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Henry Blodget,
analyste financier spécialisé dans les High Tech,
affirme dans the Atlantic que la formation
de bulles est consubstantielle aux marchés libres.
But
most bubbles are the product of more than just bad faith, or incompetence, or
rank stupidity; the interaction of human psychology with a market economy
practically ensures that they will form. In this sense, bubbles are perfectly
rational—or at least they’re a rational and unavoidable
by-product of capitalism (which, as Winston Churchill might have said, is the
worst economic system on the planet except for all the others). Technology
and circumstances change, but the human animal doesn’t.
La bulle des Dot Com, dont Blodget fut un des acteurs malheureux, semble lui
donner raison: lors de cet épisode, le grégarisme de nombreux
investisseurs parut tout à fait ahurissant, et même si en
cherchant bien, la politique monétaire de la FED, déjà
à l'époque, a pu apparaître un peu laxiste, l'on
peinerait à trouver une distorsion étatique qui expliquerait la
bulle des Dot Com.
Le
phénomène panurgéen amplificateur des bulles est bien
connu: si vous sortez d'une bulle trop tôt, vous apparaissez comme un loser tant que la
bulle n'a pas éclaté, avec, outre les risques encourus par
votre amour propre, celui de voir partir vos clients vers plus audacieux que
vous. Les investisseurs, surtout s'ils ne jouent pas avec leur argent,
tendent donc à retarder le moment où ils sortent de la bulle
pour tenter de gratter "le
dernier sou"(*). De fait, ils tendent à alimenter la
bulle...
En revanche,
Blodget a tort lorsqu'il incrimine la seule nature grégaire des
investisseurs dans le gonflement de la bulle immobilière totalement
déconnecté des revenus des ménages que nous venons de
vivre.
Ce n'est pas ici
la nature des marchés qui est en cause, mais un certain nombre
d'interventions de l'état américain qui ont
empêché les mécanismes auto-correcteurs qui existent dans
un marché libre de jouer leur rôle. J'ai déjà
abondamment décrit certains de ces mécanismes
contrariés, voire cassés par l'intervention étatique,
mais revenons rapidement sur l'un d'entre eux, puis découvrons en un
autre que j'ai compris plus récemment, qui a joué un rôle
essentiel, et dont je ne vous avais pas encore entretenu.
Premier
mécanisme auto-correcteur cassé : l'adaptation de l'offre
à la demande, soumise à la contrainte foncière
Le premier de ces
mécanismes cassés par l'état est évidemment
l'adaptation de l'offre immobilière à la demande. Lorsque celle
ci augmente, le prix du bien demandé, le logement, tend à
augmenter lui aussi, et incite de nouveaux entrants à investir ce marché,
ce qui rééquilibre les prix à la baisse. Toutefois,
lorsque les pouvoirs publics imposent des contraintes juridiques qui
empêchent l'offre de satisfaire la demande dans un délai
raisonnable, alors les prix montent beaucoup plus haut. J'ai abondamment décrit
ce mécanisme dans diverses notes, dont celle ci, je n'y reviens pas en
détail. Je rappelle simplement que les marchés de Houston,
Atlanta, Dallas, qui ont connu les mêmes conditions économiques
générales que le reste du pays, dont la demande a
été la plus soutenue de tout le pays, mais qui avaient la
chance de ne pas avoir de réglementation anti-constructibilité
restrictive, n'ont pas connu la même formation de bulle que la Californie
et la Floride au sol fortement réglementé (cf. courbes ci
dessous).
![](http://www.24hgold.com/24hpmdata/articles/2008/12/img/20090914CLA10561.jpg)
Comparaison
Californie-Floride (bulle)
vs. Texas-Atlanta
(pas de bulle)
Second
mécanisme correcteur cassé: la répercussion du risque
dans les taux demandés, cassé par la garantie d'état sur
Fannie Mae et Freddie Mac
Fannie Mae et
Freddie Mac, les deux géants "privés sous mandat
gouvernemental" (libre
traduction de la monstruosité juridique connue sous le nom de
"government sponsored enterprise"), étaient des
établissements financiers un peu particuliers, empruntant de l'argent
sur les marchés de capitaux pour refinancer des prêts
émis par des banques ou des courtiers en prêts au contact de la
clientèle.
La sagesse exige qu'une banque (ou un assureur) ait un portefeuille d'actifs
diversifié, ou, à défaut, des niveaux de fonds propres
élevés pour couvrir un risque de crise conjoncturel sur ses
actifs les plus exposés. Or, Fannie Mae et Freddie Mac avaient à
la fois un portefeuille d'actif très peu diversifié (des
prêts immobiliers et des obligations de type "CDO"
gagées sur des prêts immobiliers, principalement) et un
niveau de fonds propres très en dessous des normes
exigées pour d'autres établissements bancaires purement
privés, grâce à l'abus d'opérations hors bilan
à la transparence plus que sujette à caution, et parce que son
statut d'entreprise à statut privilégié lui donnait
droit à une formule de calcul de fonds propres obligatoires plus
"avantageuse", en terme d'effet de levier, que les banques
classiques (cf. ce
long article d'Arnold Kling, ex économiste pour Freddie
Mac, puis à la FED). Vous avez dit distorsion de
concurrence ?
