Fermez le ban : l’Austérité, c’est LE mal. L’humanité devait déjà gérer
les plaies immondes que sont les OGM, la cuisine trop grasse, le nucléaire,
l’ultraturbolibéralisme et l’Inquisition Espagnole. Il faudra, c’est sûr,
ajouter l’Austérité à cette liste insupportable. C’est, en tout cas, l’unique
conclusion à laquelle on peut arriver si l’on lit nos journaux : à n’en plus
douter, l’horreur économique a un nom et c’est celui de l’austérité.
Et tout est arrivé d’un seul coup d’un seul, par surprise. Personne
n’était au courant, et, paf, au détour d’une erreur tragique de calcul, tout le monde a
été confronté à l’évidence : l’austérité entraîne des maladies graves et
problèmes économiques insoupçonnés !
Et les journalistes de se jeter sur la nouvelle : l’étude de Carmen
Reinhart et Kenneth Rogoff, qui montrait une corrélation négative entre
endettement public et taux de croissance d’un pays, contient une erreur. La
corrélation semble d’un coup plus difficile à établir. La conclusion est
évidente : on peut très bien rester actif même après une bonne bière dette, et l’austérité qu’on tente de
nous imposer depuis plusieurs mois, en Europe et aux Etats-Unis, est une
abomination.
Et le mot abomination n’est pas trop fort puisqu’outre les écrouelles et
des millions de chatons énucléés, l’austérité fait directement exploser le nombre de suicides
et de meurtres en Grèce, par exemple. Enfin plus exactement, disons que
la crise économique a entraîné du chômage, et que ce chômage a provoqué une
hausse des suicides. Et de là à dire que c’est l’austérité qui provoque les
suicides, c’est un peu rapide mais pas suffisamment tendancieux pour
effaroucher le journaliste de base qui s’empresse alors de conclure au lien
évident.
Bon, évidemment, lorsqu’on regarde les chiffres, on voit que l’austérité grecque
est tout sauf évidente. Et lorsqu’on s’acharne et qu’on conteste, on
re-regarde les chiffres et on aboutit à la conclusion sans appel que la Grèce n’a pas encore
commencé à faire les coupes massives nécessaires à un redressement de sa situation.
Oui, c’est difficile à croire. Oui, c’est, comme le dit l’auteur (grec) de
l’article lié, très contre-intuitif d’autant que tout le monde s’arrête sur
des cas particuliers en refusant de regarder les chiffres macro-économiques
qui dérangent. Et oui, cela va violemment à l’encontre de ce qu’on entend, ce
qu’on lit partout.
Et pour ce qui est de lire partout les méfaits de l’austérité, les
quotidiens s’en sont donnés à cœur joie. La découverte de l’erreur a été
l’occasion de pousser un gros soupir de soulagement pour tous les économistes
keynésiens et une très grosse majorité de journalistes (qui sont à l’économie
ce que la pâte à modeler est à la sculpture sur marbre), qui ont donc pu se
jeter sur leurs petits crayons pour pondre moult articles dont la teneur est,
finalement, toujours la même : l’austérité est une catastrophe, il faut
arrêter ça et revenir aux bons vieux principes keynésiens de l’ouverture en
grand des robinets généreux de l’argent des autres.
Je caricature à peine puisqu’on en est maintenant à la prise de parole de
doctes savants économiques pour nous expliquer qu’on est allé trop loin.
Louis Gallois, l’auteur d’un rapport mort-né dans une longue (et fort discrète)
agonie, se fend des habituelles remarques sur l’impact négatif de toute cette
méchante retenue budgétaire qui empêche, au final, à une solide croissance de
revenir. Mais heureusement,
« L’Europe est en train de prendre conscience que l’addition des
politiques d’austérité conduit dans le mur. »
Partant de là, le fier thuriféraire étatique nous balance sa
recette-minceur, en expliquant qu’il faut « desserrer les
calendriers de retour aux équilibres », avoir « une politique
plus accommodante de la Banque centrale européenne » et utiliser
les « capacités de croissance des pays en excédent, essentiellement
l’Allemagne ». Autrement dit, relancer la croissance de la dette,
relancer l’impression de billets, relancer le pillage des pays qui s’en
sortent mieux. Miam, la relance, y’a que ça de vrai !
Et quand ce n’est pas les sous-fifres républicains, ce sont tous les
autres économistes que les médias adorent, à commencer par les barbus
américains, à la Bernanke & Krugman, qui s’en mêlent : l’austérité, ça va
bien, mais il y en a eu trop, voyez-vous, c’est horrible la pression, mes
petits amis, c’est horrible, c’est horrible, c’est horrible. Alors il faut alléger un bon coup.
L’Austérité Light, voilà donc le nouveau mot à la mode chez nos dirigeants
: on va faire des budgets ciselés avec précision pour être bien propres sur
eux, mais pas austères, rigoureux mais généreux à la fois, qui font de la
relance, mais ciblée cette fois. Fini de rire, fini la grosse massue,
l’épandage massif, les sprinklers à pognon et les vannes à billets ouvertes
en grand ! Maintenant, on va faire dans la relance chirurgicale, en quelque
sorte.
Moyennant quoi, on pourra déclarer que les économistes libéraux ont eu
tout faux avec leur relance, et que les Keynésiens ont eu raison, c’est génial, c’est super,
et c’est un gloubiboulga difficile à digérer, mais baste, puisque l’austérité
va disparaître, faites péter les petits-fours !
Évidemment, les keynésiens, si souvent, si délicieusement socialistes,
oublient obstinément les résultats déjà obtenus, collectés et analysés depuis
des décennies sur toutes les relances qui furent faites, ici et ailleurs. En
outre, une relance (i.e. un creusement des dettes) pour abonder les
« investissements » pas productifs (i.e. les dépenses courantes de
l’État et la distribution de sucettes à l’électorat idoine), ça n’a jamais
fonctionné : on voit mal comment la redistribution peut produire de la valeur
ajoutée, alors qu’elle favorise franchement une baisse de la compétitivité.
L’appauvrissement français est alors double : par la ponction, toujours plus
forte, et par la redistribution de n’importe quoi n’importe comment.
Pendant ce temps, les dépenses ne baissent pas. Elles augmentent,
encore et encore (par exemple, le salaires des fonctionnaires de
l’État a encore augmenté). Cela se voit, partout. On nous parle
d’austérité, on voit mal de laquelle on veut nous parler. Les prélèvements,
logiquement, continuent d’exploser records sur records (pfiou, tout ce
turbolibéralisme, cela fait peur !). Et lorsqu’on sait que les hausses
d’impôts (cette austérité là) est le plus court chemin vers la récession, on ne s’étonne
absolument pas du résultat obtenu.
La réalité est que l’austérité, cette austérité qu’on nous vend
actuellement, plus personne ne peut y croire : parce qu’elle ne marche
pas, et qu’elle ne marche pas parce que ce n’est pas, justement, de
l’austérité !
Les Keynésiens et ces journalistes un peu incultes en économie croient
avoir gagné une bataille en barbouillant leurs articles de multiplicateurs,
d’équations complexes et de baratin sophistiqué pour justifier la hausse des
dépenses étatiques, assortie de hausses carabinées d’impôts. La guerre
économique qui se livre actuellement, elle, sera sans pitié, touchera tout le
monde et son issue, comme le retour à la réalité, sera inéluctable : les
socialistes perdront parce qu’à un moment ou un autre, ils arriveront à court
d’argent des autres.