Le psycho-mélodrame grec est parti pour durer un moment encore. Le
gouvernement actuel n’a aucune intention de quitter la zone euro. Mais plus
important encore, il n’a aucune revendication de remise totale ou partielle
de la dette et de ses coûts.
Quant au Grexit
avec lequel les médias ont tenu en haleine le public, il est à oublier.
D’ailleurs, de l’aveu du gouvernement actuel la Grèce aurait détruit son
matériel d’impression de la Drachme. Les choses sont de ce côté limpides.
Pourtant, nous sommes intéressés par la crise grecque non pas tant au plan
financier mais sur sa portée quant à l’avenir des peuples à s’autogérer. Le
développement qui suit renonce aux informations -potentiellement biaisées-
diffusées par la presse pour se concentrer sur le référendum du 5 juillet et
sur les deux textes publiés et censés représenter les points de vue grec et
européen. Le premier est le programme proposé par l’UE dans le cadre de
l’accord qui a avorté le week-end dernier. Le deuxième est celui que le
gouvernement actuel propose à l’UE et diffusé par le journal l’Humanité.
Le référendum
Le référendum du 5 juillet invite le peuple grec à se prononcer sur le
programme requis par la Troïka. La question est la suivante :
Si la question semble claire à première vue dans sa formulation, on peut
être interpellé sur la capacité d’un peuple non informé à y répondre ! La
question commence par : « Acceptez-vous le projet d’accord… ». Qui connaît le
projet d’accord ? Qui l’explique ?
En fait, pour répondre correctement à cette question, il faudrait être
totalement informé sur le contenu de ce programme publié en anglais sur le
site de l’UE (http://ec.europa.eu/news/2015/06/20150628_fr.htm
). La question immédiate est : les grecs sont-ils en possession de ces
documents ? Et si oui, les comprennent-ils ? Et si non à quoi sert ce
référendum et ce d’autant plus que selon la Troïka, il ne serait plus valable
suite à la rupture des négociations de ce week-end?
En résumé, il pourrait apparaître que ce référendum relève plus d’un acte
de foi –ou pas- en la personne des membres du gouvernement. De ce point de
vue, sa portée en est hélas d’ores et déjà biaisée.
Voici quelques axes du programme –au demeurant très précis- relevés sur le
site de l’UE :
• La réforme de la TVA
• La réforme de la législation fiscale
• la libéralisation de tout le marché, de tous les produits, de tous les
services et de tous les métiers.
• La privatisation de tous les secteurs et entités encore en mains de l’Etat.
• La transformation de l’administration publique en entités autonomes selon
le modèle cher à Bruxelles. (cf l’exemple suisse dans l’article:
« Comment démembrer et privatiser un Etat? »)
• La restructuration du système des retraites
La privatisation est l’enjeu principal !
La privatisation revient à introduire le monde de la finance dans tout ce
qui relève du patrimoine national mais aussi des services publics. Il est
important d’insister sur le fait que lorsque des entités publiques sont
privatisées, les revenus, impôts et taxes ne rentrent plus dans les caisses
publiques mais restent dans l’entité en question. L’Etat est alors privé
d’autant de revenus pour ses dépenses dont les coûts de la dette publique…
Le programme que la Troïka prévoit pour la Grèce est ambitieux puisque TOUT y
passe : Compagnie ferroviaire, aéroports régionaux, ports, centre de
formation pour l’aviation, opérateur de télécommunication,…
Ce programme prévoit aussi la privatisation de la distribution d’électricité,
la réforme du marché du gaz,… Voici le texte qui traite de privatisation
repris du document européen:
Pour réaliser ces privatisations au plus vite, il est demandé au
gouvernement de transférer actions et feu vert à HRADF. Recherche faite, ce
sigle correspond à Hellenic Republic Asset Development Fundest. C’est une
société anonyme, propriété de l’Etat grec mais dont le conseil
d’administration a une autorité absolue sur toutes les décisions qui
concernent la privatisation.
HRADF a pour mission de
transformer et de vendre les biens publics. Elle accueille des observateurs
de l’Eurozone et de la Commission européenne, de même que 3 des 7 board
directors sont nommés directement par la Troïka.
Ci-dessous la liste des biens transférés à la HRADF par décision
interministérielle :
Le gouvernement de gauche actuel approuve la privatisation
Le journal l’Humanité publie
le document qui reprend l’intégralité des propositions grecques à la
Commission Européenne. . Et voici ce qu’il y est dit en matière de
privatisations :
Eh bien on peut dire que rien que sur cette partie du programme le
pauvre K Marx doit se retourner dans sa tombe ! La gauche supposée dure
accompagnée d’une droite supposée nationaliste valide la privatisation des
biens publics basée sur une dette dont la grande partie repose sur un droit
régalien transmis aux banquiers privés qui les a enrichis de manière
illimitée !
