Parmi toutes les croyances
économiques largement répandues et ô combien erronées se trouve la notion
absurde qu’une baisse des prix à la consommation est mauvaise pour l’économie,
et que tout doit être fait pour la combattre.
La récente décision
relative au franc suisse a fixé les projecteurs sur cette question. Dimanche
dernier, j’écrivais par exemple ceci dans Swiss Peg Removal: Did Anyone Win?
S’il est
un grand perdant dans tout cela, c’est bien l’industrie du tourisme. Les prix
des hôtels ont gagné jusqu’à 40% en Suisse en une seule nuit par rapport aux
prix de l’hôtellerie dans les autres pays.
Mais les
consommateurs suisses qui achètent des produits importés de France, d’Espagne
et du reste de l’Europe en bénéficient énormément.
Mais qu’est-ce
qui est le plus important ? Je suggère que ce soit le bénéfice apporté
aux consommateurs suisses, du moins dans le grand ordre des choses. Les
consommateurs ont plus d’argent à dépenser sur d’autres choses, comme les
sorties au restaurant, les hôtels et les vacances.
L’aubaine
du shopping
Un
article intitulé Soaring Franc Creates Bonanza in Swiss Stores a été
publié lundi par le Wall Street Journal, qui confirme exactement mes
prédictions :
La hausse
du franc suisse qui a soulevé tout un tollé sur les marchés financiers est
une véritable aubaine pour les magasins, où les consommateurs peuvent
soudainement obtenir des réductions sur toutes sortes de produits, depuis les
légumes jusqu’aux robes de soirée.
Lundi
dernier, la chaîne Coop, basée à Bâle, a annoncé avoir réduit le prix de plus
de 200 fruits et légumes importés depuis l’Union européenne. La chaîne, qui
est le deuxième plus gros détaillant du pays après Migros, a également
annoncé de potentielles baisses de prix pour le poisson, le poulet et le
fromage.
Coop n’est
pas le seul détaillant à se mettre à la promotion. Les magasins de meubles,
agences de voyages et boutiques de mode font aussi baisser leurs prix pour
attirer des clients.
« Pour
nous femmes au foyer, c’est une très bonne nouvelle pour nos achats de tous
les jours », a dit Anita Mueller, qui faisait son shopping lundi matin sur
Banhofstrasse, l’avenue principale de Zürich.
Même les
boutiques de luxe multiplient les promotions. La vitrine de Grieder &
Cie., un grand magasin de luxe du quartier commerçant de Zürich, était fardée
d’une pancarte indiquant aux consommateurs qu’ils pourraient désormais tirer davantage
de leur argent.
« En
raison de la hausse soudaine du franc suisse face à l’euro, et pour nous
donner le temps d’ajuster nos prix, nous offrons une réduction de 20% sur
tous nos produits qui ne sont pas déjà en réduction, et ce pour une durée
indéterminée », indiquait la pancarte.
Les
consommateurs suisses ont aussi pu tirer profit de la hausse de leur pouvoir
d’achat en se rendant en Allemagne. BVB, l’organisme responsable du transport
à Bâle, a multiplié le nombre de trams en partance pour la ville frontalière
de Weil am Rhein pour accommoder les chasseurs de bonnes affaires qui cherchent
à tirer le plus de bénéfices possibles de leurs francs suisses.
TUI
Suisse, l’un des plus gros organisateurs de voyages en Suisse, a réduit ses
prix de 15% sur les voyages tout compris à destination des plages de la Méditerranée.
Leurs voyages en Grèce, en Espagne, en Turquie, en Italie et au Portugal sont
tous inclus dans cette promotion, qui a été surnommée « remise euro ».
TUI Suisse, qui a des succursales dans de nombreux centres commerciaux du
pays, a également baissé le prix de ses voyages au Maroc et en Egypte pour
tout l’été.
Attendons
avant de pleurer les exportateurs
Dans Swiss
Peg Removal: Did Anyone Win?, j’ai également écrit ceci :
« La
sagesse populaire veut que les exportateurs suisses se retrouvent crucifiés
et que les consommateurs tirent parti de la situation. Il est clair qu’il y
aura un choc initial. Mais sur le long terme, nous devrions voir les choses
ainsi : le prix des marchandises qui sont utilisées dans la fabrication
de produits d’exportation (le métal des montres et autres appareils fabriqués
en Suisse) finira par baisser. »
Attendons
encore avant de pleurer les exportateurs.
