La
cause était entendue et le contrat est désormais rempli,
l’Europe toute entière entre cet été en
récession. Seuls ceux qui affectent encore de croire à un
miracle peuvent s’en déclarer surpris pour s’accrocher aux
dixièmes de pour-cent de croissance qu’ils croient pouvoir
préserver. Pour combien de temps ?
Pour
couper court aux fadaises de ceux qui ne veulent y voir que les imperfections
de la construction européenne – pour mieux justifier leurs plans
qui vont l’enfoncer davantage dans la récession –
c’est toute l’économie occidentale qui est touchée,
et par ricochet celle des pays émergents dont la croissance
repose sur leurs marchés désormais en berne. Pire, le pronostic
est qu’à la récession succèdera la
déflation. La vérité n’est pas bonne à
avouer : il n’y a pas une région du monde pour tirer les autres
d’affaire. C’est ce qui fait toute la différence avec les
crises précédentes qui n’étaient que
régionales.
Que
faut-il encore attendre de nos apprentis sorciers ? Qu’ils nous sortent
une nouvelle théorie des cycles pour justifier qu’après
ces trente dernières années de capitalisme financier triomphant
plusieurs décennies de désendettement et de récession
l’accompagnant vont malencontreusement leur succéder, et
qu’il faut en prendre son parti ? Sans même qu’ils soient
certains que la déflation ne va pas s’installer, l’exemple
japonais étant là pour montrer que si l’on sait quand on
y rentre, on ne sait jamais quand on va pouvoir en sortir… Car ce
qu’il y a de bien avec les cycles, c’est qu’après la
pluie survient le beau temps, et que tout recommence comme avant ! Ni vu, ni
connu !
Il
a été tenté dans un premier temps de mettre en avant
l’énormité de l’endettement public, assorti de la
nécessité de vite le résorber, pour mieux masquer par
divers artifices celui du privé, qui le vaut bien, pour lequel la
digestion se passe également mal. Certes, tout à son
opacité, le système financier privé dissimule son
endettement chronique mieux que les États, mais leur
échafaudage commun ne retrouve toujours pas son équilibre.
Les
subprimes américains
n’ont pas été une dérive sur laquelle il serait
possible de revenir, une exception qui ne sera pas renouvelée : ils
ont éclairé la double nature d’un système fait
d’extrême sophistication et de grande fragilité. Tout sera
fait pour ne pas le reconnaître : l’économie, dans son
ensemble, ne peut plus supporter le poids d’un système financier
devenu hypertrophié au fil des décennies. La conséquence
logique, inévitable, est pourtant qu’il va falloir en
réduire la taille et lui réassigner ses missions.
Pour
éviter de parvenir à cette conclusion, on tente de prendre son
temps pour atterrir en plaquant l’avion au sol. Mais la trajectoire
disponible rend l’exercice périlleux. L’économie
entre irrésistiblement en récession, réduisant
d’autant la portance du système financier, celui-ci
n’ayant pas de réserve de puissance et contenant les modestes
tentatives de régulation qui l’exposent à de nouvelles
sautes de vent de travers… (la métaphore aura été
filée jusqu’au bout).
La
crise continue de recéler en elle-même la dynamique de sa
poursuite. Quel paradoxe pour un système qui était
présenté comme indépassable, stade ultime du
développement de la société et, n’ayons pas peur
des mots, de l’Humanité ! Ce n’est pas sans
appréhension ni sans vertige que les pages blanches qui suivent vont
être remplies…
Le
droit d’inventaire va pouvoir alimenter celui d’inventer.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
Un «
article presslib’ » est libre de
reproduction numérique en tout ou en partie à condition que le
présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’
» qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos
contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait
aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut
s’exprimer ici.
|