Selon le prix Nobel
d’économie Milton Friedman et ses disciples, plus connus sous le
nom de monétaristes, la volatilité du taux de croissance de
l’offre de monnaie est la source majeure des cycles économiques
alternant phase de croissance et récession. Le monétarisme
argue qu’à court terme, les augmentations du taux de croissance
de l’offre de monnaie font augmenter le taux de croissance de biens
réels. Et inversement, une baisse de ce taux induit une baisse de la
production réelle. A long terme, les variations de la monnaie
n’ont aucun effet sur la production réelle et n’affectent
que les variations de niveaux de prix.
En d’autres termes, selon le
monétarisme, la monnaie est neutre pour l’économie
réelle à long terme mais elle ne l’est pas à court
terme.
La principale raison de cette différence,
selon les monétaristes, c’est le fait que les variations de
l’offre de monnaie à long terme sont entièrement
anticipées et donc escomptées. Cependant, à court terme,
les variations de l’offre de monnaie ne sont pas prévisibles.
Les monétaristes maintiennent pourtant que la banque centrale peut
rendre la monnaie neutre à court terme. Selon eux, cela peut
être obtenu en fixant un pourcentage de croissance de la masse
monétaire constant et le maintenant pendant un laps de temps infini.
Le point clef de cette théorie, c’est qu’il n’existe
pas de relation entre le taux de croissance monétaire à un
rythme constant et le taux de croissance de la production réelle.
Cette vision qui est également
étayée par des analyses statistiques nombreuses entreprises par
les monétaristes semble très plausible. Ainsi, disent-ils,
quand la monnaie croit un taux constant, ce taux de croissance se transforme
en un événement connu et prévisible. Cela implique que
les gens vont ajuster leur demande de monnaie de sorte que l’effet de
la croissance constante de la monnaie sur la production réelle soit
neutralisé.
Selon Milton Friedmann et son école, la
Grande Dépression de 1930 peut être expliquée par la
trame de pensée monétariste. Dans ses écrits, Friedman
affirme que la Réserve Fédérale a causé la Grande
Dépression en permettant une chute drastique de la masse
monétaire. Le monétarisme est convaincu que la Grande
Dépression aurait pu être évitée si le taux de
croissance de l’offre de monnaie avait été stable. Si la
théorie monétariste est correcte, alors on peut en
déduire que les changements de la demande de n’importe quel bien
dont l’offre est prévisible pourraient rendre ce bien neutre. En
d’autres termes, ce bien n’aurait aucun effet réel sur les
êtres humains.
Cela est-il raisonnable? Par exemple, le principal
attribut du pain, c’est d’être une nourriture pour le corps
humain -une fois ce pain consommé-. L’effet réel sur les
êtres humains qui mangent du pain est donc inclus dans le processus
d’alimentation du corps humain. Est-ce que des ajustements de la demande
de pain pourraient être réalisés en réponse
à une offre de pain prévisible et rendre le pain neutre ?
Ou bien dit autrement, est-ce que le pain en soi servirait d’offre
alimentaire ?
La nourriture constituée par l’offre de
pain une fois mangé est le fait de la réalité. Ce fait
ne pas être altéré par les variations de la demande des
gens. Au contraire, les gens demandent du pain en raison de sa
caractéristique intrinsèque qui est de servir d’aliment
une fois consommé. Or, si les souhaits des gens pouvaient
altérer les caractéristiques des biens, cela signifierait que
la demande humaine pourrait altérer les faits de la
réalité. Et ainsi au moyen d’un souhait, transformer un
chat en chien ou une pierre en pain.
Le service qui nous est rendu par la monnaie est
celui d’être un moyen d’échange. L’existence
de la monnaie permet au produit d’un spécialiste
d’être échangé pour un produit d’un autre
spécialiste. Ou bien encore nous pouvons aussi dire que la monnaie
offre le service de « facilité » qui permet
l’échange d’une chose contre une autre. En d’autres
termes, un bien utile peut être échangé contre de la
monnaie et la monnaie ainsi obtenue peut elle-même être
échangée contre un autre bien, donc en échange de
quelque chose contre autre chose.
Quand une monnaie contrefaite est introduite, elle
se comporte apparemment comme une monnaie authentique. Une fois
acceptée, cette monnaie contrefaite permet un échange entre un
bien sans valeur et un bien de valeur, parce que le faux-monnayeur n’a
rien échangé du tout de réel pour obtenir la monnaie
qu’il a imprimée et mise en circulation. Ensuite, il
l’utilise pour l’échanger contre des biens et des services
réels. En conséquence, une fois la fausse monnaie introduite et
acceptée par les gens comme une monnaie véritable, elle va
obligatoirement donner lieu à un échange de rien du tout contre
quelque chose. L’échange de rien contre quelque chose implique
une consommation malhonnête de biens et services réels,
c’est-à-dire le transfert de richesses réelles provenant
de producteurs de biens vers le faux-monnayeur.
L’échange de rien contre quelque chose
engendre bien un effet réel. Exactement le même que celui
engendré quand le système bancaire fait croître la
quantité de monnaie, c'est-à-dire crée de la monnaie ex
nihilo, à partir de rien. Maintenant, supposons que la Banque Centrale
ait réussi à fixer un certain taux fixe de croissance de la
monnaie. Cela pourrait-il rendre la monnaie neutre par rapport à
l’économie ? Cela pourrait-il changer le fait que la
monnaie créée ex nihilo met en œuvre un échange de
rien contre une chose réelle ?
L’ajustement de la demande de monnaie des gens
aura seulement un effet sur la valeur de la monnaie,
c’est-à-dire son pouvoir d’achat. Cela cependant ne peut
pas empêcher l’échange d’un bien sans contrepartie
véritable (la fausse monnaie) une fois que cette monnaie est
créée à partir de rien du tout. De plus,
indépendamment du fait que la monnaie soit imprimée à un
rythme constant ou variable, cela va faire baisser la structure des taux d’intérêts
en dessous du niveau dicté par la demande par rapport au niveau
d’épargne. Et cela aura pour effet de mettre en marche le cycle
d’expansion-récession conjoncturelles.
Pour finir, le grand économiste autrichien
Ludwig von Mises a dénoncé dans ses écrits,
l’idée que la monnaie puisse être neutre comme
étant ridicule. La neutralité de la monnaie signifierait que la
monnaie cesserait d’être un médium d’échange.
Et alors, ce ne serait plus de la monnaie.
Frank Shostak
Frank Shostak fut professeur d’économie avant
d’être le directeur de la recherche économique de M.F.
Global. Cet article a d'abord été publié sous le titre Defining
Inflation.
Il est reproduit ici avec la
permission de l'auteur.
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