Mes chères contrariennes, mes chers contrariens
!
Je dois vous le dire, vous devez
connaître la bonne nouvelle, l’esprit de Pâques souffle sur
la Grèce et les très saints marchés, bénis soient
leurs noms. Les dieux investisseurs vont donc se ruer tous en cœur sur
le meilleur placement de tous les siècles des siècles et
acheter massivement de la dette grecque qui n’est rien d’autre
qu’un pays totalement en faillite.
La Grèce
revient sur le marché obligataire
C’est une
dépêche Reuters qui nous confirme aujourd’hui les rumeurs
savamment distillées ces dernières semaines concernant le
retour très prochain de la Grèce sur le marché
obligataire avec une émission de papier à cinq ans visant
à lever 2,5 milliards d’euros, comme l’a annoncé
mercredi le ministère des Finances.
C’est extraordinaire mes
chers amis. Lorsque vous faites des efforts considérables en divisant
par deux ou trois votre niveau de vie moyen, que vous souffrez le martyre
pendant 7 ans, eh bien figurez-vous qu’au bout du compte, vous
accédez collectivement au nirvana suprême à savoir la
possibilité de vous endetter à nouveau sur les marchés !
Si ce n’est pas une réussite européenne, je ne sais plus
quoi vous dire ! Quel succès, quel bonheur.
Mais tout cela va encore plus loin
que ce que vous pouvez imaginer. En effet, « des sources de
Reuters avaient annoncé dans la matinée qu’Athènes
ferait son retour sur les marchés, contribuant à faire reculer
encore le rendement des emprunts grecs à dix ans sur le marché
secondaire, tombé mercredi en séance en dessous de 6 % pour la
première fois en quatre ans »… Avez-vous vu le
génie dans cette situation ? Allez je vous
aide. Les taux de la Grèce baissent avant qu’elle ne revienne
sur les marchés, pas parce que la Grèce serait solvable et plus
surendettée et plus en récession (non, la Grèce a plus
de 170 % de dette sur PIB et elle est toujours en récession au moment
où vous lisez ces lignes) mais simplement parce que l’on annonce
qu’elle va revenir sur les marchés. Je suis peut-être le
seul mais je trouve ce genre de raisonnement absolument exquis. Les
marchés et nos autorités financières relèvent du
divin.
Combien va
rapporter le fait de prêter à un pays en faillite l’argent
des autres ?
Vous n’êtes tout de
même pas naïfs, vous ne pensez pas que c’est Goldman Sachs
qui va refiler ses sous à la Grèce… Non, ils les ont
aidés à truquer leurs comptes publics, ils savent donc bien que
c’est mort. Non, ce sont vos sous que l’on va prêter
à la Grèce. Enfin, vos sous, soit à travers la BCE qui
achètera ces titres obligataires (ce qui revient à dire que ce
sont vos sous), soit ce seront les grandes banques et grandes compagnies
d’assurance vie qui pour « faire plaisir » aux
autorités de tutelle mettront quelques lignes grecques dans vos FCP ou
encore dans vos contrats d’assurance vie fonds euros. N’oubliez
pas que vous n’êtes pas là pour vous enrichir avec votre
épargne. Nous ne sommes qu’un troupeau de bovins (de
« veaux » disait le Général)
destiné à l’abattoir, ce qui veut dire financièrement
parlant que nous sommes là pour assurer la contrepartie en
liquidités à nos maîtres. Telle est notre vocation et
notre rôle.
Ce placement du siècle
auprès d’un pays surendetté et en
récession/déflation va vous rapporter la somme, tenez-vous
bien, de … (roulements de tambour) 5,25 % !! (« Des sources ont
déclaré à Reuters que la mise à prix aurait lieu
jeudi et deux investisseurs ont déclaré que la Grèce
allait sonder l’intérêt des opérateurs en proposant
des rendements indicatifs dans une fourchette comprise entre 5,25 % et 5,5 %.
»)
Heu… il se pourrait que la
Grèce ne soit pas « totalement » sortie
d’affaire…
Attention quand même, dans un
soucis louable d’objectivité, l’agence de presse Reuters
indique tout de même que « cette émission sera une
étape importante pour la Grèce qui, contrairement à
d’autres pays aidés, comme l’Irlande ou le Portugal, est
encore loin d’être tirée d’affaire, comme en a
témoigné récemment l’hypothèse d’une
troisième aide »…
Tiens donc,
finalement la Grèce n’irait pas encore tout à fait aussi
bien que cela ? Impossible !
« Le pays a été
maintenu à flot par les 240 milliards d’euros d’aides
reçus de l’Union européenne et du Fonds monétaire
international (FMI) et par les 15 milliards d’euros levés via
les bons du Trésor.
