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Aux origines du Parti socialiste : Jean Jaurès et la critique de Yves Guyot (1ere partie)

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Extrait des Archives : publié le 20 juin 2011
1146 mots - Temps de lecture : 2 - 4 minutes
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Rubrique : Fondamental





En juillet 2004, la Fondation Jean Jaurès rédigeait une note intitulée : Pour l’égalité réelle, Éléments pour un réformisme radical. Selon elle, l’égalité formelle (l’égalité en droit) ne s’attaque pas aux sources mêmes de l’exploitation et de la reproduction des privilèges. La République a proclamé l’égalité. Il reste encore à la réaliser : « Jaurès, durant toute sa vie, a essayé de réaliser la synthèse entre les notions fondamentales du marxisme et les vieux principes de la révolution de 1789. Cette synthèse, il la fondait sur la justice sociale, l’élimination progressive des privilèges héréditaires créés par le capitalisme ».


Le Parti socialiste continue encore aujourd’hui à faire de Jaurès sa référence philosophique fondamentale. Pour preuve, en décembre 2010, la Convention pour l’Égalité réelle, présidée par Benoît Hamon, rassemblait les militants et sympathisants socialistes afin d’adopter un texte intitulé « l'égalité réelle», traçant les grandes orientations politiques des socialistes pour construire une société fondée sur la justice sociale. Les militants ont approuvé le texte à plus de 80%.


Quelles étaient les idées de Jean Jaurès et comment ces idées ont-elles été combattues, du vivant de Jaurès, par Yves Guyot ?


Jean Jaurès (1859-1914)


Jean Jaurès est normalien et agrégé de philosophie. Après avoir enseigné à Albi et à Toulouse, âgé de 25 ans, il commence sa carrière politique en 1885 comme député républicain à Castres.


D'abord républicain modéré, Jean Jaurès devient socialiste après la grande grève des mines de Carmaux de 1892. Il est élu député et va le rester jusqu'à sa mort (sauf entre 1898 et 1902). Brillant orateur, il va devenir le défenseur des ouvriers en lutte et de l'unité des forces politiques et syndicales de gauche.


Avec les socialistes, il défend Alfred Dreyfus et crée le journal L'Humanité, en 1904. Jean Jaurès, leader du socialisme français, participe en 1905 à la fondation de la SFIO qui va rassembler les différents courants socialistes français. Pour lui, les socialistes doivent s'engager pour une révolution démocratique et non violente.


Après 1905, Jean Jaurès s'oppose à la politique coloniale et à la guerre. Ayant pris des positions pacifistes à l'approche des hostilités avec l'Allemagne, il devient très impopulaire chez les nationalistes qui l'accusent de trahison. Jaurès meurt assassiné par le nationaliste Raoul Villain le 31 juillet 1914, trois jours avant la déclaration de la guerre.


Jaurès et le réformisme radical socialiste


Au XIXe siècle, beaucoup de socialistes refusent de suivre Marx dans son idéal révolutionnaire. Ils se contentent d’un idéal réformiste. C’est le cas des socialistes français, comme Jean Jaurès, qui souhaitent un compromis entre le marxisme et la démocratie. Le socialisme de Jaurès est un socialisme de conciliation. Il veut concilier liberté et socialisme : ce dernier doit agir pour les libertés individuelles.


C’est pourquoi Jaurès reproche à Marx d’avoir suspendu les principes de la légalité démocratique, c’est-à-dire la consultation de la volonté des citoyens, la liberté d’expression et la pluralité des partis. C’est ce qui amène Jaurès à rendre à l’État un rôle d’arbitre neutre s’imposant à toutes les classes, contre la réduction marxiste de l’Etat à un rôle d’instrument de la classe dominante.


Selon Jaurès, la suppression des classes sociales par la révolution n’est pas souhaitable pour établir le socialisme. Le socialisme triomphera par l’élection dès que la classe prolétaire deviendra majoritaire. Plutôt que de renverser la division des classes, il s’agit de fonder l’ordre social sur une meilleure organisation du travail pour tous et sur une redistribution des richesses. Cette organisation passe par des coopératives, des syndicats. Pour Jaurès, le marché crée de la richesse mais conduit à des inégalités. Le socialisme réformiste demande donc qu’on collectivise cette richesse pour la partager équitablement.



