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La crise de la dette publique n’en est qu’à ses débuts

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Paul Jorion.
Publié le 17 février 2010
1801 mots - Temps de lecture : 4 - 7 minutes
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Rubrique : Editoriaux





Ce texte est un « article presslib’ » (*)


La bulle financière de la dette publique a actuellement pris dans l’actualité le pas sur celle des actifs privés. D’autant plus aisément que les effets de cette dernière se font surtout ressentir en Asie (et d’une manière générale dans les pays émergents), alors que la spéculation a choisi l’Europe comme cible, et plus particulièrement la Grèce, l’un de ses maillons faibles. Non sans y avoir été incitée par des gouvernements décidés à en faire un exemple en Europe.

Trois causes distinctes à la crise européenne actuelle se sont conjuguées, qui sont durables.

1/ Une volonté de préparer l’opinion à une politique de rigueur, modulée suivant les pays, destinée à absorber les déficits créés par la crise financière et s’appuyant pour commencer sur une dramatisation du cas grec.

2/ Une spéculation qui a sauté sur l’occasion, dont on a cru déceler l’origine exclusive outre-Atlantique et qui a utilisé à ses fins le marché opaque des CDS pour lesquels aucune réglementation n’a toujours été mise en place (le sera-t-elle un jour ?).

3/ En toile de fond, la nécessité de diminuer la pression sur les marchés obligataires, que les établissements financiers vont être amenés à beaucoup solliciter, en obtenant des Etats qu’ils lèvent autant que possible le pied sur leurs propres émissions de titres de dette.

Ce dernier enjeu, qui est à la base de la montée en puissance de la problématique de la dette publique, à résorber de toute urgence, explique qu’elle est destinée à occuper la première place des préoccupations des gouvernements dans la période à venir. En Europe d’abord, mais aussi au Japon et aux Etats-Unis, de très loin les deux principaux débiteurs mondiaux sur le marché de la dette. Le premier se finançant essentiellement sur son marché intérieur, le second bénéficiant de la protection que lui offre le dollar monnaie de réserve et de refuge, il se comprend que ce soit l’Europe qui ait eu les honneurs de la première salve (en premier lieu la zone euro, en attendant que le Royaume-Uni entre à son tour inévitablement en scène).

Les Etats-Unis bénéficient non seulement du statut privilégié de leur devise, mais également – ainsi que les Britanniques, mais dans une moindre mesure, et les Japonais – d’une banque centrale ayant les coudées franches pour pratiquer une vigoureuse politique de création monétaire. Aux Etats-Unis la Fed a acheté des T-bonds (pour 300 milliards de dollars), après avoir accueilli sans compter des titres de la dette hypothécaire, en contre partie de ses injections de liquidités. Aidée en cela par Fannie Mae et Freddie Mac, qui sont financés à fonds perdus par le gouvernement afin d’éviter l’effondrement du marché immobilier. Tout cela soulage d’autant les pressions qui s’exercent sur leur dette colossale, car les déficits de Fannie et Freddie ne sont pas pris en compte dans le déficit américain.

Cette situation pourrait même être relativement confortable, comparée à celle des Européens, si des signaux d’alarme ne commençaient pas à retentir. En premier lieu, les achats chinois de T-bonds ont chuté fortement ces derniers mois, en second la Fed commence à éprouver quelques difficultés à faire du surplace, amusant la galerie en dévoilant des plans de retrait de ses liquidités, tout en précisant qu’ils ne seront mis en application qu’à une date indéfinie. Les taux, en attendant, se tendent inexorablement, surenchérissant le coût de la dette américaine, à la faveur de nouvelles émissions d’autant plus fréquentes que leur maturité est courte (un mécanisme qui naturellement est aussi à l’oeuvre en Europe).

Le statut du dollar est la clé de voûte qui maintient un édifice qui sans cela se serait déjà écroulé. Cette situation peut durer, le danger étant sur ce plan contenu pour les temps immédiats à venir, en attendant que murisse la réforme du système monétaire international que tout le monde sait inévitable, mais que personne ne cherche à hâter. Une autre menace est plus redoutable, qui résulte de la faiblesse de la consommation intérieure, moteur de la croissance américaine (et mondiale). Elle est issue des difficultés enregistrées par les classes moyennes et de la distribution plus restrictive du crédit. Elle est en germe porteuse – cela se manifeste déjà en profondeur – d’une détérioration accentuée de la situation sociale et d’une mise en cause du modèle américain. Ce qui est un redoutable phénomène dans ce pays, car il en est le ciment. Sans mesures de relance s’enchaînant, ce phénomène est pourtant inéluctable et politiquement source d’instabilité et d’incertitude. Quant aux plans de réduction du déficit budgétaire américain, ils ont jusqu’à maintenant été observés avec indulgence, mais cela risque de ne pas durer ainsi très longtemps.

L’alerte à propos du déficit public se rencontre, prioritairement et pour l’instant, dans certains Etats ou métropoles plus particulièrement touchés. A l’image de ce qui se produit au niveau du réseau des banques régionales, qui continuent de faire faillite à un rythme accéléré, le pays est atteint dans son tissu économique et social. Sans interventions de l’Etat fédéral, impliquant de nouvelles augmentations de son déficit budgétaire, la situation risque de devenir difficile.

