La loi des urnes est dure,
mais c’est la loi: le Front National emportera au minimum 3 et peut être 6
régions de France métropolitaine à l’issue des régionales, en fonction des
jeux de listes qui se joueront entre les deux tours. Le FN est aujourd’hui le
premier parti de France, devant le PS qui paie 3 ans d’incurie
gouvernementale, et les républicains, ex-UMP, qui n’excitent guère les
foules, plombés par leur bilan en demi ou plutôt en tiers-teinte entre 2002
et 2012, et par la personnalité toujours aussi antipathique de leur
président.
La banalisation de l’autoritarisme par le gouvernement
Premier constat que je n’ai vu dans la bouche d’aucun commentateur politique
ce soir: la réaction du gouvernement aux attentats du 7 janvier puis du 13
novembre rend particulièrement inopérante la rhétorique anti-fasciste
habituellement déployée contre le FN par les partis établis. Difficile de
prétendre que “les Fachos, c’est le FN”, lorsque l’on a fait voter une loi
renseignement qui élimine la notion de vie privée, que l’on songe à prolonger
l’état d’urgence dans des termes qui rendent la notion d’état de droit pour
le moins évanescente, et que les bavures de cet état d’urgence se
multiplient. Après tout, on ne retrouve des armes que dans une perquisition
sur 7, et la presse régionale fourmille d’articles où l’on s’interroge sur le
bien fondé des opérations de police opérées, eu égard à leur finalité
officielle, la lutte contre le terrorisme.
Bref, la France va mal, et tous les partis, de par leur attitude post
attentats, ont décomplexé l’autoritarisme. Pas étonnant que la somme des
partis ouvertement autoritaires (ext Gauche+ext Droite) atteigne aujourd’hui
35%, voire 40% si on intègre les supporters de Debout La France. Et sur le
marché de l’état providence autoritaire, il ne peut y avoir qu’un seul
leader. On avait cru au début des années 2000, alors que le vieux Le Pen père
multipliait les provocations qui rebutaient beaucoup d’électeurs, qu’Olivier
Besancenot et l’extrême gauche allaient reprendre le leadership de ce
créneau politique, que le FN avait chipé au PCF à la fin des années 80. Mais
l’arrivée à la tête du FN de Marine Le Pen a changé la donne.
A défaut d’être économiquement crédible auprès des milieux économiques,
Marine Le Pen est assez intelligente pour avoir compris que l’électorat
“autoritarien” voulait de l’état contrôleur, de l’état providence, de l’état
nounou, de l’état ennemi de la finance, et qu’en mixant ce désir d’état avec
une bonne pincée de protection contre les étrangers “du sud” (ce point lui
permettant de se différencier nettement des socialistes historiques), elle
réussirait là où son père, après une période faste, semblait perdre pied.
L’extrême droite, une extrême gauche presque comme les autres
Marine Le Pen a donc transformé le FN en parti
ultra dirigiste renforçant l’état providence, mais seulement pour les
“bons français”. Par absence totale de culture économique, la classe
politique a été incapable d’établir le parallèle entre ce programme
(planification, nationalisations, prix contrôlés, banque centrale sous
tutelle, protectionnisme, expansion de l’état providence pour les “bons
français”) et celui d’un Juan Peron, d’un Hugo Chavez, ou, osons le point
Godwin, d’un Hjalmar Schacht.
Et c’est là que l’histoire prend sa revanche: au lendemain de la guerre, il a
été assez facile pour la gauche dominant la médiasphère française, de
marteler qu’Hitler était “d’extrême droite”, que toute assimilation d’Hitler
ou du fascisme à une forme dure de socialisme était un mensonge, alors
qu’Hitler et ses complices ont toujours clamé être les seuls vrais détenteurs
de la vérité socialiste. Bref, le jeu politique de l’époque a placé les
fascistes, politiquement embryonnaires au lendemain de 1945, à la droite de
la droite, et non, comme une analyse sereine de ses propositions politiques
aurait dû les y conduire, à peine à droite des communistes. Essayez donc
d’arguer dans un forum qu’Hitler était socialiste: Malgré les évidences
historiques incontestables, il se trouvera toujours une cohorte de
sociaux-démocrates (encore que…) pour demander votre tête pour blasphème.
70 ans ont passé. L’extrême gauche est plombée par l’échec patent de toutes
les politiques socialistes “plus ou moins extrêmes” conduites dans le monde
depuis lors. On pense à l’URSS, bien sûr, mais aussi à tous les régimes
social-autoritaires d’Amérique Latine, d’Ortega à Chavez en passant par Peron
et Castro… Cette image là plombe l’extrême gauche. Marine Le Pen a beau avoir
considérablement “gauchi” le programme économique et social du FN, elle s’est
bien gardée d’en modifier le positionnement officiel à l’extrême droite, pour
ne pas se faire assimiler aux échecs du socialisme dur et du communisme.
Mais son programme n’est ni plus ni moins qu’une énième version d’un
“état providence à tendances autoritaires et financé par la dette” vu et revu
mille fois. Mais voilà, défense d’assimiler extrême droite et socialisme !
Voilà qui rend difficile de développer un argument anti-FN fort.
Comment reconquérir les électeurs que nous avons offerts sur un
plateau au FN ?
En effet, quel angle d’attaque la classe politique actuelle peut elle
utiliser pour abattre le FN ? Critiquer sa vision de l’état providence ?