Or, si Fannie et
Freddie avaient été de vraies banques, une telle structure de
bilan aurait nécessairement poussé le taux auquel ces deux
établissements auraient pu emprunter à la hausse (**), rendant
leur modèle de refinancement de prêts moins attractif, et
limitant donc leur capacité à "ramasser" toutes les
CDOs de prêts subprimes et Alt-A -- les plus risqués -- qui
passaient à portée de bourse. Le marché des prêts
à risque aurait été de facto bien moins important qu'il
ne l'a été.
Mais
voilà, Fannie et Freddie recevaient dès les années 2000
une subvention indirecte de près de 14 Mds USD,
bénéficiaient de lignes de crédit de dernier recours
ouvertes auprès du trésor, et étaient sous tutelle
explicite du ministère du logement. De fait, même si ce
n'était pas écrit tel quel, Fannie et Freddie étaient
perçues comme des institutions de facto garanties par l'état,
et donc ont pu emprunter jusqu'au début 2008 à un taux
préférentiel, sans aucun rapport avec le niveau de risque que
représentait leur bilan. Les créanciers de Fannie et Freddie
ont d'ailleurs eu raison: la nationalisation de ces deux institutions,
votée fin juillet, les a assuré que le contribuable
américain paierait les dettes ainsi contractées. C'est en substance
ce que l'analyste du Cato Institute Lawrence Wright conclut dans cette
analyse détaillée des mécanismes de la crise
:
Fourth and likely
most important, implicit taxpayer guarantees allowed the dramatic expansion
of the government-sponsored mortgage buyers Fannie Mae and Freddie Mac, at a
time when Congress and HUD were pushing Fannie and Freddie to promote
“affordable housing” through ever-expanding purchases of
non-prime loans to low-income applicants. The two mortage giants grew to hold
or guarantee around $5 trillion in mortgages, about half of the entire U.S.
market. Institutional
investors were willing to lend to the government-sponsored mortgage companies
cheaply, despite the risk of default that would normally attach to private
firms holding such highly leveraged and poorly diversified portfolios,
because they were sure that the Treasury would repay them should Fannie or
Freddie be unable. (It turns out that they were right.)
Congress pointedly refused to moderate the moral hazard problem of implicit
guarantees or otherwise to rein in the hyper-expansion of Fannie and Freddie.
Warnings about Fannie and Freddie, and efforts to rein them in, came to naught
because the two giants had cultivated powerful friends on Capitol Hill.
Au travers de ces
deux exemples, et de tous ceux que j'ai développés dans
d'autres articles, nous voyons que les marchés vraiment libres
recèlent en leur sein des mécanismes auto-correcteurs qui,
s'ils ne peuvent pas éviter totalement la formation de bulles, peuvent
les atténuer. Mais malheureusement, l'intervention de l'état
dans l'économie tend le plus souvent à endommager ces processus
auto-correcteurs, favorisant donc de facto une plus grande amplitude des
mouvements spéculatifs.
L'intervention de
l'état régulateur est souvent invoquée pour
"lisser" la volatilité et la prétendue
brutalité des marchés. Il apparait que le plus souvent, les
résultats obtenus, une fois de plus, sont à l'opposé des
effets qui étaient recherchés.
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Article de H.Blodget
trouvé via le toujours excellent Brian
Shelley.
Notes :
(*) "le dernier
sou" : c'est l'expression employée par le personnage joué
par Michel Piccoli, alias Grezillo, pour stigmatiser les courtiers qui ont
tardé à solder leurs positions spéculatives à la
hausse lors d'une bulle spéculative sur le sucre, dans le film "le sucre", de J. Rouffio, en 1978.
Bien que caricatural par certains côtés, le film est un
excellent condensé de tous les biais qui altèrent la
rationalité humaine lors de phénomènes
spéculatifs. Et une bonne introduction aux marchés à
terme.
(**) Le taux
d'intérêt auquel peut souscrire tout emprunteur comporte une
part servant à couvrir le risque tel que l'évalue le
prêteur, par rapport aux emprunteurs de référence, ceux
considérés comme les plus fiables. Par exemple, les taux
à 10 ans des obligations émises par l'état
Français sont plus élevés de 10% que ceux émis
par l'état Allemand (environ 3,4% au lieu de 3,1%), parce que les
investisseurs estiment que la signature française est un poil moins
fiable que celle de nos voisins. Les 0,3% d'écart représentent
la couverture du risque supplémentaire de la signature de la France
telle que les prêteurs l'évaluent.
-----------
Et surtout :
Joyeux Noël à vous !
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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