On
a rarement vu autant d’application à ne rien dire, à
entendre les déclarations d’Angela Merkel
et de François Hollande à Berlin hier soir. Tout comme si leurs
désaccords persistaient et que leurs marges de négociations
n’étaient pas larges. La porte de la zone euro continue de se
refermer devant la Grèce.
Tandis
que les avis les plus divers sont émis au sein du cabinet allemand ou
du Bundestag à propos de ce qui peut être ou non
concédé au gouvernement grec – rien, sinon peu de choses
à propos du taux ou de la durée de l’aide
financière déjà accordée – on a appris dans
le Financial Times Deutschland qu’un groupe
de haut fonctionnaires allemands se réunissait
régulièrement depuis quelques temps afin d’étudier
les mesures propres à contenir et minorer les effets d’une
sortie grecque de la zone euro. Dans le cas le plus favorable pour le
gouvernement grec, l’opposition du SPD lui accorde un délai de
grâce d’un an sur les deux demandés. C’est reculer
pour mieux sauter !
En
dépit de l’offensive de charme déployée tous
azimuts par Antonis Samaras, qui réclame
« de l’air pour reprendre notre souffle » le sort
immédiat réservé à la Grèce reste sur le
fil du rasoir. En attendant que la Troïka rende son rapport
– un geste qu’elle retarde tant qu’aucune décision
n’a été prise en Allemagne – le gouvernement grec
vit d’expédients et se finance à la petite semaine
à court terme en émettant des bons du trésor, dont il
n’est pas difficile de deviner qu’ils sont achetés par les
banques grecques, elle-mêmes financées
part la Banque de Grèce avec la
bénédiction de la BCE… A ce petit jeu,
l’échéance à laquelle le gouvernement serait
à fond de cale est, d’après le ministre des finances
grec, repoussée à la mi-octobre. Pour la suite, les paris sont
ouverts : si un sursis est encore accordé aux Grecs, de quel durée sera-t-il cette fois-ci ?
Côté
Espagnol, les négociations à propos de son plan de sauvetage
à venir se poursuivent sans davantage de conclusion : elles portent en
priorité sur les conditionnalités qui y seront
attachées et trainent en longueur. Un autre drôle de jeu se
poursuit, le gouvernement espagnol faisant dépendre sa décision
des éclaircissements que la BCE devait apporter lors de sa prochaine
réunion du 6 septembre, alors que c’est formellement au FESF,
c’est à dire aux gouvernements, de définir ce cadre.
Après Standard & Poor’s,
c’est au tour de Fitch d’annoncer
qu’une demande d’aide espagnole ne déclenchera pas une
dégradation de sa note, nouvelle contribution, après celle des
analystes de Goldman Sachs, à l’apaisement des esprit à Madrid.
Trois
événements-clé vont ensuite intervenir en septembre : la
décision de la Cour Constitutionnelle allemande à propos du
MES, les élections néerlandaises qui peuvent aboutir à
une victoire socialiste, ainsi que la réunion de rentrée de
l’Ecofin, le groupe des ministres des
finances de la zone euro.
La
nouveauté intervient sans attendre sur d’autres marges de
l’Europe : au Portugal et en Irlande. Les revenus fiscaux du
gouvernement portugais continuent de s’éroder, et le coût
du service de la dette d’augmenter, rendant encore plus incertaine la
réalisation de son objectif de réduction du déficit.
C’est ce que la Troïka, qui se prépare à
venir effectuer fin août sa quatrième inspection, va devoir
constater. Le Portugal est sur la pente descendue par tous les pays astreints
à une forte cure d’austérité, dont les recettes
fiscales chutent et contrarient les effets des coupes budgétaires.
De
son côté, le gouvernement irlandais vient d’engager une
tournée européenne afin de renégocier son plan de
sauvetage, pris à contre-pied par les rebondissements de la crise
et ses conséquences sur le marché obligataire. L’objectif
poursuivi vise à obtenir à titre rétroactif des
conditions similaires à celles que le gouvernement espagnol devrait
obtenir pour ses banques, afin qu’elles soient renflouées sans
que l’aide transite par l’État et accroisse son
déficit d’autant. Sans surprise, le gouvernement allemand ne
l’entend pas de cette oreille.
Quant
à l’Italie, son sort reste suspendu à
l’intervention de la BCE et des consultations intenses se poursuivent.
À son tour, Mario Monti va successivement rencontrer Angela Merkel et François Hollande, le ballet se
poursuit. Peu d’informations filtrent sur le dispositif que se
préparerait à annoncer la BCE. Les mérites et
inconvénients réciproques de plusieurs variantes du plan encore
à l’étude sont soupesés : quel mécanisme
serait mis en œuvre pour plafonner les taux obligataires de courte
maturité ? Il est aussi question – rappelant la pantalonnade de
la liste internationale des mégabanques
systémiques que l’on voulait tenir secrète – de
garder confidentiel ce mécanisme pour se prémunir de ses effets
pervers… Une vue de l’esprit qui en dit long sur les
contradictions auxquelles sont soumis les experts courbés sous le
poids de leurs dossiers.
Ce
qui semble toutefois acquis est emblématique : la BCE abandonnerait
tout droit prioritaire de remboursement des créances résultant
de ses achats obligataires par rapport aux investisseurs privés,
désormais soumise aux même risque de
non-remboursement que ceux-ci. Les marchés, qui en veulent
toujours plus, faisant remarquer sans tarder que rien n’empêcherait
la BCE de revenir sur cet alignement au même rang… Toutes les
conditions semblent réunies pour qu’une nouvelle usine à
gaz soit construite.
La
zone euro entre dans sa seconde récession en trois ans. En son sein,
l’Allemagne a enregistré une progression de seulement 0,3% de
son PIB au deuxième trimestre 2012. La demande extérieure
à la zone est trop faible pour compenser la faiblesse de la demande
intérieure résultant de l’austérité
budgétaire. Ce n’est pas près de changer. Le Royaume-Uni
n’est pas mieux loti, subissant les effets conjugués de cette récession
en zone euro avec ceux des restrictions budgétaires du gouvernement
Cameron, qui sont réaffirmées.
La
faute à pas de chance ou à la fatalité, la
théorie des cycles économiques va encore frapper !
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