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Don contre échange marchand

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Extrait des Archives : publié le 27 juin 2012
1454 mots - Temps de lecture : 3 - 5 minutes
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Rubrique : Fondamental

 

 

 

 

On entend souvent dire que, dans l’idéal, les relations entre les membres de la société devraient consister en dons réciproques et non en vils échanges marchands. Chacun ferait alors le bien de l’autre sans rien attendre en retour, mais en recevrait tout de même ce dont il a lui-même besoin. Dans le cas de l’achat et de la vente, au contraire, chacun ne satisfait l’autre que de manière conditionnelle, c’est-à-dire se satisfait en fait lui seul, de manière indirecte.


Une société de dons réciproques semble si naturellement désirable, en fait, que son seul défaut serait sa perfection-même. Elle serait « trop belle pour être vraie, » les hommes réels étant trop égoïstes.


À la réflexion, un tel idéal pose pourtant d’autres problèmes ; de telle sorte que, si l’on ne peut l’atteindre, il n’est pas même certain que l’on doive chercher à s’en approcher.


Tout d’abord, l’éloge d’une société fondée sur le don repose évidemment sur la croyance qu’il  est moral de rechercher le bien d’autrui et  moins bien de rechercher son propre bien. Cette question ne m’intéresse pas en elle-même, car elle relève de l’éthique, et je veux me contenter ici  d’une critique logique.


De ce point de vue, notons qu’il s’agit effectivement d’un simple préjugé qui n’explique pas pourquoi l’altruisme aurait plus de valeur que l’égoïsme. Ce jugement de valeur peut sembler évident mais c’est le cas de toutes les superstitions, tant que l’on n’y a pas réfléchi. Or, les problèmes se multiplient dès qu’on commence à réfléchir sérieusement à la question. Pourquoi serait-il mal de rechercher le bien d’un individu (moi-même), mais bien de rechercher celui d’un autre (autrui) ? Est-ce parce que « je » suis seul, et que « les autres » sont nombreux ? Mes capacités étant limitées, je ne peux faire le bien de plus en plus de personnes qu’en faisant de moins en moins le bien de chacune d’elles. La valeur morale d’une action ne pet certainement pas être décidée par le nombre de bénéficiaires, sans quoi le but d’un orphelinat serait d’y entasser un maximum d’enfants dans les pires conditions possibles…


Il n’est pas non plus certain que les hommes soient « naturellement » si égoïstes qu’on le dise. L’égoïsme supposé des membres d’une société fondée sur l’échange marchand peut très bien être élargi et viser le bien de leur famille, de leurs proches. Il peut même être un simple moyen de produire les richesses permettant de financer une œuvre de charité. À San Francisco, le centre de l’Armée du Salut du quartier pauvre de Tenderloin est entièrement financé par les héritiers de McDonald’s. Les céréales Kellogg’s appartiennent pour un tiers à la fondation du même nom, dont la vocation est l’aide aux enfants défavorisés. D’une manière plus générale, les statistiques montrent que la générosité croît avec le patrimoine. De fait, on ne compte plus les milliardaires philanthropes.


C’est ainsi une erreur logique que d’opposer le don et l’échange marchand, car les deux n’appartiennent pas à la même catégorie : ils relèvent de temps différent de l’action humaine et de l’interaction sociale. Le don est un point final : il conclut une longue série d’actes qui ont permis de produire une ressource, pour ensuite la destiner à un autre. L’échange marchand, lui, est effectivement un simple intermédiaire, un moyen et non pas une fin en-soi. Mais, de ce fait, il ne détermine rien encore quant à la destination finale des biens ainsi acquis.


Mais la principale critique que l’on doit adresser à l’idéal d’une société fondée sur le don est qu’elle est illusoire, non pas en raison de l’imperfection morale des hommes, mais en raison de leur imperfection physique, si je puis dire, c’est-à-dire du fait qu’ils ne soient ni omniscients, ni omnipotents.


Pour l’expliquer, je ne peux mieux faire que de traduire le passage suivant de L’Homme, l’Économie, et l’État, de Murray Rothbard (10, 2, C) :

 


« Imaginons qu’un travailleur essaie de déterminer l’emploi le plus utile de deux heures de son travail. Dans un accès de romantisme, il essaie de déterminer cette utilité en faisant abstraction de toute considération sordide de gain monétaire. Supposons qu’il ait le choix entre les trois possibilités suivantes :


Facteurs                               Produit


A

2 heures de travail

5 livres d’argile                                1 pot

1 heure de cuisson


B

2 heures de travail

1 bloc de bois                                               1 pipe

1 heure de cuisson


C

2 heures de travail

1 bloc de bois                                               1 bateau miniature

1 heure de cuisson


De ces trois possibilités, A, B, et C, quelle est l’allocation la plus utile de son travail ? Il est clair que le travailleur « idéaliste » et sacrificiel n’a aucun moyen de le savoir. Il ne dispose d’aucun moyen rationnel de décider s’il est mieux de produire le pot, la pipe, ou bien le bateau miniature. Seul le producteur « égoïste » et avide dispose d’un moyen rationnel de déterminer quelle allocation est la plus utile. En cherchant le gain monétaire maximal, le producteur compare les coûts (dépenses nécessaires) des différents facteurs avec les prix des produits.

