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Les participants du
G20 - réunion du 2 avril 2009 - ont découvert une grande
cause de l'ajustement financier rigoureux de ces dix huit derniers mois.
Et ils sont convenus de prendre des mesures qui, à les en croire, vont
y mettre bon ordre.
1. Les prétendues
balivernes.
Selon eux, la cause de l'ajustement financier actuel n'est pas la
manipulation incessante des monnaies nationales par les banques centrales depuis
la décennie 1920.
Elle ne se trouve pas non plus dans les balances des paiements des pays
à monnaies respectives échangeables internationalement
depuis la décennie 1940, sous l'égide du Fonds monétaire
international.
Elle n'a rien à voir avec l'augmentation
des dépenses obligatoires qualifiées de
"publiques", en grande partie non contrôlées et non
contrôlables – comme en informent nationalement les commissions
ou Cours chargées de cette mission - et imposées aux
ressortissants.
Elle n'a rien à voir non plus avec les déficits de plus en plus
colossaux des budgets des Etats - par exemple, de celui de
France - où là encore les organismes de contrôle ne
s'y retrouvent pas – comme ceux-ci en informent
régulièrement -, des déficits qu'a couverts
jusqu'à présent un marché financier en innovation
remarquable ces dernières décennies.
Enfin, la cause n'est pas dans la gestion des institutions internationales
dont les dirigeants ont en général le privilège de ne pas payer d'impôt,
une gestion qui débouche parfois sur des scandales (par exemple,
scandales étouffés de l'O.N.U. et Kofi Annan, de la Commission
de Bruxelles et Santer, etc.) .
"Quiconque fait référence à ces faits ne peut
qu'être un plaisantin. Il ne faut pas prêter attention
à de telles balivernes", dira-t-on.
2. Les "paradis fiscaux".
Selon le G20, une cause importante de l'ajustement financier en cours se
trouve dans les "paradis fiscaux", terrain de bataille
privilégié, mais déjà ancien, de l'O.C.D.E..
2.A. Les critères.
Quatre
facteurs principaux sont utilisés habituellement pour
déterminer si une juridiction constitue un "paradis fiscal".
1) Y a-t-il des impôts ?
Le premier est le fait que cette juridiction applique des impôts
inexistants ou insignifiants.
Ce critère n'est pas suffisant par lui même pour permettre de
qualifier une juridiction de paradis fiscal.
L'O.C.D.E. reconnaît que toute juridiction a le droit de décider
d'appliquer ou non des impôts directs et, dans l'affirmative, de
déterminer le taux d'imposition approprié.
Une analyse des autres facteurs essentiels est nécessaire pour qu'une
juridiction soit considérée comme un paradis fiscal.
Les trois autres facteurs à prendre en compte sont les suivants :
2) Y a t il une absence de transparence
?
La condition de transparence permet de faire en sorte que les
législations fiscales soient appliquées d'une manière
ouverte et cohérente entre des contribuables se trouvant dans des
situations similaires et que les informations dont les autorités
fiscales ont besoin pour déterminer exactement le montant de
l'impôt dû par un contribuable soient disponibles (par exemple
dans les registres comptables et les pièces justificatives
correspondantes).
3) Existe t il des lois ou pratiques
administratives qui empêchent un véritable échange de
renseignements à des fins fiscales avec les autres administrations en
ce qui concerne les contribuables qui bénéficient d'une
imposition inexistante ou insignifiante ?
En ce qui concerne les échanges de renseignements en matière
fiscale, l'O.C.D.E. invite les pays à adopter un système
d'échanges de renseignements "à la demande".
Il s'agit du cas où les autorités compétentes d'un pays
demandent à celles d'un autre pays des informations spécifiques
concernant une vérification fiscale spécifique, en
général en application d'un accord bilatéral
d'échange de renseignements entre les deux pays.
L'un des éléments essentiels de ces échanges de
renseignements est la mise en œuvre de garanties appropriées pour
assurer une protection suffisante des droits des contribuables et de la confidentialité
de leur situation fiscale.
4) L'absence d'activités
substantielles est-elle admise ?
