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Ils font monter les enchères

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Paul Jorion.
Publié le 21 juin 2010
1307 mots - Temps de lecture : 3 - 5 minutes
( 2 votes, 5/5 ) , 1 commentaire
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Rubrique : Editoriaux





Ce texte est un « article presslib’ » (*)



Tout à leur souci de désamorcer une crise qui continue de leur glisser des mains, les dirigeants européens viennent de prendre le risque de faire monter les enchères à l’occasion de leur sommet du 17 juin.

N’ayant rien d’autre de tangible à proposer – une fois de plus dans l’urgence, et cette fois-ci en raison de la situation espagnole – ils se sont finalement résolus à décider de rendre public les stress tests des banques. Une suggestion qu’était pourtant venu leur faire en urgence il y a plusieurs semaines Tim Geithner, secrétaire d’Etat au Trésor américain, qui en avait déjà utilisé aux Etats-Unis la recette. Mais jusque là sans avoir été entendu.

Ce geste contraint, salué par tous les commentateurs qui en venaient à désespérer d’eux, vaut certes reconnaissance que la situation des banques est au centre des inquiétudes des marchés, ce qui prend les dirigeants européens à revers d’une stratégie de communication toute entière axée sur les déficits publics et l’austérité. Mais va-t-il être pour autant suffisant pour calmer la situation ? Depuis des mois déjà, les chefs d’Etat et de gouvernement nous ont en effet habitués à accumuler des décisions tardives et inopérantes. La dernière en date étant un mirifique plan de stabilité financière qui n’est toujours pas opérationnel et pour lequel des flous sont encore entretenus, en raison de divergences qu’ils ne parviennent pas à masquer.

Sans surprise, à peine cette décision était rendue publique que les questions fusaient, en raison de tous les mystères dont elle était une fois de plus entourée. La première portait sur l’ampleur des tests. La crainte – qui s’est vite révélée justifiée – étant qu’ils ne seraient pratiqués que sur les plus grands établissements bancaires et laisseraient de côté tous les autres. Or, il est de notoriété publique que les premiers peuvent plus facilement dissimuler leurs petites faiblesses et que les seconds, au contraire, sont souvent en piteux état.

Il suffit, pour s’en convaincre, de penser aux banques régionales des Länder allemands, ou aux caisses d’épargne espagnoles. Et de noter que si le gouvernement espagnol a orchestré des fuites relatives à la bonne santé de ses plus grandes banques, BBVA et Santander, afin de faciliter sa dernière émission obligataire (qui va néanmoins lui coûter fort cher), il a négligé de donner des informations de même nature sur ses caisses d’épargne. Alors que les informations circulent abondamment sur le fait que tout ce secteur bancaire n’est plus en mesure de se refinancer et doit faire en permanence appel à la BCE.

La seconde question n’était pas moins décisive, afin de juger par avance de la portée des stress test, sans même attendre leur publication le 24 juillet prochain, comme pour l’instant annoncé. Quels paramètres ont donc été retenus pour « durcir » et recommencer des tests, déjà réalisés comme il a été maladroitement reconnu dans le but de les crédibiliser ? Plus précisément, va-t-il ou non être tenu compte du risque d’une décote des obligations d’Etat, dont on se rappelle qu’ils ont été au centre des préoccupations des marchés, avant qu’ils ne s’inquiètent des risques de récession  ? La réponse n’est pas claire, laissant supposer que non.

La répartition des rôles et des responsabilités dans la tenue de cet examen de passage n’étant pas non plus d’une grande clarté – entre les ministres des finances, la BCE et la Commission européenne – il devenait nécessaire de se tourner vers le Centre Européen des Contrôleurs Bancaires (CEBS), qui en a officiellement la charge. Rien, hélas, n’est encore à ce jour venu de son côté apporter les éclaircissements souhaités, si ce n’est de très vagues et générales considérations qui ne permettent pas de répondre à toutes ces légitimes questions.

Cerise sur la gâteau, enfin, la méthodologie même des tests, pour ce qu’il en est connu, pouvait être mise en cause en raison du fait qu’elle n’analysait pas le risque systémique du système dans son ensemble, au prétexte du seul examen de ces éléments constituants, un par un.