En dépit de son rejet du marxisme, Jaurès se propose néanmoins de transformer l’organisation sociale et économique au moyen de l’intervention étatique. Citons Jean Jaurès dans Les radicaux et la propriété individuelle :


Une force nouvelle est apparue, qui va compliquer et transformer tous les rapports sociaux, tout le système de propriété. Cette force nouvelle, c'est l'individu humain. Pour la première fois, depuis l'origine de l'histoire, l'homme réclame son droit d'homme, tout son droit. L'ouvrier, le prolétaire, le sans-propriété, s'affirme pleinement comme une personne. Il réclame tout ce qui est de l'homme, le droit à la vie, le droit au travail, le droit à l'entier développement de ses facultés, à l'exercice continu de sa volonté libre et de sa raison. […] Or, la société ne peut lui assurer le droit au travail, le droit à la vie ; elle ne peut l'élever, du salariat passif à la coopération autonome, sans pénétrer elle-même dans la propriété. La propriété sociale doit se créer, pour garantir la vraie propriété individuelle, la propriété que l'individu humain a et doit avoir de lui-même.


L’héritage socialiste de Jaurès


Entre la défense de la propriété privée dans le cadre du capitalisme et son abolition par les tenants du collectivisme révolutionnaire (communistes), Jaurès est le fondateur de ce qu’on peut appeler la « troisième voie »


Il part du fait que les déclarations formelles de principes juridiques ne suffisent pas à garantir la liberté et l’égalité réelles. Ainsi, il convient de leur donner un contenu dans la réalité économique et sociale. De là, l’idée de créer de nouveaux droits. Jean Jaurès les appelle des « droits sociaux » : le repos, l’éducation, le logement, la retraite ou le plein exercice de la citoyenneté doivent être matériellement garantis par l’État à tous.


Que sont les droits sociaux ? Ce sont ces droits collectifs « droits réels » ou « droits matériels » et que certains appellent aussi droits-créances. Ce sont des protections, des prestations, des services reçus sans contrepartie, reçus de l’extérieur, en particulier de l’État au nom de l’égalité des chances : droit à la santé (« gratuite »), droit au logement (« gratuit »), droit à l’éducation (« gratuite ») etc. Ces droits sociaux ne sont fondés ni dans la nature des choses humaines, ni sur des libertés. Ce sont des revendications, des « dus » transformés en droits par la loi. Les droits sociaux signifient que l’on reconnaît à l’Etat le droit de prendre aux uns pour le donner aux autres.


Cette idée d’égalité réelle, fondée sur les droits sociaux, constitue l’axe central du projet politique des socialistes contemporains. L’idée est que les droits économiques et sociaux seraient les vrais droits et que l’égalité ne serait juste qu’à condition d’être une égalité réelle. Autrement dit, la démocratie serait une imposture tant que des inégalités économiques et sociales subsistent.


Vouloir établir une égalité réelle pour compenser l’inégalité de fait revient cependant à rétablir l’inégalité en droit qui prévalait avant la démocratie. Cela consiste en effet à sacrifier la liberté des uns au profit des autres. Telle est la critique que formule Yves Guyot à l’encontre de Jean Jaurès et de la démocratie socialiste. C’est cette critique que nous allons exposer dans une seconde partie.


