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L’Église et le libéralisme : histoire d’un malentendu (3). Le droit naturel et la limite du pouvoir

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Publié le 27 avril 2015
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Rubrique : Editorial du Jour

 

 

 

 

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Il est une idée judéo-chrétienne qui a joué un rôle crucial dans la naissance de la liberté, c’est l'idée que l'homme est naturellement enclin au péché. « Dieu a conféré à sa créature, avec le libre arbitre, la capacité de mal agir, et par-là même, la responsabilité du péché » affirme Saint Augustin dans son traité sur le libre arbitre De Libero Arbitrio.

 

Pas de péché sans liberté, ni de liberté sans possibilité de pécher. Certes, le Dieu chrétien est un juge qui récompense la « vertu » et punit le « péché ». Mais cette conception de Dieu est justement incompatible avec le fatalisme car l’homme ne pourrait pas être coupable et faire son mea culpa s’il n’était pas d’abord libre de déterminer lui-même son comportement. Reconnaitre sa faute morale, sa culpabilité, c’est reconnaître qu’on aurait pu agir autrement et c’est donc faire appel à la responsabilité morale de l’individu.

 

Mais cette idée du péché, inconnue du monde antique a également incité les hommes à élaborer des systèmes de contrepouvoirs, pour se protéger aussi bien de dirigeants corrompus que de la tyrannie de la majorité ou des groupes de pression.  

 

L’émergence de la doctrine du droit naturel

 

Aux XVe et XVIe siècles, les disciples de Saint Thomas d’Aquin, proches de l’Université de Salamanque en Espagne, furent les véritables précurseurs du libéralisme : Vitoria, Suarez, Mariana, Molina, Lessius... Tous ces auteurs affirmèrent que les hommes possèdent des droits naturels qui précèdent la société politique, légitimant ainsi l’établissement d’un État limité, chargé de veiller au respect de ces droits fondamentaux.

 

Dans la théologie médiévale, la providence n'est pas une intervention permanente de Dieu dans la vie des hommes, comme si Dieu agissait à notre place et sans notre consentement. Au contraire, Dieu donne à chaque créature, selon sa nature, des facultés lui permettant de subvenir elle-même à ses besoins et atteindre ainsi son plein développement. Dieu ne fait pas le bien de la créature à sa place. Et plus on s'élève dans l'échelle des êtres, du minéral à l'homme, plus Dieu délègue à sa créature le pouvoir d’agir elle-même. Il confie à l'homme la liberté de se gouverner lui-même et de gouverner le monde avec sa raison, selon la vertu de prudence. Ainsi, Saint Thomas d’Aquin écrit : « Retirer à la perfection des créatures, c'est retirer à la perfection du pouvoir divin (...) Dieu n'est offensé par nous que du fait que nous agissons contre notre propre bien[1]. » La Providence nous donne donc les moyens d'être à nous même notre propre providence. Et il ajoute : « Un homme peut diriger et gouverner ses actions. Par consé­quent la créature rationnelle participe de la divine providence non seulement en étant gouverné mais également en gouver­nant[2]. »

 

Pour que l’homme fasse le meilleur usage possible de sa liberté, Dieu lui donne un outil qui est sa raison et un mode d’emploi pour l’éclairer qui est la loi naturelle.

 

La loi naturelle s’exprime en nous par des inclinations telles que l’amour de la vérité, l’obéissance à la raison ou la fameuse règle d’or : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas subir ». Ces inclinations sont selon lui innées. En effet, écrit Saint Thomas, « il faut considérer que le juste naturel est ce vers quoi la nature de l'homme l'incline ».

 

Toutefois, cette lumière intérieure ne suffit pas pour bien agir. L’élaboration de normes concrètes d’action et leur application à des situations particulières est nécessaire. Il revient alors aux juristes de définir ces normes, en accord avec la loi naturelle : ce sont les lois humaines. Mais la loi naturelle est supérieure à la loi humaine et elle s’impose universellement, y compris aux Princes. « Par la connaissance de la loi naturelle, l'homme accède directement à l'ordre commun de la raison, avant et au-dessus de l'ordre politique auquel il appartient en tant que citoyen d'une société particulière ».

 

Il existe donc un droit antérieur à la formation de l'État, un ensemble de principes généraux que la raison peut énoncer en étudiant la nature de l'homme telle que Dieu l'a créée. Ce droit s'impose au monarque, au pouvoir, qui doit dès lors le respecter. Et les lois édictées par l'autorité politique n’ont force obligatoire que selon leur conformité au droit naturel.

 

Le pouvoir limité

 

Les réformateurs protestants avaient souligné le fait que chaque personne est à la fois un pécheur et un saint :

 

1° L'idée que la personne est un pécheur fonde la nécessité de mettre des constitutionnelles  pour limiter le pouvoir et empêcher la tyrannie.

 

2° En tant que créatures saintes de Dieu les hommes ont des droits fondamentaux. Les protestants reprennent à leur compte la notion traditionnelle selon laquelle nous portons l’image de Dieu. À ce titre, nous exerçons la souveraineté de Dieu, et dans l'exercice de cette souveraineté, la personne est fondée à participer aux élections et à contrôler les actions des responsables politiques.

 

Les adeptes du réformateur Jean Calvin ont utilisé ces principes pour penser ce qui allait devenir le concept de pouvoir limité. Luttant contre la persécution dans la seconde moitié du XVIe siècle, les calvinistes ont commencé à développer l'idée que les communautés sont formées par des contrats volontaires. L’idée est que le pouvoir des dirigeants n’existe que pour protéger la communauté. Et ses habitants possèdent certains droits fondamentaux inaliénables qui leur sont garantis par ces autorités. Ces droits sont naturels, ils ne peuvent être ni octroyés, ni supprimés par les autorités.

 

Ces idées, qui ont fait leur chemin dans la culture européenne depuis plus de mille ans, ont traversé l'Atlantique sur le Mayflower en 1620. Lorsque les pèlerins sont arrivés dans le Nouveau Monde, ils ont établi une société fondée sur les principes qu'ils avaient appris des puritains calvinistes en Angleterre. D’autres groupes de chrétiens fuyant les persécutions les ont suivis dans le Nouveau Monde et ont établi des gouvernements fondés sur les mêmes principes, formant ce qui allait devenir l'expérience américaine.

 

Plusieurs des idées qui ont alimentées cette période d'innovation politique ont été développées dans les écrits du philosophe politique du 17ème siècle John Locke, puis ont été reprises au siècle des Lumières par les penseurs de la liberté. Mais en France, ce fut dans un contexte de lutte contre la monarchie… et contre l’Église que ces idées se développèrent.

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[1]Somme contre les Gentils, III, 69 et 122. Trad. franç. V. Aubin, Paris, Garnier-Flammarion, 1999, p. 242 et 419.

[2]Ibid. III, 113.

 

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Damien Theillier est professeur de philosophie. Il est l’auteur de Culture générale (Editions Pearson, 2009), d'un cours de philosophie en ligne (http://cours-de-philosophie.fr), il préside l’Institut Coppet (www.institutcoppet.org).
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