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Des synonymes évolutifs de ce qu'on dénomme "monnaie" aujourd'hui.

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Extrait des Archives : publié le 06 décembre 2013
2336 mots - Temps de lecture : 5 - 9 minutes
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Rubrique : Fondamental



 
Hier, en relation avec ce qu'on dénommait alors "monnaie", les économistes s'intéressaient aux marchandises qui avaient été échangées par les gens et qui avaient donné lieu à ... la monnaie.


La marchandise était une autre façon de parler du marché.


Par la suite, et ce qu'on dénommait "monnaie" perdant toute réalité à cause des réglementations imposées dans l'aveugle, les économistes ont divergé. 


Beaucoup ont perverti de diverses façons ce qu'il convenait d'en penser.


1. Menger et la vendabilité de la monnaie.


Dans le but d'expliquer la monnaie, Carl Menger (1840-1921) avait constaté que, dans le passé, des marchandises avaient donné lieu, chacune, à une marchandise vendue aisément, pas toujours la même selon les temps et les espaces, qu'il était quotidien de dénommer "monnaie".
Il l'admettait vendable aisément dans l'avenir et y voyait une marchandise vendable.


1.a. Vendabilité ou pouvoir de vente.


Au lieu de marchandise vendable ou de vendabilité de la marchandise dénommée "monnaie", Menger aurait pu faire intervenir la "puissance de vente", le"pouvoir de vente" ou la "force de vente" de la monnaie ainsi cernée.
Il ne l'a pas fait et ne s'est pas confronté ainsi à ce que d'autres économistes dénommaient, par habitude, pouvoir ou puissance d'achat de la monnaie (cf. ci-dessous).


1.b. Remarque: marchandise ou service.


Soit dit en passant, la marchandise ne saurait cacher le service.
Le service ne saurait être opposé à la marchandise comme il l'est souvent et malgré ce que font croire les statisticiens dans leurs travaux.
Service et marchandise sont synonymes d'une façon générale.


Seulement, à la différence de la marchandise qui est matérielle, le service ne l'est pas (cf. Bastiat (1801-1850), http://bastiat.org/fr/services.html) ...
A défaut de faire référence à la marchandise, on peut dire aussi que le service est d'abord synonyme d'acte échangé ou échangeable, l'acte cachant toujours un coût d'opportunité.

Mais quand on raisonne en termes de résultats d'actes humains et non plus en termes d'actes humains, les difficultés s'amoncellent.
Il y a, en particulier, l'absurdité, aujourd'hui à la mode, de parler de marchand et non marchand et d'appliquer ces mots à la notion de "service".
Selon ces extravagants, il existerait des services marchands et des services qui ne le seraient pas.
Oubliant qu'il n'y a de service qu'échangé ou échangeable, ils insistent sur un aspect de ce à quoi le marché des services a donné lieu, à savoir le prix en monnaie ... quand il y a donné lieu (cf. Léon Walras, 1834-1910, Eléments d'économie pure, §185 sur la question du marché des services).
Bref, il faut admettre que le service marchand ou la marchandise service est un pléonasme tandis que le service non marchand est un oxymore.


1.c. Remarque : service et fonction.


Sans relation avec le service, les "fonctions" de la monnaie sont le plus souvent mises au premier plan:
- échange,
- unité de compte,
- réserve de valeur.
Mais ce qui est dit des fonctions n'est qu'une façon de parler de tel ou tel service, sans le dire.
Avec l'essor de la politique monétaire, le chaos devient plus énorme.
En effet, quitte à voir dans la monnaie des fonctions, rien ne justifie de les limiter à trois: les rôles de la politique monétaire sont des fonctions de la monnaie dont personne ne parle et dont il faudrait parler pour être cohérent.


1.d. Remarque : fonction et institution.


La fonction crée l'organe ou l'organisme, ou bien l'inverse: telle était une grande question du XIXè siècle, entre autres, en relation avec la biologie.
Qu'à cela ne tienne, depuis la décennie 1930, des économistes ont mis l'accent sur les institutions, autre façon de parler des organismes.
Ce fut, en particulier, le cas à partir des travaux de R. Coase (1910-2013) sur la "nature de la firme" (1937).
Et ils ont vu, depuis lors, dans ce qu'on dénomme aujourd'hui "monnaie" une institution ou un ensemble d'institutions contre quoi Jacques Rueff (1896-1978) tendait à s'élever (cf. ce texte de novembre 2013).


