La BCE a lancé son
programme de rachat d’obligations de 60 milliards de dollars par mois un peu
plus tôt cette année, programme qui devrait se poursuivre jusqu’en septembre
de l’année prochaine. Certains pensent cependant qu’il sera maintenu après
cette date d’échéance. Secouée par les évènements qui se déroulent
aujourd’hui en Chine, la BCE pourrait décider de poursuivre son programme.
Standard & Poor a
mis en garde la BCE (ou lui a recommandé, au choix) de doubler l’ampleur de
son programme de QE pour le faire passer à 2,4 trillions d’euros et de le
poursuivre jusqu’à la mi-2018. Ce n’est pas surprenant : malgré le QE et
les taux négatifs, les actions ont plongé, et le DAX allemand a perdu 23% sur
six mois.
Est donc arrivé sur le
devant de la scène le membre du conseil de direction et économiste en chef de
la BCE, Peter Praet, avec sa présentation faite à l’occasion de la conférence
BVI Asset Management en Allemagne, dans laquelle est apparu ce graphique
accablant, qui présente la manière dont l’euro a échoué à sauver l’économie
européenne.
L’optimisme dont font
preuve les économistes a généralement pour objectif de relever le sentiment
là où il doit l’être. C’est toujours le cas. Mais en zone euro, même les
économistes ravalent leur optimisme. Le graphique ci-dessous montre comment
les prévisions de croissance sur cinq ans ont baissé au cours des quinze
années qui se sont écoulées depuis la naissance de l’euro :
Voici une autre image de
la divergence entre l’espoir et la réalité : la croissance prévue par
les économistes du secteur privé en octobre 2007. A l’époque, tout le monde
avait de l’argent, même la Grèce. Seul le ciel était une limite. Et voici comment
les choses ont tourné (la Grèce n’est pas représentée, elle serait
en-dehors du graphique) :
Quelle est l’ampleur du
problème ? La hausse de la productivité est le signe d’une économie
technologiquement dynamique, qui ne reste pas sans rien faire. Le graphique ci-dessous
présente la productivité des Etats-Unis à celle de la zone euro au cours de
ces vingt dernières années. Avant l’euro, la productivité de l’Europe était
en hausse, bien qu’inférieure à la productivité américaine. Après l’adoption
de l’euro, la productivité a stagné, pour chuter après la crise de 2008.
Aujourd’hui, elle est inférieure à ce qu’elle était en 2007.
C’est partiellement la
conséquence de l’investissement sur l’équipement. Malgré la présence d’une
monnaie gratuite et d’océans de liquidité, les sociétés n’investissent pas
pour améliorer leur productivité. Ce type d’investissement n’a jamais été
très élevé en zone euro, et a plongé en 2008. La situation s’arrange
légèrement en Allemagne mais continue de décliner dans le reste de la région.
Voyez à quel point l’Espagne s’est effondrée. Encore une fois, le graphique
ne montre pas la Grèce.
Les prêts du secteur
bancaire privé ont fortement baissé. Peu importe ce que les banques ont fait
de leur liquidité, elles ne l’ont pas prêtée. D’un côté de l’équation du
prêt, nous avons un manque de demande en raison de la conjoncture économique.
De l’autre, nous avons des entreprises qui ont besoin de prêts mais n’en
obtiennent pas. En Espagne, les prêts bancaires ont commencé à décliner en
2011, en partie parce que les prêts toxiques étaient annulés très lentement,
et que beaucoup d’entre eux ont été conservés sur les bilans bancaires afin
d’être réglés plus tard.
Le graphique ci-dessous
montre que les prêts bancaires ont augmenté cette année pour la première fois
depuis 2011. L’Allemagne suit le mouvement. Mais l’Espagne reste coincée tout
en bas.
En conséquence, le
chômage a été un fiasco très peu mitigé dans de nombreux pays de la zone
euro, et a atteint 25% en Grèce et 22% en Espagne. Le taux de chômage des
jeunes est jusqu’à deux fois plus élevé. En Allemagne, en Autriche, au
Luxembourg et dans certains autres pays, il reste assez limité. La moyenne
est donc bien plus positive que ne l’est la réalité domestique des pays les
plus « vulnérables » – une appellation donnée par la BCE à la
Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Slovénie.
Le taux de chômage moyen
(ligne verte sur le graphique ci-dessous) est à deux chiffres. En France, il
est de 10,5%. Les masses de « travailleurs découragés » - ceux qui voudraient
travailler mais ont cessé de chercher – ne cessent de gonfler (ligne
rouge) :
La zone euro a été
divisée en deux : d’un côté, nous avons des pays qui ont bénéficié de
devises nationales (relativement) fortes ; et de l’autre, ceux comme la
Grèce, l’Espagne et l’Italie – ou la France – qui ont toujours eu des devises
bananières fréquemment dévaluées pour répondre à leurs problèmes fiscaux sans
pour autant les résoudre. Maintenant qu’ils ne peuvent plus dévaluer, ils
sont « vulnérables ». Ces deux camps de la zone euro ne peuvent que
diverger.
Et pourtant, le coût
d’emprunt n’a jamais été plus bas. Voici l’indicateur de la BCE pour
l’emprunt bancaire total, basé sur des taux agrégés sur le court et long
terme et déterminé grâce à une moyenne mobile des nouveaux prêts sur 24 mois :
Dans les pays
vulnérables, les prêts toxiques n’ont jamais été plus importants. Ou
peut-être les banques sont-elles aujourd’hui forcées à les rendre publics et
à ne plus les balayer sous le tapis. Ce graphique est basé sur un échantillon
non-équilibré de 32 banques de pays vulnérables de la zone euro, et montre le
ratio de prêts toxiques par rapport aux prêts totaux.
Ces graphiques
démontrent clairement que l’euro ne fonctionne pas pour de nombreuses
économies et de nombreux environnement politiques. Les pays vulnérables
auraient clairement mieux fait de conserver leurs francs, leurs lires et
leurs pesos. Les défauts de nations individuelles auraient été préférables au
grand cirque du plan de sauvetage international financé aujourd’hui par les
contribuables.
Mais les Etats-Unis ne
sont pas tirés d’affaire. « On dirait que quelqu’un s’est contenté d’éteindre
la machine sans pour autant réfléchir à ce qu’il faisait ». Lisez ceci :
US
Manufacturing Recession Draws Eerie References to 2009
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