Alors que le chômage atteint un niveau record en France depuis
plus de 15 ans avec 3.5 millions de chômeurs, il est possible de
recréer dans les prochaines années les 300000 emplois industriels détruits
ces 20 dernières années en relocalisant la production des biens
vendus en France et en Europe.
Si on y ajoute les métiers de service délocalisés ces 5 dernières
années ainsi que les emplois liés à la transition
énergétique – le conseil d’orientation pour l’emploi avait estimé à plus de
500 000 le potentiel d’emplois créés par la croissance verte [5],
c’est plus de 1 million d’emplois qui pourraient être créés
dans les prochaines années grâce à ce commerce équitable qui
nous préservera de toute concurrence déloyale, qu’elle soit sociale ou
environnementale.
Nicolas Meilhan, Ingénieur-Conseil Energie & Transport et Membre des
Econoclastes
Source
Les Econoclastes
[1] Le
pic pétrolier n’aura pas lieu !
[2] La globalisation de l’économie et les délocalisations d’activité et
d’emplois
http://www.senat.fr/rap/r04-416-2/r04-416-21.pdf
[3] Comment
financer la rénovation thermique des bâtiments par la bulle immobilière?
[4] Comment sauver notre industrie automobile grâce à la transition
énergétique ?
http://leseconoclastes.fr/2015/05/lindustrie-...bile-francaise/
[5] Croissance verte et emploi, Conseil d’orientation pour l’emploi,
Janvier 2010
target="_blank" www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storag...000053/0000.pdf
|