2. Fisher et le pouvoir d'achat de la monnaie.


Malgré le titre du livre intitulé The Purchasing Power of Money (1911), qui laisse penser que le pouvoir d'achat de la quantité de monnaie est le coeur du livre, Irving Fisher (1867-1947) s'est intéressé d'abord à l'équation des échanges des marchandises passés.
Après s'être polarisé sur les échanges passés et à la différence de Menger, Fisher a mis, semble-t-il, sans le vouloir, l'accent sur
- le pouvoir d'achat de la marchandise ou, si on préfère,
- l'achetabilité de la marchandise (... en ligne de mire de son demandeur).
Cela l'a amené à insister sur le pouvoir d'achat de la monnaie, notion chère au début du XXè siècle à Ludwig von Mises (1881-1973) pour désigner la "valeur" de celle-ci.
De l'"équation des échanges", une équation qu'il considérait du premier degré à une inconnue, Fisher a déduit et calculé l'inconnue qu'il a dénommée "vitesse de circulation de la quantité de monnaie" et que, plus tard, les monétaristes (à commencer par Milton Friedman, 1912-2006) monteront en épingle.
De là, sans explication déterminante, il a expliqué qu'à certaines conditions en relation avec la vitesse de circulation de la monnaie, primo, toute variation de la quantité de monnaie dans un sens provoquait une variation des prix en monnaie ou du "niveau des prix" de même sens et, secundo, que les effets de la variation de la quantité se répercutaient sur les prix en monnaie.


Remarque: Pareto et les prix en monnaie.


Pour sa part, Vilfredo Pareto (1848-1923) était réservé à l'égard de la notion de pouvoir d'achat de la monnaie (qu'il dénommait aussi "puissance d'achat", §75 de son cours d'économie politique de 1896-97) et préférait mettre l'accent sur les prix en monnaie.
Il considérait ainsi que la monnaie était la marchandise qui servait de prix aux autres marchandises (ibid., §269).
Soit dit en passant, le "schéma de la boite géométrique des marchandises échangées" - qu'on peut lire dans son Manuel d'économie politiqueet qui permet d'expliquer économiquement les échanges synallagmatiques de marchandises échangées -, sera imputé curieusement, par la suite, à F.Y. Edgeworth et A.L. Bowley (comme l'expliquent et s'en formalisent Tarascio (1972)

 puis Weatherby (1976)).
Sans le savoir, ces travaux sur Pareto complètent la façon dont ses idées ont été dénaturées à partir de la décennie 1930 par un certain nombre d'économistes (... en particulier américains, cf. ce texte de juillet 2009).

3. Marchandise, pouvoir de vente ou pouvoir d'achat et échangeabilité.


Les notions de vendabilité et d'achetabilité des marchandises, de pouvoir de vente et de pouvoir d'achat de la monnaie, sont deux voies opposées qui confortent, chacune, les notions d'offre et de demande de la marchandise, du marché.
Mais elles peuvent aussi être regroupées dans la notion d'échangeabilité.
En d'autres termes, échangeabilité devient alors synonyme de marchandise.
Reste qu'à la différence de la marchandise ou du service qui est autant ex post que ex ante (on ne s'inquiète pas de la durée), l'échangeabilité suppose l'avenir et est uniquement ex ante.


4. Cassel et la liquidité comptable d'une créance.


Parallèlement, Gustav Cassel (1866-1945) s'était intéressé, quant à lui, à la comptabilité des échanges effectués permise par ce qu'on dénommait "monnaie" et au remboursement prochain attendu des créances par le propriétaire, en faisant intervenir la notion de "liquidité".

La liquidité n'était donc qu'une considération comptable, un rapport de la créance à la créance à sa maturité prochaine convenue (selon Hutt, 1956).
A ce stade, la liquidité n'avait encore rien à voir avec les synonymes de marchandise, de service, etc. et d'échangeabilité.