A écouter les marchés, qui s’expriment de plus en plus ouvertement par l’intermédiaire des analystes des grandes banques européennes, leur attente n’est pourtant pas compliquée. Ils considèrent simplement que l’Europe ne pourra sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve qu’à deux conditions : la poursuite de la dévaluation compétitive engagée de l’euro (que craignent tous les autres puissances exportatrices, Etats-Unis, Japon et Chine en tête), et l’engagement résolu de la BCE dans une politique de création monétaire, afin de favoriser la relance et soutenir sans ambages le marché de la dette souveraine. C’est eux qui parlent.

Une question reste toutefois pendante, en attendant que ces souhaits soient exaucés, le second d’entre eux n’étant pas actuellement à portée. Car de deux choses l’une : ou le résultat des tests sera déclaré positif, retirant toute crédibilité à l’opération, qui capotera alors, ou bien ils mettront en évidence la sous-capitalisation de certaines banques. Dans ce dernier cas, la question immédiate qui se posera sera de savoir si – comme cela avait été le cas aux Etats-Unis – les banques en question pourront par leurs propres moyens augmenter leur fonds propres. Ou bien si des soutiens publics seront à nouveau nécessaires.

En manifestant de vives réticences à propos de la publication des résultats des tests, la Bundesbank et le patron de la Deutsche Bank n’avaient pas exprimé autre chose, soulignant qu’il fallait alors avoir prêt sous le coude un plan de soutien. De toute évidence, ce n’est pas le cas et nécessitera – si ce cas de figure se présente – une nouvelle improvisation.

Une de plus, qui ne fera que refléter les conditions à l’arraché dans lesquelles la décision du sommet a été prise. Sous l’insistance des Espagnols qui menaçaient d’agir unilatéralement, relayés par la Commission de Bruxelles. L’histoire en a depuis transpiré.

Les dirigeants européens peuvent espérer avoir gagné un répit d’un gros mois, dans le meilleur des cas. Car rien ne dit que l’Espagne rencontrera sur les marchés, avant même la publication des résultats des tests, un accueil favorable pour ses prochaines émissions obligataires. Rien n’assure également que les petits établissements bancaires, qui ont en Europe retardé autant que possible leurs opérations de financement, et qui sont coincés alors que les taux montent, ne commenceront pas à connaître des défaillances.

En réalité, à l’image de ce qui se passe aux Etats-Unis, mais dans un autre contexte, les banques qui n’appartiennent pas au haut du pavé ne pourront pas, pour beaucoup d’entre elles, échapper à des regroupements et des restructurations. Qui va financer ce processus, les mégabanques qui vont devoir utiliser leurs ressources et faire appel aux marchés pour leur propre compte ?

Quelle attitude la BCE va-t-elle pouvoir prendre, si ce n’est poursuivre ce qu’elle a engagé, et sans doute l’accroître ? Entraînant les dirigeants sur une pente qu’ils n’ont pas choisi.

L’Espagne n’est pas la Grèce et l’Europe n’a pas les moyens de faire face à son dérapage. La visite de Dominique Strauss Kahn à Madrid, présentée sous son jour le plus innocent, en est le signe.

Demain sera un autre jour.



Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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nous avons deux stratégies en cours, l'américaine qui pousse à fond les déficits pour relancer...et l'européenne qui va vers l'austérité...l'une ira à la faillite et voudrait que l'européenne la rejoigne :-), l'autre qui pourrait rater la reprise ?! enfin, une autre qui associerait dévaluation compétitive de l'euro et restructuration de la dette souveraine...c'est à dire la ruine des épargnants et la faillite des prêteurs....sauf si on fait reprendre par la BCE la masse des emprunts obligataires au risque de dévaluer fortement l'euro et entraîner l'hyperinflation ?! une chose est certaine, la finance sera sauvée par la BCE, mais les épargnants seront massacrés ! mais n'est-ce pas ce que préconisait Keynes ? :-)
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nous avons deux stratégies en cours, l'américaine qui pousse à fond les déficits pour relancer...et l'européenne qui va vers l'austérité...l'une ira à la faillite et voudrait que l'européenne la rejoigne :-), l'autre qui pourrait rater la reprise ?! enfi  Lire la suite
jymesnil - 22/06/2010 à 17:22 GMT
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