En fait, l’offre grecque reprend l’ensemble des points européens mais en
échelonnant le wagon de pilules amères….
La Grèce est potentiellement très riche et la Troïka le sait
La Grèce est un pays très riche. C’est le premier producteur d’or
d’Europe. Mais ce pays est aussi un potentiel important producteur de
pétrole.
On imagine d’importants gisements en mer au large de la Grèce. D’ailleurs une
importante réserve a été découverte à l’Ouest du pays qui représente une
manne fiscale estimée à 150 milliards d’euros sur 30 ans. On aurait pu
imaginer faire-valoir ce genre d’arguments pour préserver un minimum des
acquis sociaux pour les plus démunis.
La Banque de Grèce
Il est très impressionnant de découvrir le bilan
de la Banque de Grèce et de se rendre compte que la banque centrale de ce
pays était bénéficiaire en 2014. Ci-dessous on découvre qu’elle prête même
pour 57 milliards d’euros à des établissements de crédit de la zone euro. On
peut supposer que tout comme des pays comme la France, l’Espagne ou l’Italie
sont d’importants créanciers de la Grèce, celle-ci dans un système
d’imbrication systémique est créancière de pays tiers…
S’ajoutent à ces actifs, des actifs hors-bilan de près de 164 milliards.
Pas mal tout de même. L’Etat grec a transféré à la banque de Grèce des avoirs
qu’elle gère et qui sont autant de garants de la dette grecque auprès de
l’Eurozone.
Pourquoi ne met-on pas les actifs de la banque centrale sur la balance ?
Estime-t-on qu’ils sont déjà hors de portée du gouvernement ? (ci-dessous la
liste de actifs et la participation de la Grèce dans le financement de
l’Eurozone).
Le drame de la Grèce non abordé
Le problème de la Grèce est triple.
- La Banque de Grèce est totalement impuissante
pour venir en aide à son pays. Elle gère le patrimoine des grecs
mais est soumise à l’autorité et la souveraineté de la BCE. Et voilà la
base du drame des Etats du 21 ème siècle. Des banques centrales qui ont
gardé le patrimoine de leur pays d’origine mais qui le gère en totale
osmose avec les autres banques centrales et commerciales hors du pays
d’origine. On prive volontairement un pays d’une assise fondamentale qui
l’empêche de fonctionner normalement.
Le cynisme est total quand ces banques centrales pratiquent le
sauvetage d’autres pays en difficulté.
- La problématique de la création de la dette
publique n’est pas abordée. Cette dette est absolument indue
–en tout cas en partie- dans la mesure où on a obligé un peuple à
pratiquer le sauvetage de banques qui n’ont pas hésité à spéculer de
manière scandaleuse. Pourquoi sauver des établissements privés alors que
l’on prétend être adepte du libéralisme ? Regardez l’impact du sauvetage
forcé des banques sur la dette publique qui se fait avec l’argent du
public alors que le peuple n’y est strictement pour rien.
Et voici la clé de répartition de la dette grecque dans le temps (WSJ)
3. Le coût de la dette est insupportable quand on force un pays à renoncer
à son autofinancement via sa banque centrale qui elle-même a le droit de
pratiquer la planche à billets de manière intensive (via la BCE) pour sauver
le marché financier privé et vérolé.
De plus, forcer à aller se faire financer sur le marché privé à des coûts
exorbitants sans pouvoir négocier est juste une manière de s’assurer de
couler un débiteur. On ajoute à tout cela que le marché financier est tout
sauf libre et le tour est joué.
Reproches possibles au gouvernement grec actuel
Le gouvernement grec actuel se veut défenseur du peuple grec et il n’y a
aucune raison de ne pas le croire. Voici toutefois quelques points qui
chagrinent :
1. Il n’a pas dénoncé cette dette injuste dans les faits. Il admet que le
pays la doit ainsi que ses charges.
2. Il n’a pas dénoncé la politique partiale privée de la Banque centrale
qu’il devrait nationaliser.
3. Il admet
la privatisation de biens publics que le résultat soit oui ou non le 5
juillet puisque les 2 textes en présence la prévoient.
4. Il n’a pas dénoncé la création
monétaire scripturale injuste et illégitime des banques commerciales qui
fausse le fonctionnement économique et financier du pays.
Ces 4 points qui manquent et qui ne sont pas abordés dans le plan
peuvent laisser craindre que l’emploi du référendum est un simple blanc-seing
que ce gouvernement pourra utiliser en cas de oui ou de non pour mettre en
place le démembrement des biens et services publics ainsi que la
privatisation de la Grèce. Cela ne semble pas correspondre aux promesses
électorales…
Ce gouvernement a probablement raté son rendez-vous avec l’Histoire…
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