Le critère d'absence d'activités substantielles a
été inclus dans le Rapport
de 1998 pour permettre d'identifier les paradis fiscaux, dans la
mesure où l'absence de ces activités laisse supposer qu'une
juridiction pourrait s'efforcer d'attirer des investissements et des
transactions qui sont uniquement motivés par des considérations
fiscales.
En 2001, le "Comité des affaires fiscales" de l'OCDE a
demandé que ce critère ne soit pas utilisé pour
décider si un paradis fiscal était ou non coopératif.
2.B. Il y a "paradis fiscal"
et "paradis fiscal".
Il n'en reste pas moins qu'il y a "paradis fiscal" et "paradis
fiscal" et que, dans ce domaine, l'O.C.D.E. fait mentir l'adage "le
cordonnier est toujours le plus mal chaussé"...
Les concepteurs de critères peuvent suivre deux voies : l'une qui fait
qu'ils sont intérieurs au domaine d'application des critères et
qu'ils vont sortir grandis de l'application des critères à leur
cas et
l'autre qui fait qu'ils y sont extérieurs.
Les "experts" de l'O.C.D.E. ont suivi la seconde voie.
3. L'O.C.D.E., un phénix
parmi d'autres.
Soit dit en passant, tout comme le F.M.I.
– Fonds monétaire international -, l'O.C.D.E. –
Organisation de coopération et de développement
économique - est une institution internationale qui ne devrait pas
exister.
3.A. L’O.E.C.E. avait
été créé en 1947.
L'O.C.D.E. s'est moulée dans les dépouilles de l'Organisation
européenne de coopération économique (O.E.C.E.)
créée après la guerre de 1939-45 et mise en place en
1947 pour veiller à la bonne utilisation des fonds disponibles dans le
cadre du "plan
Marshall", "plan" de reconstruction de l'Europe
occidentale.
En termes officiels, on dira que l'O.E.C.E. avait été
créée "afin d’administrer l’aide
américaine et canadienne dans le cadre du Plan Marshall pour la
reconstruction de l’Europe après la seconde guerre mondiale. Son
siège a été établi au Château de la Muette,
à Paris, en 1949".
3.B.
L’O.C.D.E. "naît des cendres"
de l’O.E.C.E. en 1961.
Une fois sa mission effectuée, l'O.E.C.E. aurait du disparaître.
Mais comme le phénix, et grâce à leurs dirigeants et aux
bureaucraties qu'ils chapeautent, les institutions internationales ne meurent
jamais et renaissent des clauses de leur statut qui y mettaient fin.
De fait, l'O.E.C.E. a disparu en tant que telle pour renaître sous un
autre nom – O.C.D.E. - et avec une autre mission, celle d’aider
les gouvernements à réaliser une croissance durable de
l'économie et de l'emploi et de favoriser la progression du niveau de
vie dans les pays membres, tout en maintenant la stabilité
financière, et à favoriser ainsi le développement de
l'économie mondiale.
La Convention
portant création de l’O.C.D.E. lui donne aussi pour mandat de
favoriser une saine expansion économique dans les autres pays et de
contribuer à la croissance du commerce mondial sur une base
multilatérale et non discriminatoire.
3.C. Budget de l’O.C.D.E.
L’O.C.D.E. fonctionne sur la base d'un budget : pour l'année
2009, il est de :
EUR 303 millions.
L’O.C.D.E. est financée par ses 30 pays membres. Les
contributions nationales sont calculées à partir d'une formule
qui tient compte de la taille relative de l'économie de chacun des
pays membres.
Les Etats-Unis, qui financent environ 25% du budget, sont le contributeur le
plus important, suivis par le Japon.
Avec l’approbation du Conseil, les pays peuvent aussi apporter leurs
contributions de manière distinctes à des programmes ou des
résultats particuliers qui ne sont pas financés à partir
du budget de base.
Le budget de l’O.C.D.E. et son programme de travail sont établis
sur deux ans par les pays membres. La planification, la budgétisation
et la gestion de l’Organisation se font toutes selon un système
fondé sur les résultats.
Le contrôle externe indépendant des comptes et de la gestion
financière est assuré par une Institution supérieure de
contrôle d'un pays Membre de l'O.C.D.E., nommée par le Conseil.
4. L'O.C.D.E., un "paradis
fiscal" à soi tout seul.