Dollar vs franc suisse
Jeudi
dernier, la valeur du franc suisse gagnait 28% face au dollar. La moitié de cet
écart a désormais été récupéré.
Les
exportateurs suisses pourront importer des marchandises pour 14% de moins qu’en
début de semaine. Ils perdent sur leurs inventaires actuels, mais il n’y a
ici rien qui ressemble aux scénarios catastrophes populaires, à l’exception
du choc initial survenu sur le marché boursier.
Devinez
quoi ?
Les
consommateurs achètent ! Ils ont même besoin de trains supplémentaires
en partance pour l’Allemagne. Et les autres formes de transport sont aussi en
hausse. Qui aurait pu y croire ?
L’idée
générale est que lorsque les prix baissent, les consommateurs ne cessent plus
d’attendre. C’est une opinion dont je me moque déjà depuis des années.
Une
épreuve économique pour les Keynésiens
Revenons
un instant sur mon article intitulé Challenge to Keynesians "Prove Rising Prices Provide an
Overall Economic Benefit"
Je défie les Keynésiens et les Monétaristes de me prouver qu’une hausse des
prix est susceptible de nous offrir un bénéfice économique.
Il ne fait aucun doute que ceux qui ont
les premiers accès à la monnaie en tirent parti (les banques, les riches et
les différentes branches du gouvernement au travers de la taxation). Mais ces
bénéfices existent aux dépends de tous les autres.
La notion absurde derrière les arguments
en faveur de l’inflation est qu’une baisse des prix pousse les consommateurs
à repousser leurs achats dans le temps et, sur le long terme, contribue à l’effondrement
de l’économie.
Quelques questions qui nous ferons
redescendre sur Terre
- Si le
prix des produits alimentaires baissait, les gens cesseraient-ils de
manger ?
- Si le
prix de l’essence baissait, les gens cesseraient-ils de conduire ?
- Si le
prix des billets d’avion baissait, les gens cesseraient-ils de voyager ?
- Si la
poignée de votre poêle à frire se cassait ou que votre sèche-cheveux rendait
l’âme, attendriez-vous avant de les remplacer parce qu’ils pourraient
coûter encore moins cher dans un mois ?
- Si les
ordinateurs, les imprimantes, les télévisions et autres appareils
électroniques coûtaient moins cher l’année prochaine, et moins cher
encore dans deux ans, les gens attendraient-ils avant d’acheter ?
- Si
votre manteau était usé, attendriez-vous une année de plus pour en
acheter un nouveau si les prix étaient soldés mais que vous vous
attendiez à des soldes plus intéressantes encore dans un an ?
- Les
gens reporteraient-ils leurs procédures médicales pendant aussi
longtemps que les prix baisseraient ?
- Si la
théorie de la déflation était correcte, pourquoi les gens font-ils la
queue au magasin lorsque les prix baissent ?
Question
bonus
Si une
baisse des prix pousse les gens à cesser d’acheter, comment se fait-il qu’on
vende encore des ordinateurs et des télévisions, dont la qualité augmente et
le prix baisse d’année en année ?
Les partisans de Krugman applaudissent l’Abénomie
L’idée qu’une baisse des prix à la
consommation puisse entraîner une spirale descendante est absurde. Au Japon,
tout le monde serait mort depuis bien longtemps si cette théorie était vraie.
Plutôt que d’accepter l’aubaine représentée
par une baisse des prix (qui bénéficie clairement aux consommateurs), le
Japon s’est battu bec et ongles alors que l’applaudissaient les partisans de
Krugman.
Les conséquences du combat du Japon
contre l’inflation
- Le
Japon est passé du plus gros créditeur au plus gros débiteur mondial.
- Son
ratio dette/PIB est le plus élevé parmi les nations développées, et s’élève
à 250%.
- Le
Japon a dilapidé l’intégralité de son épargne.
- Et les
Keynésiens n’ont cessé de l’encourager ; ils sont allés jusqu’à
conclure que le Japon a échoué parce qu’il n’a pas suffisamment dépensé.
Le Keynésianisme
dans la théorie et dans la pratique
Selon la
théorie keynésienne, les consommateurs repoussent leurs achats dans le temps
en période de baisse des prix. Mais dans la pratique, c’est tout le
contraire.