(A suivre…)



Damien Theillier




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Damien Theillier est professeur de philosophie. Il est l’auteur de Culture générale (Editions Pearson, 2009), d'un cours de philosophie en ligne (http://cours-de-philosophie.fr), il préside l’Institut Coppet (www.institutcoppet.org).
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"la liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent" disait Montesquieu. Finalement, le jeu serait donc d'établir des lois sous prétexte de rétablir une pseudo égalité pour finalement nous priver de nos libertés. Pensez-vous vraiment que nous sommes prêts à accepter ça ?
Bravo! on a hâte de lire la suite.
Il est utile, dans la lignée de cet article, de se rappeler que Jean Jaurès - à la différence des socialistes contemporains - n'était pas opposé aux retraites par capitalisation. A vrai dire, il y était tellement favorable qu'il était, à la manière socialiste, prêt à la rendre obligatoire.
Au tout début du 20ème siècle, les pouvoirs publics voulaient, en effet, contraindre les ouvriers et paysans à capitaliser en vue de la retraite. Une partie de la gauche s’y opposait au motif que le texte obligeait les employés à cotiser en vue d’une hypothétique retraite à 65 ans, âge auquel nombre d’ouvriers et de paysans seraient morts. D’autres, réunis autour de Jean Jaurès, fondateur du Parti socialiste français, voyaient dans la capitalisation l’opportunité de donner plus de pouvoir aux ouvriers et paysans qui, actionnaires, contrôleraient une partie de l’économie. C'est ainsi qu'en 1910 fut votée la loi sur les retraites ouvrières et paysannes. Le système par répartition ne fut quant à lui instauré qu'en 1945-46.
Quel dommage d'avoir associé le mot "capital" à cette forme de retraite !

Il aurait été préférable de l'avoir appelée dès l'origine "Epargne retraite" de manière à éviter l'impact psyschologique négatif dont Marx a entaché le mot capital.

Peut etre y aurait il autant à en dire sur le mot "répartition", qui est une bien belle manière de décrire un une escroquerie à la Ponzy (soyons modernes, à la Madoff).
Ce que je trouve dommage, c'est plutôt d'avoir associé "capitalisation" et "obligation". Les deux sont maintenant indissociables et in fine bien loin d'échanges volontaires entre adultes consentants. Mais, la démarche de Jaurès allait dans la bonne direction.
Qui a dit qu'en France on pouvait tout faire entre adultes consentants, sauf travailler l'un pour l'autre ?
Et encore! Avec bien des entraves!
Je n'avais jamais vu le systeme des retraites comme un modèle de Ponzy, et bien qu'il ne soit théoriquement pas de ce type, il est vrai, que l'état précaire dans lequel il se trouve actuellement, le ramène tout à fait à celui-là.
TOUS les systèmes de retraite qui ont vu le jour jusqu'ici sont des schémas pyramidaux. Certains le sont de manière plus subtile que d'autres, il faut parfois changer de point de vue pour le voir.
D'où son nom. C'est parce qu'elle précède la débacle qu'on l'appelle retraite
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ça tombe bien, on a tous fait carrière pour l'y enterrer.
Combien de fois droits ?
Combien de devoirs ?

... créer de nouveaux droits. Jean Jaurès les appelle des « droits sociaux » : le repos, l’éducation, le logement, la retraite ou le plein exercice de la citoyenneté doivent être matériellement garantis par l’État à tous.

Que sont les droits sociaux ? Ce sont ces droits collectifs « droits réels » ou « droits matériels » et que certains appellent aussi droits-créances. Ce sont des protections, des prestations, des services reçus sans contrepartie, reçus de l’extérieur, en particulier de l’État au nom de l’égalité des chances : droit à la santé (« gratuite »), droit au logement (« gratuit »), droit à l’éducation (« gratuite ») etc. Ces droits sociaux ne sont fondés ni dans la nature des choses humaines, ni sur des libertés. Ce sont des revendications, des « dus » transformés en droits par la loi. Les droits sociaux signifient que l’on reconnaît à l’Etat le droit de prendre aux uns pour le donner aux autres.

Cette idée d’égalité réelle, fondée sur les droits sociaux, constitue l’axe central du projet politique des socialistes contemporains. L’idée est que les droits économiques et sociaux seraient les vrais droits ...
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Excellentes remarques !
Le niveau monte. MERCI
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Le décret loi du 14 mars 1941 du régime de Vichy créé l'AVTS, premier étage du minimum vieillesse, et une pension de retraite par répartition pour les assurés du commerce et de l'industrie et les professions agricoles dans le cadre de la "Révolution nationale". Elle est mise en place par René Belin, ancien dirigeant de la CGT devenu ministre du Travail sous le régime de Vichy. « Pour amorcer son fonctionnement, l’État français, aidé par d'anciens dirigeants CGT, y affecte les fonds de retraite capitalisés depuis 1930 ».