Il y a "paradis fiscal" et "paradis fiscal" et l'O.C.D.E.
est un tel paradis pour les personnes qui y sont employées.
4.A. Traitements de base mensuels (pour
le personnel travaillant à Paris)
Le traitement de base des personnes employées par l'O.C.D.E. est
précisé dans la lettre d'engagement et payable en euros, de
même que les indemnités (charges de famille, expatriation et
installation, cf. ci-dessous) qui s'y ajoutent.
Les émoluments (traitement de base et indemnités) sont,
à l'exception de l'indemnité d'installation versée
à la prise de fonctions, payés après service accompli.
Les émoluments bénéficient de l'exonération fiscale dans
la plupart des pays membres de l'Organisation, y compris en France.
Grades A
EUR 3 992.06 pour les jeunes professionnels (grade A1).
EUR 5 101.10 pour les économistes/analystes de politiques et autres
membres du personnel de grade A2/A3.
EUR 7 314.54 pour les économistes principaux/analystes de politiques
principaux et autres membres du personnel de grade A4.
EUR 8 470.55 pour les chefs de division et autres membres du personnel de
grade A5.
EUR 10 011.02 pour les directeurs adjoints et autres membres du personnel de
grade A6.
EUR 10 958.16 pour les directeurs et autres membres du personnel de grade A7
Grades L
EUR 4 223.49 à EUR 5 184.62 pour les traducteurs junior de grade L1
à L2.
EUR 6 450.21 pour les traducteurs et interprètes de grade L3.
EUR 6 800.63 pour les traducteurs/réviseurs et interprètes de
grade L4.
EUR 7 734.97 pour les chefs de division (personnel linguistique senior) de
grade L5.
Grades B
EUR 2 263.62 à EUR 2 578.92 pour le personnel de grade B1 à
B2 (par exemple secrétaires, agents de sûreté et
d'accueil, assistant(e)s techniques).
EUR 2 961.43 pour le personnel de grade B3 (par exemple
secrétaires/assistant(e)s, comptables, technicien(ne)s TI).
EUR 3 380.64 pour le personnel de grade B4 (par exemple assistant(e)s
personnel(le)s, assistant(e)s administratif(ve)s, statisticien(ne)s,
programmeurs junior, documentalistes).
EUR 3 927.00 à EUR 4 563.94 pour le personnel de grade B5 à B6
(par exemple personnel administratif, marketing/communication et statisticien(ne)s
de plus haut niveau).
A cela s'ajoutent bien sûr :
indemnités pour charges de famille - allocation de foyer - allocation
pour enfant à charge (ou pour personne à charge autre que le
conjoint) - indemnité d'expatriation - allocation pour enfant
expatrié - indemnité d'installation - congés annuels et
jours fériés - remboursement de frais de voyage et de
déménagement – jusqu'au transfert de devises : les agents
bénéficiant de l'indemnité d'expatriation peuvent
transférer par l'Organisation 50 % de leurs émoluments dans le
pays dont ils ont la nationalité ou dans le pays où ils
résidaient à la date de leur nomination.
4.B. Un système d'assurance
médicale et sociale paradisiaque .
L'OCDE a un système d'assurance médicale et sociale.
Très complet, il comprend des congés maladie et
maternité payés.
L'assurance médicale couvre les membres du personnel et leur famille.
Tous les agents doivent souscrire au système médical et social
de l'Organisation (OMESYS).
Les contributions sont prélevées automatiquement sur leurs
émoluments mensuels au taux de
2.5 % du traitement de base
pour l'assurance maladie et les accidents du travail.
Soit dit en passant, ce taux est sans commune mesure avec le taux
de la sécurité sociale maladie obligatoire en France !
Demandez-vous pourquoi !
Les cotisations pour l'assurance obligatoire
décès-invalidité sont prélevées au taux
de
0.45 % du total des
émoluments.
4.C. Un régime de retraites
paradisiaque.
Tous les agents contribuent au régime de retraites à
raison de
9.2
% de leur traitement de base.
Soit dit en passant, ce taux est à comparer au taux
de la sécurité sociale retraite obligatoire en France !
Demandez-vous pourquoi il est plus faible !
