Mon dernier
billet proposait des réformes visant à simplifier et
dérèglementer les marchés de biens et services afin de
redynamiser les investissements tant des PMEs que
des grandes entreprises. Dans une première phase de réformes,
l’idée reste de préparer le terrain pour une seconde
vague de changements plus profonds qui obligeront l’État
à couper dans ses dépenses. Pour ce faire, il est important de
rendre l’économie moins rigide et plus dynamique pour compenser les effets délétères
immédiats d’un allègement profond de
l’administration publique à savoir le chômage d’un
certain nombre de fonctionnaires et les difficultés des entreprises
dépendantes de l’État que cela engendrera.
À ce
sujet, le dynamisme du marché est intrinsèquement lié
à celui du marché du travail. Aujourd’hui, le
marché du travail français se distingue par sa rigidité. Celle-ci
s’explique principalement par quatre facteurs : la semaine de 35
heures et les indemnités de licenciement que nous traiterons dans cet
article. Nous aborderons dans le suivant, la question du salaire minimum universel et des
cotisations sociales.
Depuis leur
instauration, les 35 heures n’ont cessé de susciter un
débat polémique. Étant donné que la semaine de 35
heures n’a été adoptée par aucun autre pays et
qu’elle suscite aussi la critique des organes internationaux comme
l’OCDE, je me contenterai d’ajouter deux critiques
supplémentaires à cette mesure unique à la France.
La première concerne son
inadaptation totale à une économie de plus en plus
mondialisée. Les débouchés des entreprises, grandes ou
petites, ne se limitent plus au marché local. Ceci a
un impact stratégique sur l’utilisation des facteurs productifs
– y compris du travail – de l’entreprise. Si la part de
marché du reste du monde devient plus importante que celle du
marché local, l’embauche in
situ ne se justifiera plus par la proximité. En effet, celle-ci se
déplace vers d’autres marchés, dont la main
d’œuvre locale peut s’avérer plus attractive en
termes de prix et de temps de travail.
La
deuxième critique est un corollaire de la première. Une fois le
critère de la proximité volé en éclats,
d’autres critères économiques prendront le dessus. Car le
temps de « travail de base », au-delà duquel des
heures supplémentaires plus chères sont appliquées,
délimite un premier seuil de flexibilité pour l’entreprise.
Un temps de travail de base trop court signifie que si l’entreprise se
voit confrontée à une situation de concurrence plus intense,
ses coûts d’embauche deviendront rapidement un problème
pour elle. L’entreprise se verra alors incitée à
préférer une automatisation de sa production, à
délocaliser, ou tout simplement à subir des pertes. Les deux
premières options s’offrent assez facilement aux grandes entreprises. Les PMEs n’ont malheureusement pas cette issue de
secours et doivent en général encaisser des pertes. Or, les PMEs
représentent autour de 50% des emplois en France.
Une
harmonisation du temps de travail en France à la moyenne mondiale de
40 heures par semaine ne peut qu’être salutaire pour la
compétitivité des entreprises. Elle leur permettrait
d’embaucher plus facilement et plus souvent en France.
Une autre
mesure pourrait être
adoptée en parallèle. Elle consiste à
généraliser la défiscalisation et la déduction
totale des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Ceci
permettrait aux entreprises de payer une rémunération horaire
nette plus conséquente aux employés, tout en baissant le
coût total de ces heures supplémentaires. Pour que cette mesure
ne représente pas une charge pour l’État, il faut
simplement décider qu’elles ne participent pas aux revenus de la
retraite. Si l’employé souhaite que ces heures
supplémentaires soit liées à sa retraite, il devra
cotiser en alimentant sa retraite complémentaire, par exemple.
Passons
maintenant aux indemnités de licenciement. Censées
protéger les employés contre des abus, elles rendent
l’embauche plus difficile car les entreprises ne sont pas dupes. Au
moment d’embaucher, les entreprises prennent bien en
considération le fait que le candidat au poste peut être
compétent ou incompétent. Dans le premier cas, les indemnités ne posent aucun
problème a priori. Dans le deuxième cas, les entreprises
doivent alors encaisser des pertes liées à la difficulté
de se séparer d’un employé qui se révèle
inadapté à la tâche. Face à ce dilemme, les entreprises
ont donc intérêt à maximiser leurs chances
d’embaucher le bon candidat. Les entreprises auront donc des exigences
en matière de niveau d’études qui ne sont pas
nécessairement justifiées par la complexité des
tâches réalisées dans le poste proposé, des
exigences concernant l’expérience professionnelle des candidats
qui peuvent éliminer de la course la plupart des jeunes diplômés, et des
exigences de disponibilité susceptibles d’effrayer nombre de
candidats seniors.
De fait, les
indemnités légales de licenciement en France sont relativement
basses. Elles représentent
1/5 de mois de salaire brut par année d’ancienneté
plus 2/15ème de mois de salaire additionnels au-delà
de la dixième année d’ancienneté. Cependant, il
faut leur ajouter des indemnités conventionnelles de licenciement qui
peuvent atteindre des sommes considérables. En France, un licenciement
coûte en moyenne 32 semaines de salaire brut, ce qui montre que les
indemnités conventionnelles et autres sont assez importantes.
Dans les années
1990, les pays scandinaves ont souffert d’une crise financière
qui a remis en question la viabilité d’une protection du travail
trop généreuse. Ils n’ont alors pas hésité
à faire sauter le verrou des indemnités de licenciement. Cela
n’a pas rendu l’embauche plus difficile. Au contraire, le
marché du travail est devenu plus dynamique car les entreprises ont
aujourd’hui moins de réserves au moment de l’embauche. En
effet, des indemnités de licenciement basses ou nulles résultent
en une valeur espérée de l’embauche plus
élevée pour l’entreprise qui serait alors incitée
à embaucher plus facilement.
Une
réforme dans le sens de la suppression des indemnités
conventionnelles aurait le bénéfice de redynamiser le
marché du travail tout en maintenant le seuil psychologique des
indemnités légales, plutôt abordables pour les
entreprises, surtout pour les PMEs.
À suivre
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