Le régime de retraite par répartition tel que nous le connaissons depuis 1946 a été présenté dans le Programme du Conseil national de la Résistance adopté le 15 mars 1944[20]. Conçu et mis en place (dans le cadre de la Sécurité sociale) par Pierre Laroque[21] et Alexandre Parodi[22]. La loi du 22 mai 1946[23] institue les régimes de base de tous les assurés sociaux, quelle que soit leur profession, et encadre la création des régimes de retraite complémentaire obligatoires.
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Merci pour toutes ces précisions qui rappellent l'origine sulfureuse du système de retraite par répartition! Il est crucial d'avoir de la mémoire.
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Toujours la meme chose avec les français, vouloir réconcilier deux inconciliables et s'étonner ensuite des conséquences. Comme le disait Bossuet "Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes".

L'égalité réelle est incompatible avec la liberté, du simple fait que les individus sont différents. Si on souhaite l'égalité réelle, il convient de le faire sous la contrainte, et donc supprimer la liberté. Cet objectif n'est accessible qu'avec les conséquences que l'on connait, tentées par les régimes communistes du XX° siècle.

Sans compter l'immoralité du procédé, puisqu'il est fondé (comme le socialisme) sur l'envie, qui est, comme chacun le sait, interdite par le dixième commandement et un des 7 péchés capitaux.

L'astuce introduite dans la devise française et sensée reconcilier les deux (la fraternité) ne restera jamais que ce qu'elle est, une astuce de sémantique.

Il faut donc faire un choix : l'égalité réele avec un organisme chargé de la faire respecter (ceux qui sont "plus égaux que les autres") ou la liberté.

La seule égalité acceptable et l'égalité devant la loi, magnifiquement résumée par Rousseau dans son traité des inégalités : "une égalité de fait ne doit jamais devenir une inégalité de droit".

Et cette égalité de droit est le principal fondement de la liberté.
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La liberté étant par ailleurs un concept parfaitement défini... Comme par exemple lorsque ses effets -dont tu prétends chérir la cause- vont jusqu'à la mort par inanition de 900 000 personnes par an. Magnifique démonstration de probité "sémantique", Josey!

Tu réponds à un commentaire qui date de... 3 ANS !!!

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Ça change quoi? Je pourrais répondre à Descartes sur la pétition de principe de son enthymème originel, ou à Platon sur l'expulsion du poète -et donc du divin, hors de la cité, si ça me chantait... Et d'ailleurs tu réponds toi-même à ladite réponse (à un commentaire qui date de trois ans!)
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Houlà ! Toi aussi tu es susceptible ?!

Il n'y avait nulle attaque personnelle là-dedans,
juste une précision en passant, pour info
(Clint Eastwood ayant peut-être, en duel,
été flingué Lee Van Cleef entre-temps).

... Moi qui te croyais moins stressé que les autres...



Non, non, je ne vois pas d'attaque personnelle. Merci pour la précision. Mais ça sort comme ça : je ne suis que le spectateur de ma propre volonté... et de mon propre stress aussi peut-être!

Pour le stress, il y a le Saint-Estèphe 2005
avec quelques dés de Beaufort (le vrai, le bon)
sur le coup des 10 h, au coucher du soleil.

Une demi-heure plus tard,
même opération (en la parachevant) sous la voûte étoilée.

Un petit cigarillo là-dessus,
et le stress est atomisé : garanti !

A essayer sans modération.

Un point pour le Saint Estèphe, un autre pour le "vrai" (surtout que ça ne nourrit pas les multinationales...)
La sophrologie est également quelque chose d'étonnamment efficace contre le stress et ses effets délétères (encore plus quand c'est pratiqué de façon régulière!)
Dernier commentaire publié pour cet article
Excellentes remarques ! Le niveau monte. MERCI Lire la suite
Noumounke - 05/07/2014 à 21:08 GMT
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