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Russell Kirk, icône des conservateurs américains

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Publié le 09 février 2015
1341 mots - Temps de lecture : 3 - 5 minutes
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« La politique qui nous fera entrer dans le XXIe siècle ne sera pas économique, mais culturelle. » Russell Kirk, The cultural conservatives, in Four lectures on the “Varieties of the Conservative Impulse”, The Heritage Foundation.

 

 

 

Professeur de littérature à l’Université du Michigan, surnommé « le Sorcier de Mecosta », Russell Kirk est un penseur traditionaliste, prodigieusement savant, né en 1918. Il se décrivait lui-même comme un romantique (« Bohemian tory »). Disciple de Burke et de J. H. Newman, ami de Wilhelm Röpke, il fut le fondateur de la revue Modern Age et l’auteur en 1953 d’un livre-phare pour tous les conservateurs américains : The Conservative Mind, from Burke to Eliot. Ce livre est considéré comme le point de départ du mouvement conservateur appelé aussi New Conservatism, deux ans avant la création de la National Review par William F. Buckley Jr.

 

Kirk contribua souvent à cette revue qui deviendra la tribune privilégiée des conservateurs. Une polémique célèbre l’opposa d’ailleurs au rédacteur en chef Frank Meyer, puis aux libertariens, sur la question de l’individualisme. Kirk défendait un point de vue strictement traditionnaliste, rejetant ce qu’il nommait l’« atomisme social ». (Voir plus bas, ainsi que la notice consacrée à Frank S. Meyer).

 

En 1964, il contribue au lancement de la campagne de Barry Goldwater. La même année, il se convertit au catholicisme et épouse Annette Courtemanche, l’une de ses étudiantes. Par la suite, il a toujours entretenu des liens d’amitié avec Ronald Reagan qui a souvent rendu publiquement hommage à sa pensée. Proche de l’Heritage Foundation, il y a prononcé plus de cinquante conférences dans les dix dernières années de sa vie. Il est mort en 1994.

 

Une généalogie du conservatisme

 

L’ouvrage majeur de Kirk a été écrit dans le cadre d’une thèse de littérature à l’université de Saint Andrews en Écosse. Selon Lee Edwards, historien du mouvement conservateur,

 

The Conservative Mind constitua une prouesse académique remarquable, faisant la synthèse des idées des principaux penseurs et chefs politiques conservateurs anglo-saxons de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle. Kirk mit ainsi brillamment en évidence l’existence d’une tradition conservatrice typiquement américaine remontant à l’époque des Pères fondateurs de la République. Dès lors, avec ce seul livre, il parvint à rendre le conservatisme intellectuellement acceptable aux États-Unis. Bien plus, c’est lui qui est à l’origine du nom même de « mouvement conservateur ».

 

Le livre commence avec Edmund Burke, le père du conservatisme moderne. Burke, nous rappelle Kirk, est de formation scolastique. Il adhère aux principes de l’essentialisme classique, c’est-à-dire à la doctrine d’une nature humaine universelle. Sa défense des traditions et de l’héritage du passé, contre la table rase des révolutionnaires français, tient à son réalisme aristotélicien. La raison a besoin de l’expérience, c’est en elle qu’elle puise les principes de son développement. De même la société moderne a besoin de s’appuyer sur les traditions morales pré-modernes, sur un certain nombre d’institutions et d’ordres intermédiaires forgés par la sagesse des siècles. Mais Burke est aussi un libéral qui s’est battu en faveur des libertés parlementaires et qui avait une grande admiration pour Adam Smith, dont il partageait les vues sur l’économie politique. Kirk voit aussi en Tocqueville un disciple de Burke.

 

Dans le livre de Kirk, John Adams figure comme le fondateur du conservatisme américain. Celui qui fut le second président des États-Unis a développé dans sa Défense de la Constitution du Gouvernement des États-Unis une conception de la liberté sous la loi, très opposée à la conception française d’une liberté au-dessus des lois, compatible avec un gouvernement illimité.

 

L’esprit conservateur : une politique de la prudence

 

Le conservatisme de Russell Kirk (comme le traditionalisme en général) est marqué par un certain pessimisme anthropologique et culturel. Il s’oppose à l’utopie de la perfectibilité infinie de l’homme et au culte de la raison. Enfin, il est sensible au déclin de la civilisation et aux conséquences sociales du rejet de l’ordre naturel, un thème commun à Leo Strauss ou Eric Voegelin, ses contemporains.