Le gouvernement grec, qui va toucher la dernière tranche du plan
d’aide international dans le courant du mois, a exprimé le
souhait de ne pas solliciter davantage la zone euro. Mais les partenaires
européens d’Athènes restent sceptiques sur sa
capacité à s’autofinancer dès l’année
prochaine. »
En clair, si vous voulez mon avis,
vous pouvez toujours donner vos sous à la Grèce pour du 5,25 %,
mais si vous n’y voyez pas d’inconvénient je vous regarde
faire avant. Je vous en prie, passez les premiers.
De la tragédie à la comédie grecque… l’enjeu
des élections européennes !
Ne soyons pas dupes mes chers amis,
d’ici un gros mois nous allons être appelé à voter
pour l’Europe… enfin sans doute contre l’Europe pour un
grand nombre de nos concitoyens. Évidemment, annoncer et faire croire
aux gens que tout va beaucoup mieux que bien, cela va les calmer un peu et
l’objectif inavoué est de peser sur le scrutin et
d’essayer de limiter la casse car le rejet de l’Europe est
actuellement assez partagé au sein des pays en particulier de la zone
euro. Le risque est évidemment de voir débouler au Parlement
européen une espèce de salmigondis d’europloucs
et d’europhobes qui viendrait quelque peu gripper la belle
mécanique à entubage des peuples de
nos europathes.
Là encore, nous remontons au
cric le « moral » des troupes, nous faisons croire, nous
communiquons, nous manipulons, nous faisons de la propagande, mais
derrière tout cela il n’y a aucune réalité
économique. Nous avons simplement changé le sens des mots, nous
avons tout simplement décidé d’utiliser des outils
« non-conventionnels » et il faut comprendre par
là que tout le jeu est désormais totalement
truqué.
Vers un rejet
massif de l’Europe ?
Il est fort probable que, dans un
mois, les élections européennes soient marquées par un
fort taux d’abstentionnisme mais également par une
poussée qui sera vraisemblablement surprenante du Front National pour
le cas spécifique de la France, et de façon
général pour l’Europe entière de mouvements
nationalistes. Une forte défaite des partis europhiles
est à prévoir et pour plusieurs raisons.
D’abord, l’Europe ce
n’est pas la richesse et la croissance comme tant vanté mais
bien l’austérité et la récession. C’est sur
cette politique profondément antipeuple que
ne peut que prospérer un sentiment anti-européen.
Ensuite, et c’est le cas en
France, les élections européennes sont un grand
défouloir démocratique. C’est assez normal, finalement,
l’Europe c’est loin, cela ne nous touche pas directement et a
moins d’impact qu’une élection locale comme les
municipales. Résultat ? Je parierais bien un billet chez un bookmaker
anglais que le FN pourrait arriver en tête en France ce qui
créerait un séisme politique majeur.
Politique
fiction…
Alors que ressortent
opportunément ces derniers temps les extraits du livre
d’Hollande de 2006 où il déclarait qu’en cas de
désaveux massif ou de crise forte à mi-mandat s’imposerait un exercice démocratique.
Imaginons un score très
élevé du FN qui serait un alibi parfait.
Imaginons que le gouvernement Valls ne soit qu’un gouvernement de
transition et temporaire.
Imaginons que François Hollande, toujours obnubilé par la
méthode Mitterrand et sa réélection en 2017,
décide de redonner le bébé à la droite et
qu’il dissolve l’Assemblée.
Imaginons que la droite l’emporte. Alors elle s’usera et
s’échinera à faire la politique d’austérité
dont personne ne veut. François, lui, comme celui d’avant,
prendra la position du vieux sage et du vieux singe, fera la politique des
petites phrases, savonnera la planche de son Premier ministre de cohabitation
et apportera sans doute son soutien aux manifestants de tous poils… La
droite discréditée n’aura aucune chance en 2017…
François comme l’autre François en 88 se fera
réélire dans un fauteuil. François le grand démocrate,
celui qui n’hésite pas à consulter le peuple… tout
bénef, y compris Manu qui ne sera pas en position de se
présenter en 2017 puisque relégué dans
l’opposition (et encore, à condition de se faire élire
député, parce qu’en faisant 5 % aux dernières
primaires du PS il a peu de chance d’en devenir le 1er
secrétaire).
La gauche, en
réalité, a déjà perdu, alors imaginons que la
bonne question ne soit pas comment aller jusqu’à la fin du
mandat, mais comment sauver les meubles et sauver l’essentiel, à
savoir la présidence et quelques sièges de
députés, car avec des triangulaires nombreuses avec le FN, la
majorité de la droite ne serait sans doute pas écrasante, loin
de là…
Mais tout cela n’est que des
élucubrations de conversations avec des camarades contrariens
qui se reconnaîtront.
Restez à
l’écoute.
À demain… si vous le
voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les
révolutions pacifiques, on rend inévitables les
révolutions violentes »
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