Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
Kim Jun-Il est le grand leader devant l’éternel, le guide
absolu du peuple nord-coréen ou en tout cas ce qu’il en reste
après plusieurs décennies de famines, de massacres,
d’emprisonnements et d’une dictature pas forcément
sympathique. Un vrai méchant donc.
Comme tout ce qui est excessif nuit, rassurez-vous, loin de moi
l’idée de comparer le souverain français Normal 1er au
chef suprême coréen, sauf sur un point : l’art de
l’information ou plutôt de la désinformation tant depuis
quelques années – et ce mouvement avait démarré
largement avant l’élection de François Hollande –
l’art de toute communication gouvernementale devient d’endormir
le Français moyen, de l’anesthésier quotidiennement avec
une présentation totalement erronée de la situation en
particulier économique de notre pays.
Comme nous le savons, notre Kim Jun-Il national (béni soit son
nom, il faut que je préserve ma carrière) tente par tous les
moyens à sa disposition, et en utilisant ses dispositions naturelles
justement toutes particulières à la béatitude, de nous
remonter le moral qui flanche.
Il voit la reprise lui au moins. Il est le seul. Et alors ? C’est
justement ça un guide pauvre de vous ! Il est capable de voir beaucoup
plus loin que vous, raison pour laquelle Normal 1er (re-béni-oui-oui
soit son nom) voit ce que l’on ne peut même pas apercevoir.
C’est pour cela qu’il est le chef et pas vous ou moi !
Un acquis de
croissance
Alors que j’écoutais BFM radio cet après-midi,
puisque le gouvernement vient de présenter ses hypothèses de
budget, on m’a même expliqué que la France avait pour le
budget 2014 un « acquis de croissance ». J’ai
évidemment avalé ma tisane tilleul-menthe de travers et
manqué m’étouffer.
C’est sûr qu’avec la super méga
géniale trop forte reprise à laquelle nous avons à faire
face, sans oublier les difficultés de recrutement des entreprises
lié au plein emploi et à des salaires en augmentation continue
depuis 30 ans, nous devons affronter avec courage cette situation «
d’acquis de croissance »…
Laissons donc la parole au Kim Jun-Il français des statistiques
économiques :
François
Hollande : un budget conçu pour "ne pas obérer la croissance"
Bravo François ! Tu as raison ! Il fallait avoir le courage de
le dire ! Un budget avec moins de dépenses ou plus
d’impôts comme chacun sait ne peut que favoriser le
développement de l’ampleur de « l’acquis de
croissance », et de la reprise !
Selon l’AFP « le chef de l'État s'est
félicité de la légère amélioration de la
situation économique et des efforts inédits sur les
dépenses ».
Qu’est-ce qu’on est content tout de même ! Vous ne
voyez pas toutes ces excellentes choses qui vous arrivent ?
Alors la belle-Kacem porte-parole de son maître explicite la
pensée foudroyante de notre guide pour que nous comprenions bien,
nous, simples mortels, la pensée présidentielle :
« Le président de la République a commenté
cette communication (du Premier ministre) en se félicitant de ce que
la légère amélioration de la situation
économique, d'une part, et les efforts inédits en
économie sur les dépenses d'autre part (15 mds d'euros) ont
permis de limiter le recours aux prélèvements obligatoires.
»
Elle va plus loin en affichant un volontarisme énorme «
notre responsabilité, a-t-il dit, c'est de faire en sorte que
l'éclaircie se confirme ». Personnellement, je sens que
l’automne va déjà être pluvieux, et cela ne va pas
remonter le moral de mes 11 millions de compatriotes en Île-de-France,
d’où sans doute l’idée de délocaliser
l’Île-de-France dans le Sud… Au moins, on achèterait
des glaces plus longtemps, ce qui serait super positif pour « l’acquis
de croissance ».
François Hollande s'est aussi « félicité de
la réindexation du barème de
l'impôt et du mécanisme de décote annoncés par le
Premier ministre qui permettra aux ménages les plus fragiles de
retrouver du pouvoir d'achat ». C’est pour permettre aux pauvres
(qui votent forcément socialiste) de payer moins d’impôts,
qui n’augmenteront pas pour les « riches » (qui votent
forcément à drôate).
On augmente
d’un côté pour baisser de façon identique de
l’autre !
Mais le plus fort pour expliquer le nouveau budget, c’est la
phrase suivante :
« Enfin le président a salué le fait que nous
confirmions l'introduction d'une fiscalité écologique avec un
équilibre global entre ce qui doit augmenter et ce qui doit baisser,
et donc pas d'augmentation des impôts au global, a-t-elle dit. »
Ça c’est sûr que c’est tout de même sacrément
entreprenant. Il s’agit de décisions particulièrement
fortes tout de même.
Petit rappel pour conclure sur cette présentation de projet
budgétaire… le PIB français est d’environ de 2 000
milliards d’euros. La dépense publique est, elle, de 1 200 milliards
d’euros qui sont comptés dans le PIB ! Je pense que vous voyez
le problème. Pas notre Kim Jun-Il national mais vous et moi nous avons
compris.
Pendant que
l’autre fait l’autruche, les destructions d'emplois
s’aggravent, pas de retournement attendu !
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’INSEE qui
n’est d’ailleurs pas réputé pour être un
repaire de gens de droite.
« La situation s'est aggravée au 2e trimestre sur le
front de l'emploi avec la disparition de près de 35 000 postes dans le
secteur marchand et, les perspectives restant moroses jusqu'à fin
2013, l'inversion promise de la courbe du chômage ne devrait pas venir
des entreprises privées. »
Sans oublier que...
« Malgré un rebond surprise de la croissance au 2e
trimestre (+0,5 % selon l'estimation de l'Insee), les chiffres publiés
mercredi par l'Institut de la statistique révèlent une
détérioration de l'emploi salarié : 34 600 postes ont
été rayés de la carte au 2e trimestre, après 4
700 au trimestre précédent. »
Ou encore que…
« Au total, sur un an, 140 000 emplois ont été
rayés de la carte (-0,9 %). »
Tout en rajoutant que…
« L'institut prévoit encore 76 000 nouvelles destructions
d'emploi dans la 2e partie de l'année, soit une année 2013 plus
noire encore que 2012. »
Et cette dépêche assez longue a de quoi effectivement
casser le moral de la population française. Du coup, on va tenter par
tous les moyens de vous empêcher de voir les mauvais coups venir ! Les zimpôts vont augmenter parce qu’il n’y
a pas le choix, et que si on réduit la part des dépenses
publiques qui représente la majorité de notre PIB, cela revient
à aller piocher dans votre poche. Si je ne touche plus 65 euros pour
un gosse scolarisé, c'est 65 euros que je devrai prendre ailleurs. Si
un médicament n’est plus remboursé, c’est autant
d’aïe-Phone qui ne seront plus
achetés et c’est exactement cela que l’on appelle la
récession à la grecque, à l’espagnole ou à
l’italienne, mais il faut par tous les moyens que vous ne vous en
rendiez pas compte. Vos problèmes doivent être des
problèmes personnels, pas un problème collectif.
À demain… si vous le voulez-bien !!
Charles
SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien
Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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