C’est la même que celle de l’aile gauche du PS, qui est au coeur des institutions
sociales françaises, et que la droite dite républicaine n’a jamais osé
remettre en question. Critiquer ses pulsions autoritaires ? Comme je le
disais plus haut, ceux qui multiplient les lois liberticides sont très mal
placés pour se poser en poseurs de leçon dans ce domaine. L’attaquer sur sa
propension à vouloir discriminer l’étranger ? Je vais être un peu brutal,
mais face au sentiment d’abandon des français contre les exactions des
minorités mafieuses, islamistes et terroristes “ethniques”, les gens
raisonnables auront beau dire qu’il ne faut pas assimiler tous les étrangers
d’Afrique et du Moyen Orient à leur pègre, cette forme de diabolisation du FN
n’atteindra plus sa cible: Faute d’état régalien digne de ce nom, un grand
nombre de français adoptent d’eux même une attitude de méfiance, et donc de
rejet vis à vis de l’ensemble des communautés dont sont issues les “bandes”
qui terrorisent les cités et au delà.
Les seuls moyens (normaux. Je ne parle pas des coups tordus que le pouvoir
pourrait tenter d’employer contre la menace FN) de fermer le boulevard
qui s’ouvre hélas à Marine Le Pen en 2017 sont :
$1● D’une part, de restaurer
un état de droit impitoyable avec tous les malfaisants, y compris
étrangers, dans le respect des droits des justiciables et non dans un état
d’urgence liberticide, mais sans faire peser sur les forces de l’ordre et du
droit aucune crainte d’accusations de préjugés racistes, en rejetant par
avance les postures victimaires que les malfaisants étrangers ne manqueront
pas d’utiliser à leur avantage. Se montrer impitoyable avec les malfaisants
est le seul moyen de réduire l’assimilation de tous les arabo-africains honnêtes
avec leurs pègres, et de pouvoir entamer à nouveau un processus d’acceptation
réciproque vis à vis de ceux qui sont venus pour contribuer positivement à
notre société.
$1● D’autre part, admettre que le “tout état
providence” a lamentablement échoué, et lancer le pays sur la voie de
réformes économiques véritablement libérales, susceptibles de redonner un
espoir économique aux exclus et aux précarisés de l’économie privée
aujourd’hui étouffée en France.
Même si vous êtes le plus convaincu des libéraux, vous conviendrez que vendre
un tel message à l’électorat français demandera du temps, puisque ceux qui
osent le faire sont si rares. Seul problème: les voix libérales en France
sont aujourd’hui inaudibles. Mon très cher PLD, malgré tous ses efforts,
ne parvient pas à rassembler plus d’un à deux électeurs sur cent sur les
quelques scrutins auquel il arrive à se présenter. Nous Citoyens, malgré la
couverture médiatique que Denis Payre a pu obtenir au lancement de ce
mouvement, ne décolle pas non plus. Au sein des républicains, le score
tristement affligeant de Dominique Reynié (Midi Pyrénées), seul candidat
libéral assumé de ce parti, et non issu de la nomenklatura habituelle, rend
aléatoire la pourtant très prudente démarche de libéralisation de ce parti
tentée par MM. Fillon, LeMaire et Mariton. A ce stade, il est trop tôt pour
dire si Hervé Morin, autre candidat timidement libéral de la Droite et du
Centre, se sortira du piège d’un second tour difficile en Normandie, mais sa
réserve de voix semble inférieur à celle du candidat de gauche. Et de toute
façon, LR est tellement discrédité par son aile étatiste, qui pèse
incomparablement plus que le maigrichon courant libéral-mou en son sein, et
par les scandales financiers qui plombent ce parti depuis 30 ans, dont
Bygmalion n’est que le dernier avatar, qu’il est difficile de voir en ce
parti sans vraie colonne vertébrale idéologique la solution d’avenir aux
problèmes de la France.
Bref, pour les libéraux français, le constat d’échec dure et perdure avec la
même sévère acuité, année après année. L’étatisme sous toutes ses formes,
qu’il soit semi-autoritaire honteux ou autoritaire décomplexé, socialiste de
gauche, socialiste de droite ou communiste, représente plus de 9 électeurs
sur 10, même lorsqu’une offre dûment assumée “libérale” parvient à se
présenter à leur suffrage.
Ce pays est-il foutu ?
Il est assez convenu et banal de crier à la gravité de la situation à chaque
poussée électorale du front national. Mais aujourd’hui, il est difficile de
se dire que l’électorat aura un “sursaut républicain” (qu’est-ce que cela
veut dire, d’ailleurs…) à la prochaine élection nationale et que tout
rentrera dans “l’ordre” aux présidentielles, si tant est qu’on puisse
qualifier d’ordre la situation actuelle de la France. Les choix récents du
gouvernement de gauche ont légitimé certaines formes d’action politique qui,
autrefois, servaient à diaboliser le Front National. Et le refus de remettre
en cause les pans malades de notre état-providence empêche d’attaquer…
frontalement (!) l’extrême droite sur ce terrain. L’on ne peut qu’être très
pessimiste pour l’évolution de notre pays, que le FN peut sérieusement
espérer diriger en 2017.
Je ne vois qu’un mouvement très fort, mené intelligemment et rapidement,
d’entrepreneurs et de leaders d’opinion de la société civile, capable de
renverser la nomenklatura existante et de rebâtir de nouvelles institutions,
pour avoir une petite chance de nous sauver de cette perspective très peu
réjouissante. Une chance sur mille. Est-il déjà trop tard ?