L'âge limite de la retraite est de 65 ans mais les agents peuvent
prétendre dès 63 ans, et après au moins 10 ans de
service, à une pension s'élevant à 2 % de leur dernier
traitement de base par année de service, jusqu'à un montant
maximum de 70 % après 35 ans de service.
Une pension réduite peut être payée aux agents prenant
leur retraite, dès l'âge de 51 ans. Les agents qui quittent
l'Organisation avant d'avoir accompli 10 années de service ont droit
à une allocation de départ (au lieu d'une pension)
calculée en appliquant 2,25 fois le taux de la contribution
personnelle au dernier traitement annuel (traitement mensuel multiplié
par douze), multiplié par le nombre d’annuités reconnues.
En cas de taux de contribution successifs, ceux-ci sont appliqués pro rata temporis.
Le statut prévoit d'autres indemnités en cas
d'invalidité et de décès.
4.D. Remarque.
Soit dit en passant, à la lecture des chiffres
précédents, vous remarquerez avec moi que le système
de sécurité sociale obligatoire français est loin
d'être le meilleur du monde.
Et je n'ose pas envisager ce que seraient les prélévements
obligatoires en France si ceux-ci étaient fondés sur les
normes de l'O.C.D.E.
Je ferai simplement remarquer que, dans ces prélévements
obligatoires, il y a la contribution de la France au budget du "paradis
fiscal O.C.D.E." !
5. La légende
d'Orphée et Eurydice inversée.
Dans l'économie quotidienne, il y a donc, selon le G20 et l'O.C.D.E.,
des "paradis fiscaux" et par antinomie … l'"enfer
fiscal" où vous vivez et dont, entre autres, ils ont la
charge.
En bons diables de l'"enfer fiscal", ils veulent le bien et
votre bien, le cas échéant, malgré vous.
C'est pour cela qu'en particulier, ils décident de montants importants
de dépenses publiques - ... et, en particulier, de ce qu'il faut
donner à l'O.C.D.E. -.
Mais, méfiants ou astucieux, certains parmi nous parviennent à
sortir de leurs feux et à aller chercher fortune dans ce que nos
diables dénomment "paradis fiscaux" ("tax havens"
en anglais).
Les participants du G20, nos nouveaux Hermès, ont donc
décidé d'un commun accord, à l'inverse de la
légende, de faire en sorte de ramener leurs Eurydice parties
dans les "paradis fiscaux" aux Orphée restés dans
l'"enfer fiscal", de protéger ces derniers contre les
"paradis fiscaux", voire de faire disparaître ces derniers.
Et alors, selon eux, tout va s'améliorer pour vous et moi.
6. Sortir des légendes et de
l'ignorance entretenue.
Ne pas respecter les lois de la nature – par ignorance ou de bonne foi
– est en général sanctionné par une
pénalité immédiate – par exemple manipuler le
radium ou plus récemment vivre dans l'amiante a eu des effets
pathologiques immédiats même s'ils étaient incompris
– et, le cas échéant, une pénalité
extrême : la mort de l'expérimentateur.
Malheureusement, ne pas respecter les lois de l'économie n'a pas de
sanctions immédiates, les pénalités sont
différées … et en conséquence rarement mises en
relation avec leur vraie cause.
Et nos bons diables ont tout loisir de persuader qu'ils font bien et de vous
obliger à faire n'importe quoi pour cette raison étant
donnée la dernière cause qu'ils prétendent avoir
découverte.
L'ajustement financier actuel, aussi rigoureux soit-il, n'est jamais que la conséquence
des errements passés dont beaucoup ne voudront jamais entendre
parler néanmoins.
Le refus
de cette connaissance au profit d'une ignorance - maquillée par
leurs soins en connaissance - laisse présager un ajustement financier
encore plus rigoureux si tant est que l'actuel prenne fin.
Les pénalités auront été différées
une fois de plus et seront supportées – comme il est d'une
certaine coutume de le dire en France – par les
"générations futures".
Il est aussi possible de penser qu'elles l'auront été une fois
de trop…
George Lane
blog.georgeslane.fr/
Georges Lane enseigne l’économie
à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré
avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que
dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels
libéraux authentiques en France.
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