A propos de A et B, par exemple, si l’achat de l’argile et la location du four coûtent 1 once d’or, et que le pot peut être vendu pour 2 onces, son travail rapporte 1 once.

Si l’achat du bois et la location du four coûtent 1,5 once, mais que la pipe peut être vendue 4 onces, il gagne 2,5 onces. Il choisira se de produire ce bien-là.

Les prix des produits et des facteurs de production reflètent les demandes des consommateurs et les efforts des producteurs pour gagner de l’argent en les satisfaisant. La seule manière pour un producteur de déterminer quel bien produire est de comparer les gains monétaires anticipés. Si le bateau miniature peut être vendu 5 onces, il produit ce bien-là plutôt que la pipe, et satisfait ainsi une demande plus grande, ainsi que son propre désir d’un revenu monétaire. »


Pour le dire simplement, l’intérêt de l’échange marchand est qu’il fait apparaître un système de prix. Ceux-ci sont tout d’abord les prix des marchandises finies, grâce auxquels les consommateurs informent indirectement les producteurs de leurs désirs. Ce sont ensuite les prix des facteurs, marchandises non-finies à différentes étapes du processus de production, qui découlent des premiers, et permettent leur allocation la plus rationnelle possible. Il est plus rationnel de produire un bateau miniature que l’on peut vendre 5 onces d’or que de produire pour le même prix une pipe à laquelle autrui accorde moins de valeur. Seulement, dans une société fondée sur le don, de telles comparaisons sont impossibles.


Il ne s’agit pas d’un simple problème de communication, ou de capacités de calcul. Même à l’époque de l’internet et des super-ordinateurs, une économie « altruiste » ne pourrait être que chaotique, et donc improductive au possible. L’insurmontable difficulté est, en effet, qu’il n’y a pas d’information à communiquer, puisque celle-ci n’est pas produite à travers l’expression de demandes, et qu’il n’existe pas non plus d’unité commune (de monnaie) grâce à laquelle comparer coûts et bénéfices de différents projets.


On imagine la pauvreté qui s’abattrait sur une ville telle que Paris, ou New-York, si ses habitants étaient soudain obligés de recourir uniquement au troc. Mais la situation serait mille fois pire s’ils devaient se priver également de cette forme d’échange direct, et devaient soudain s’en remettre au don. On n’y vivrait plus que comme y vivent actuellement ceux qui survivent par la mendicité. Y a-t-il là quoi que ce soit d’idéal ?


On compare souvent une société fondée sur le don à une grande famille. Mais c’est précisément l’intérêt de l’échange marchand que de permettre une coopération indéfiniment élargie avec des personnes que l’on ne connaît pas, dont on ne sait rien, que l’on détesterait peut-être, mais dont on satisfait les désirs parce qu’elles satisfont les nôtres, le plus souvent de manière purement anonyme et involontaire.

En ce sens, c’est le recours au don qui mettrait fin à la société entre les hommes et pousserait chacun à se replier sur son petit monde familier.

Si une société fondée sur le don est bel et bien illusoire, pour des raisons aussi bien techniques que  logiques, on voit mal les raisons d’une louange systématique  de l’altruisme, et inversement les critiques sans fin de l’égoïsme, au moins dans le domaine de la production.


Et si l’échange marchand est bien le seul moyen pour les hommes de coopérer à grande échelle et de prospérer- ce que ni le don, ni l’esclavage, ne peuvent faire- alors on devrait en reconnaître la valeur. Ce faisant, on verrait sous un autre jour tous les phénomènes qui y sont liés, et que l’on méprise si souvent, à commencer par la libre concurrence et la recherche du profit.

 

 

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Jérémie Rostan enseigne la philosophie et l'économie à San Francisco. Il est l'auteur, en plus de nombreux articles pour mises.org et le quebecois libre, de guides de lecture aux travaux de Condillac et de Carl Menger, ainsi que d'un ouvrage , Le Capitalisme et sa Philosophie, et de la preface a la reedition de l'ethique de la liberte de Rothbard (Belles Lettres)
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