 

C’est la primauté du spirituel qui caractérise l’esprit conservateur, selon Kirk. Dans son livre, Kirk rappelle à ses lecteurs que les problèmes politiques sont fondamentalement des « problèmes religieux et moraux » et que pour se ressourcer, une société a besoin de puiser au-delà du politique et de l’économique. Pour autant, cette primauté du spirituel n’est pas du moralisme, elle peut s’incarner dans le politique et l’économique. Mais il n’y a pas de politique sans un principe spirituel qui la fonde.

 

Dans son Program for Conservatives, Russel Kirk identifie deux piliers : l'État de droit et un ordre moral transcendantal. L'État doit être fort dans ses tâches régaliennes mais accomplissant pour le reste une « cure d'humilité ». Les conservateurs luttent contre toute forme de collectivisme. Ils défendent les corps intermédiaires et la subsidiarité. Par ailleurs, devant la « crise morale issue de l'orientation scientiste et matérialiste de la fin du Moyen-Âge », il s'agit de réhabiliter la Loi naturelle, socle de la civilisation chrétienne.

 

Le conservatisme de Kirk est un « conservatisme fondé sur des principes » (« principled conservatism ») par opposition à toute forme d’idéologie ou de système abstrait. Le conservatisme n’est pas une idéologie de droite mais un ensemble de principes prudentiels, c’est-à-dire acquis par l’expérience et la sagesse des générations. « Le conservateur est une personne qui essaye de conserver le meilleur de nos traditions et de nos institutions, et de concilier cela avec une réforme nécessaire de temps en temps. »

 

Selon lui, la guerre moderne est fille de la démocratie de masse et de l’interventionnisme étatique. En 1991, lors d’une conférence à l’Heritage Foundation, il avait dénoncé l’imprudence et la futilité des motifs invoqués par George Bush pour la première guerre du Golfe. Il avait prédit : « Nous devons nous attendre à souffrir pendant une longue période d’une grande vague d’hostilité envers les États-Unis ».

 

L'ordre est une condition nécessaire pour la liberté.

 

La liberté individuelle, c’est la thèse conservatrice par excellence, n'est possible que dans le contexte d'une pluralité d'autorités sociales, de codes moraux et de traditions historiques. D’où l’insistance de Burke et de Tocqueville sur le rôle joué par les associations et les autorités naturelles (comme la famille, les églises) contre le pouvoir « arbitraire » du gouvernement politique.

 

C'est l'existence de l'autorité dans l'ordre social qui permet d'éviter les empiétements du pouvoir dans la sphère privée. La société civile, en tant que distincte de l’État, est un réseau ou un tissu de ces autorités naturelles ou culturelles dans lesquelles l’individu peut exercer concrètement sa liberté et sa responsabilité. Renforcer la société civile, c’est donc conserver et protéger la pluralité des autorités : l'autorité des parents sur les enfants, du prêtre vis-à-vis des croyants, de l'enseignant sur l'élève, du maître sur l'apprenti, et ainsi de suite. Une société bien ordonnée, selon Kirk, doit être composée d'un mélange d'aristocratie et la démocratie.

 

Ainsi les Pères fondateurs ont essayé de créer un gouvernement fondé sur trois corps de principes : éthiques, politiques et économiques. La croyance en Dieu et le respect de la loi naturelle sont les principes éthiques. La justice, l’ordre et la liberté sont les principes politiques. Enfin, le libre marché et la libre entreprise sont les principes économiques. Le libre marché est le système économique le mieux adapté à la nature humaine c’est-à-dire aux exigences de la justice, de l'ordre et de la liberté. Un système de libre marché concurrentiel favorise la justice – « à chacun le sien » – en permettant aux individus de promouvoir leurs talents et leur travail. Il favorise l’ordre parce qu’il permet à chacun de servir ses intérêts et ses ambitions. Enfin, le libre marché favorise la liberté parce qu'il est fondé sur des choix librement consentis. Là où la liberté économique est érodée, la liberté morale et politique commence à disparaître.

 

À lire

 

Russell Kirk, The Conservative Mind: From Burke to Eliot, 1953.

 

Russell Kirk, A Program for Conservatives, 1954.

 

Russell Kirk, American Cause, 1957.

 

Russell Kirk, The Roots of American Order, 1974.

 

Russell Kirk, The Portable Conservative Reader, 1982.

 

 

 

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Damien Theillier est professeur de philosophie. Il est l’auteur de Culture générale (Editions Pearson, 2009), d'un cours de philosophie en ligne (http://cours-de-philosophie.fr), il préside l’Institut Coppet (www.institutcoppet.org).
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