Le droit à un enseignement de qualité doit prévaloir sur le statut des enseignants. Voilà le jugement historique qu’a rendu le juge Rolf M. Treu du tribunal de Los Angeles, Californie, ce 28 août 2014. Ce jugement conclut un procès au cours duquel des étudiants ont attaqué plusieurs dispositions du code de l’enseignement de Californie. Les articles visés concernent tous la nomination définitive des professeurs. Les syndicats d’enseignant ont évidemment fait appel de ce jugement. Les plaignants de l’affaire Vergara Vs California sont neuf étudiants venus de différentes écoles publiques à travers l’état de Californie. Ils ont obtenu le soutien de l’association Students Matter pour engager une procédure judiciaire à l’encontre du code californien de l’éducation. Selon eux, les dispositifs garantissant un emploi à vie aux enseignants s’opposent au droit affirmé par la Constitution de Californie à un enseignement de qualité. Les difficultés pour licencier un professeur participeraient au maintien d’enseignants médiocres dans les classes.
Dans leur ligne de mire, trois dispositions en particulier. D’abord, la nécessité pour les écoles publiques de confirmer la nomination définitive du professeur dans les 18 mois de son entrée en fonction. Cette disposition empêche de juger réellement de la qualité et de la motivation de l’enseignant avant de le nommer. Ensuite, la charge bureaucratique et les difficultés extraordinaires rencontrées pour licencier un professeur qui n’assume pas correctement ses fonctions. Dans une étude récente, 34 % des proviseurs reconnaissent ne même plus essayer de licencier un mauvais professeur tellement la procédure est longue et coûteuse. Enfin, une règle appelée « last-in, first-out » oblige les écoles à gérer leur personnel exclusivement sur base de l’ancienneté. On le voit, les enseignants californiens ne sont pas moins bien lotis que leurs collègues français.
Les trois dispositions ont été déclarées anticonstitutionnelles par le juge. Dans ses attendus, celui-ci stipule que « chacun s’accorde à reconnaître que des professeurs compétents constituent l’élément clé du succès de la scolarité d’un enfant. (…) Des preuves ont été apportées que des enseignants profondément inefficaces réduisent significativement les chances de réussite de l’enfant (…) Il n’y a pas non plus de discussion possible sur la présence d’un grand nombre de professeurs profondément inefficaces actuellement actifs dans les salles de cours de Californie. » Enfin, le jugement signale que les dispositions incriminées nuisent en particulier aux élèves pauvres ou issus de minorité et sont donc une source d’inégalité dans le système scolaire.
Évidemment, les syndicats d’enseignants se scandalisent d’une décision qui ne serait qu’une attaque contre leur profession. Les dispositions contestées seraient une garantie de pouvoir exercer correctement leur métier sans craindre l’arbitraire et de prendre leurs décisions sans risque de représailles. L’assurance d’une carrière à vie représenterait un engagement spécifique pour garantir le sens de la mission des professeurs. L’action de Students Matter ne serait qu’une attaque anti-syndicale camouflée sous l’apparence d’un combat pour les droits civils. Un appel de la condamnation a déjà été introduit. D’un point de vue français, nous ne pouvons manquer d’être frappé par la proximité de la situation avec celle du « mammouth ». Ici aussi, ce n’est pas demain que les syndicats accepteront de faire passer l’intérêt des élèves avant leur confort et leurs privilèges. Mais, hélas, nous ne pouvons pas compter sur les prétendus représentants des étudiants pour attaquer les dispositions absurdes de l’éducation nationale. Ils sont bien trop occupés à garantir leur carrière politique et à préserver leur futur statut de fonctionnaire.