Si les
consommateurs estiment que les prix sont trop élevés, ils attendent une
baisse de prix. C’est ce qui se passe tous les ans à la période de Noël et
tout au long de l’année pour les produits qui ne sont pas immédiatement
nécessaires.
La
grande expérience du système bancaire centralisé
Malgré
tout cela, et en ignorant l’échec total du Monétarisme et du Keynésianisme au
Japon depuis des décennies, le 15 janvier dernier, Barry Ritholtz, de chez
Bloomberg, a fait l’éloge de la grande expérience du système bancaire centralisé.
J’ai
défendu le camp adverse dans mon article Grand Experiment Failure; Bankers Prefer Bubbles; Europe is
not USA; Final Epitaph.
Faisant
l’éloge de la Fed (et pointant un doigt accusateur vers la BCE), Ritholtz a
proposé que soit gravée sur la pierre tombale de Bernanke l’épitaphe « Au
moins, nous aurons essayé ».
J’ai
répondu à son article par ceci :
Voilà où se trouve toute l’ironie : « Au
moins, nous aurons essayé (de générer une inflation) » n’est pas
seulement l’essence de la hausse des écarts de salaires dont se plaint Janet
Yellen (entre autres), mais aussi l’essence du problème de la dette qui pèse
sur le monde.
Epitaphe final
Ritholtz a proposé son épitaphe. Voici la
mienne. Elle s’adresse aux banquiers centraux en général, et est écrite du
point de vue des historiens du futur :
« Ces imbéciles pensaient que le
monde avait besoin de 2% d’inflation, pensaient qu’ils pourraient mettre fin
aux cycles de croissance et de récession, et pensaient qu’ils pouvaient
redresser l’économie globale comme ils redresseraient une voiture dans un
virage de montagne. Les conséquences ne auront été une série de bulles
économiques toujours plus grandes, dont le point culminant aura été la crise
des devises de (date) ».
Addendum:
Lacy Hunt, de chez Hoisington Management,
m’a envoyé cet intéressant commentaire : « la recherche académique
indique qu’aux Etats-Unis, les programmes de QE ont contracté plutôt qu’étendu
l’activité économique, comme ça a été le cas au Japon. Ainsi, Steen aurait pu
réaliser que quelque chose qui n’est bon ni pour le Japon ni pour les
Etats-Unis ne peut pas l’être pour la BCE ».
J’aimerais ajouter que je suis tout à
fait d’accord avec Lacy. Les bénéfices économiques des programmes de QE n’ont
été qu’une illusion monétaire couplée à des coûts « temporairement »
dissimulés.
- Bulles
sur les actions et les obligations toxiques.
- Expansion
des inégalités de richesse.
- Expansion de la dette qui finira par
ralentir la croissance future.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire,
les interventions constantes sur les marchés libres n’ont jamais apporté de
bénéfice économique de long terme.
Déflation
des actifs et déflation des prix à la consommation
Les
banquiers centraux à la rescousse – ou non.
Les
craintes de voir baisser les prix à la consommation sont infondées.
Ironiquement,
en combattant la déflation des prix, les banques centrales génèrent une
inflation des actifs, alimentent la volatilité (le franc suisse en est le
parfait exemple), génèrent des bulles spéculatives toujours plus importantes
(dont l’immobilier est l’exemple le plus frappant), et l’inégalité des
salaires.
Lorsqu’exploseront
ces bulles, les banques se retrouveront en difficulté pour avoir émis des
prêts garantis par des actifs spéculatifs (comme par exemple la bulle sur l’immobilier
ou encore les prêts accordés à des puits pétroliers qui nécessitent un
pétrole à 90 dollars le baril pour être profitables).
Les
banquiers centraux tenteront inévitablement d’adoucir le choc, ce qui
encouragera davantage la spéculation. La même chose se produira encore et
encore, donnant vie à des bulles toujours plus importantes.
Tribut
musical
Malgré
la folie du système bancaire, un tribut musical est de rigueur.
Lien vers la vidéo : Bonanza
Autre
épitaphe pour les banquiers centraux
Peut-être
mon épitaphe proposée plus haut est-elle trop longue. C’est pourquoi je
propose cette autre gravure funéraire : « On a tout foutu en l’air ».