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La très
sévère correction à la baisse des PIB que nous pouvons
escompter dans les mois, voire les années à venir, du fait de
l'éclatement d'une gigantesque bulle de crédit immobilier, doit
nous conduire à nous
interroger sur la pertinence des chiffres de croissance du PIB
qui ont été annoncés dans le monde durant les
années de formation de cette bulle.
PIB nominal,
déflateur et croissance
En effet, le PIB,
calculé de diverses manières qui, en théorie, se
recoupent, est, par définition, la somme des valeurs ajoutées
produites par les agents économiques résidents sur un
territoire donné, en clair, la « valeur » que
les clients donnent à la production d'un pays, exprimé dans une
monnaie donnée. Chaque année, les instituts
spécialisés calculent le PIB « courant »
ou « nominal ».
D'une
année N à une année N+1, le PIB nominal, en
général, augmente. Toutefois, la croissance réelle du
PIB n'est pas égale au rapport PIB (N+1)/PIB(N): en effet, la
"valeur ajoutée" des transactions est affectée,
au cours de l'année, d'une inflation qu'il convient de prendre en
compte, résultant d'un accroissement de la masse monétaire un
peu plus rapide que la valeur des échanges effectués pour les
consommateurs.
Autrement dit, le
PIB de l'année N+1 est égal au PIB de l'année N
augmenté de la croissance et d'un "déflateur"
égal à l'inflation, ce que l'on peut traduire par
PIBn+1=PIBn*(1+c)*(1+i)
ou c
est la croissance "réelle", celle que l'on annonce à
la Télévision, et i
l'inflation, toutes deux exprimées en pourcentage.
Conséquences
de la sous estimation de l'immobilier dans l'indice des prix
Nous avons vu,
dans la note récemment consacrée aux errements d'Alan Greenspan, que l'indice
des prix officiel pris en compte comme déflateur était sans
doute sous estimé, car le prix de l'immobilier retenu par les USA
était celui d'un "loyer de bien équivalent", lequel
augmente toujours nettement moins vite que le prix d'un bien immobilier en
période de bulle. La France a le même problème de
méthode de calcul.
Or, pour les
ménages achetant leur logement pour l'occuper, on peut admettre que
l'aspect "consommation" de logement soit plus important dans le
budget quotidien que l'aspect "investissement" : il aurait donc
été logique de prendre en compte une part plus importante de la
hausse des prix immobiliers au sein de l'indice des prix à la
consommation... Ce qui eut peut être abouti à des chiffres
d'inflation réels politiquement incorrects, qui auraient forcé
les banquiers centraux à remonter leurs taux plus vite, et donc
à faire éclater la bulle plus tôt.
Par
conséquent, (1+i) a sans aucun doute été
légèrement sous estimé pendant les
« années bulle », de 1999 à 2007, aux
USA, et, pour les mêmes raisons, en France, de 1997 à 2008, je
ne saurais dire de combien.
Un multiplicateur
de bulle ?
Donc, (1+c) a
été légèrement surestimé, et par voie de
conséquence, la croissance annoncée (c) a sans doute
été légèrement supérieure à la
croissance réelle. Combinée sur 7 à 10
années de bulle, la différence pourrait être sensible: la
croissance du PIB a été surestimée de quelques dizaines
de points de base, peut être de quelques pour-cent, du fait que les
sur-valeurs enregistrées sur le marché immobilier
étaient en grande partie artificielles.
Cette propension
a sans doute été accentuée dans les pays pratiquant le
prêt hypothécaire rechargeable sur une grande échelle,
(USA, Espagne, Grande Bretagne), car la valeur artificiellement
sur-évaluée du logement servait de base à l'octroi de
crédits à la consommation: Une partie de la croissance
enregistrée alors l'a été sur la base de création
monétaire ne reposant sur aucune création de richesse
réelle. L'inflation de l'immobilier non fondée sur une
véritable création de valeur a engendré en quelque sorte
un "multiplicateur de bulle" intégré dans nos
chiffres de croissance.
Et
l'économie s'est vengée: les valeurs artificiellement
créées ont fini par disparaître, et aujourd'hui, tant les
banques (émetteurs de monnaie de crédit) que les consommateurs
reconstituent leurs réserves en vue de se préparer aux cous
durs à venir. Le PIB réel doit donc connaître une
sévère correction baissière.
Une
économie bullaire peut elle fonctionner durablement ?
Telle devrait
être la première leçon que nos politiques devraient tirer
de la crise: une économie à la fois bullaire et
gagée sur une montagne de dettes contractées sans rapport avec
la capacité réelle de remboursement fausse totalement les
calculs économiques, conduisant à ce qu'une partie des
richesses créées comptablement parlant soient
particulièrement instables, pour ne pas dire virtuelles, et qu'un
mal-investissement massif s'opère dans les secteurs où a valeur
créée est la moins durable.
Tout gouvernement
digne de ce nom devrait donc, d'une part, traquer sans relâche, dans
son économie, toute trace de loi ou de règlement
empêchant, sur un marché donné, l'offre de
répondre à l'accroissement d'une demande, ce qui est propice
à la formation de bulles. Et notamment, notre droit des sols
malthusien devrait être aboli.
D'autre part, il
devrait sérieusement s'attaquer aux distorsions, notamment fiscales, qui
incitent les entreprises à se développer de
préférence par appel au crédit plutôt que par
augmentation des capitaux propres. Car même en cherchant
sincèrement à éliminer toute source de formation de
bulles, un législateur n'y parviendra jamais totalement, et la
combinaison d'un excès d'effet de levier avec des signaux de prix
indiquant une formation de bulle, donc un espoir de gain rapide pour des spéculateurs
aimant le risque, peut avoir des effets économiques désastreux.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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