Ludwig von Mises et Friedrich
Hayek, les économistes autrichiens les plus renommés de leur époque, ont su
anticiper le krach boursier de 1929 et prédire les lourdes conséquences des
tentatives des gouvernements de stimuler artificiellement la croissance
économique après l’effondrement. John Maynard Keynes, en revanche, a été
complètement pris de court par l’effondrement du marché boursier et le
désastre économique du début des années 1930. Et pourtant, ce sont les
théories de Keynes qui sont devenues populaires dans les années 1930, alors
que le travail de Mises et Hayek a été largement ignoré. Pourquoi ?
Keynes est devenu populaire
parce qu’il a dit aux puissants ce qu’ils souhaitaient entendre. Il leur a
apporté un soutien intellectuel qui leur a permis de développer des programmes
qu’ils avaient non seulement déjà en tête, mais qu’ils avaient aussi commencé
à faire appliquer. Bien que ses théories soient truffées d’erreurs, Keynes a
également séduit de nombreux économistes, parce que l’adoption de ses
théories était susceptible de leur conférer une influence bien plus
importante sur la confrérie économique.
Les points soulignés dans le
paragraphe ci-dessus, ainsi que le charisme de Keynes, expliquent pourquoi
les théories keynésiennes sont devenues les théories dominantes. Mais ils n’expliquent
pas comment elles ont pu le demeurer malgré la montagne de preuves qui
indiquent qu’elles ne peuvent que mener à un déclin économique de long terme.
D’après ce que j’ai pu voir, les
théories keynésiennes sont devenues populaires pour trois raisons
principales. Tout d’abord, elles s’accordent avec les objectifs de tous les
hommes politiques actuels, et il existe aujourd’hui un appareil gouvernemental
qui dépend de l’application continuelle de ces théories. En d’autres termes,
une majorité des gens ont donc tout intérêt à perpétrer le mythe selon lequel
le gouvernement devrait gérer l’économie. Deuxièmement, il est généralement
impossible de réfuter une théorie économique grâce à des données, parce que
ces mêmes données peuvent généralement être interprétées de différentes
manières et utilisées pour justifier de théories opposées. La vérité, c’est
que la science économique implique de commencer avec la bonne théorie pour
pouvoir interpréter les données correctement. Troisièmement, le Keynésianisme
est plus un ensemble d’anecdotes qu’une théorie cohérente, dans le sens où il
explique l’évolution des choses par des évènements imprévisibles et l’évolution
de l’« esprit animal ». Il est impossible d’invalider une position intellectuelle
qui est constamment changeante.
Un bon exemple de la manière
dont les mêmes données peuvent être interprétées de différentes façons pour défendre
des théories conflictuelles peut nous être apporté par l’effondrement de l’économie
des Etats-Unis qui a eu lieu entre 1937-39. Selon les Autrichiens, le fait
que le gouvernement fédéral ait soutenu les prix, accru ses dépenses, gonflé
la masse monétaire et interféré avec les industries – et donc fait de son
mieux pour interférer avec le processus correcteur survenu après le krach
boursier de 1929 – a garanti une reprise économique de court terme qui n’aurait
pu que disparaître aussitôt que ces supports artificiels se trouveraient
réduits. L’erreur commise, selon les Autrichiens, a été l’apport de ce
soutien artificiel. Selon les Keynésiens en revanche, l’erreur a été de
retirer ce soutien prématurément. Ils sont d’avis que le gouvernement et la
Fed auraient dû continuer de faire le nécessaire pour repousser l’effondrement,
l’idée étant qu’avec une assistance gouvernementale suffisante sous forme de
nouvelle monnaie, de nouvelles règlementations, de contrôles de prix et de
création d’emplois sur le secteur public, l’économie peut croitre jusqu’à de
nouveau devenir autonome.
Malheureusement, le stimulus
monétaire keynésien sous la forme de dépenses gouvernementales, de crédit et
d’inflation monétaire en période de récession économique ne peut pas mener à
une reprise autonome. Et face à cette réalité, les Keynésiens ont deux
réponses possibles : ils peuvent décréter que le stimulus aurait
fonctionné s’il avait été plus agressif, ou bien que l’économie s’en serait
encore plus mal tiré en son absence.
Qui pourrait contester ça ?
C’est une déclaration qui ne peut jamais être invalidée, parce qu’il n’est
jamais possible de revenir en arrière pour montrer ce qui se serait passé
dans le cadre de politiques différentes.