Les gouvernements européens sont actuellement en première ligne, et ils ne viennent pas de démontrer un savoir-faire époustouflant. Ils se sont révélés incapables d’annoncer des mesures d’aide financière tangibles, à l’occasion du sommet de Bruxelles, et il n’est pas certain qu’ils le feront en début de semaine prochaine, comme annoncé en premier lieu, si les marchés ne les y contraignent pas. Au prétexte annoncé par Nicolas Sarkozy – sera-t-il suffisant  ? – que ces mesures ne sont que tactiques subalternes et qu’il faut retenir l’affirmation stratégique du soutien politique européen à la Grèce ! En réalité, si les mécanismes d’une aide financière – aujourd’hui en faveur de la Grèce, demain d’un autre pays de la zone euro – sont dûment répertoriés, leur réalisation continue de faire problème. Ce que l’on s’efforce de dissimuler.

La création d’un « FMI européen », proposée par des voix encore isolées, ou bien l’émission d’euro-obligations, qui a les faveurs de certains Etats dont la Pologne, sont des chantiers qui ne semblent pas près d’être ouverts. Les gouvernements – en premier lieu les Allemands et les Français qui ont quelques munitions, d’autres devant les conserver pour faire face si nécessaire – en sont réduits à faire leurs emplettes au rayon bricolage : garanties et prêts bilatéraux divers, achats d’obligations souveraines via des banques « amies », etc. Leur choix se serait porté, d’après Jean-Claude Junker, sur des « prêts bilatéraux coordonnés ». Ce qui nécessitera des négociations de marchand de tapis au coup par coup, chaque fois qu’il sera nécessaire d’activer ce dispositif. Ces mesures ont par ailleurs des limites, qui seront vite atteintes si des rebondissements interviennent dans la crise européenne, ce qui est plus que probable. La fameuse boîte de Pandore a été ouverte, personne ne sait comment la refermer, ni comment combattre ce qui en jaillit.

En Europe, l’attention s’est focalisée sur la zone euro, et en son sein sur le gros morceau que représente l’Espagne, mais elle pourrait se diriger vers le Royaume-Uni, dont la situation financière est toute aussi délicate. Et qui ne dispose pas du parapluie de l’euro, même si l’on mesure actuellement la protection relative qu’il offre. Le cas du Royaume-Uni est un peu en standby, en raison de la proximité des élections et du changement d’équipe gouvernementale qui en est attendu. Mais ce n’est que partie remise, comme pour l’Espagne. Et cela va mettre en évidence que les gouvernements européens ne se sont pas donnés les moyens de faire face à la crise.

Au sein des instances communautaires, on voit émerger après quelques tentatives désordonnées et sans lendemain, de la présidence espagnole notamment, un habillage de circonstance. Sous forme d’une coordination politique renforcée, que l’on va essayer de faire vivre à coup de sommets rapprochés, présidés par Herman Van Rompuy. Mais cela ne fait pas une politique et ne dégage pas de réels moyens ! Le chacun pour soi est désormais installé, la possibilité que des solutions collectives puissent se dégager est réduite. La porte est ouverte pour que la spéculation financière se poursuive, avec une Grèce même mise sous stricte tutelle budgétaire, puis avec de nouvelles victimes.

Le gouvernement allemand poursuit son objectif, à échéance de 2011, fin du mandat de Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE, afin de placer son candidat : Alex Weber, le président de la Bundsebank. Mais cela ne fait pas non plus une politique, car on voit difficilement comment les Allemands pourront entraîner derrière eux les autres pays européens dans une politique de rigueur aussi soutenue que celle qu’ils veulent imposer aux Grecs, en particulier ceux qui sont les plus sinistrés. Sauf à entrer dans une logique d’aide financière communautaire à laquelle ils se refusent actuellement.

Les spéculations vont reprendre, à coup de CDS peut-être, sur le terrain politique certainement. On va parler d’approfondissement de l’Europe, notamment sur un terrain où elle s’est très peu aventurée : la convergence fiscale. Pourtant, la seule logique qui semble pouvoir s’imposer va être celle de l’improvisation, afin de faire face à la crise. Elle a déjà amené les Allemands à accepter l’idée d’un soutien financier à l’un des membres de l’eurozone, raison de plus pour qu’ils freinent tout autre projet plus ambitieux, dont aucun gouvernement ne saurait en réalité être porteur s’ils s’y opposent.

Les négociations salariales menées entre le gouvernement allemand et les syndicats de fonctionnaires, qui réclament une augmentation, viennent pour la troisième fois d’échouer. Le gouvernement tiendra-t-il bon ? Acceptera-t-il à Berlin ce qu’il a refusé à Athènes ?

Baudoin Prot, président de la Fédération bancaire française (FBF) et directeur général de BNP Paribas, vient de déclarer que l’exposition des banques françaises « n’est pas un sujet particulier. » Ajoutant: « Pour l’essentiel, les grandes banques françaises sont actives dans les pays de la zone euro de loin les plus solides ». Que pense-t-il du chiffrage de la Banque des règlements internationaux (BRI), selon lequel les engagements des banques françaises en Grèce se montaient en septembre 2009 à 75 milliards de dollars ?


Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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