5. Convertibilité des "substituts de monnaie bancaires" en monnaie or et réglementation.


Au début du XXè siècle, sans que l'accent fût mis sur le mot, la convertibilité avait rejoint les notions de vendabilité ou d'achetabilité.
Comme celles-ci, elle supposait l'avenir et situait ex ante.


Etaient en question les "substituts de monnaie bancaires" (billets et comptes de dépôt bancaires) en monnaie or.
La réglementation qu'est l'interdiction de la convertibilité des substituts de monnaie bancaires en monnaie or et qui fut instauré à partir de la décennie 1930, aura pour conséquence extraordinaire qu'il n'y a pas eu de variation des règles de la comptabilité bancaire pour autant.
Tout s'est passé en effet comme si cette nouvelle réglementation n'avait pas eu pour le législateur d'impact sur la comptabilité.
Pour les uns, on ne voulait pas modifier les règles, pour les autres, on ne savait pas faire.


Et sur ce dernier point, les faits se sont accumulés jusqu'à aujourd'hui inclus (par exemple, le "hors bilan" des banques).
Simultanément, malgré la nouvelle réglementation sans variation comptable supposée, les substituts de monnaie bancaires
- ont été pris pour "monnaie" au lieu d'être considérés pour ce qu'ils devenaient, des "substituts de rien bancaires" et
- sont devenus, pour des économistes orthodoxes, "monnaie interne" et "monnaie externe" à la suite des travaux de Gurley et Shaw (1960, cf. ce texte de novembre 2013).

Soit dit en passant, cette distinction ne doit pas être confondue avec la distinction qu'évoquait Ludwig von Mises dans un article de 1917-1918 [repris dans la deuxième édition allemande de Theory of Money and Credit, puis reléguée par la suite dans une annexe].
Elle a trait à la distinction entre la "valeur interne" (Binnenwert) et la "valeur externe" (Aussenwert) chère aux étatistes comme Lexis, par exemple.1)
1) Lexis, "Papiergeld," in Handwörterbuch der Staatswissenschaften, 3d. ed., vol. 6, pp. 987 ff

6. Keynes et la liquidité.


Au moment où l'interdiction de la convertibilité commençait à dénaturer ce qu'on avait dénommé jusqu'alors la monnaie, tout va changer.
La liquidité appliquée à une marchandise allait acquérir un sens d'échangeabilité mais cacher le coût d'opportunité de cette dernière.

Sans faire référence à ce coût, John Maynard Keynes (1883-1946) a en effet enfoncé le clou en parlant de "préférence pour la liquidité" pour désigner une composante de la demande de monnaie qu'il particularisait ainsi dans le livre intitulé Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936) et qui s'opposait à la demande de certaines créances/dettes.
Etant donné l'épargne nouvelle et les créances/dettes à long terme, à revenu fixe, à taux d'intérêt nominal invariable, à quoi il supposait que s'attendait avec incertitude l'épargnant/investisseur, Keynes a en effet défini la "préférence pour la liquidité" comme une composante de la demande des substituts de monnaie bancaires - convertibles ou non en monnaie or, on ne sait - par opposition à la demande de créances/dettes longues, à revenu fixe.
La prévision "variation monnaie et créances/dettes à long terme" dans l'avenir faisait prévoir à l'épargnant/investisseur, en théorie, un gain ou une perte à court terme selon qu'il choisissait la monnaie ou la créance/dette.
James Tobin (1918-2002) a proposé, vingt ans plus tard, une explication microéconomique faisant intervenir des notions nouvelles, complémentaires comme celle d'"aversion pour le risque".


7. Trappe à liquidité
Dans la foulée, un débat a commencé à opposer les économistes sur l'influence des taux d'intérêt des créances/dettes et la politique monétaire des autorités.
Par "trappe à liquidité", il fallait entendre l'influence inefficace de la politique monétaire, les variations de la quantité de monnaie étant supposées incapables de faire varier dans le bon sens les créances/dettes, la production ou le revenu.


8. Monnaie, liquidité et réserve.


La liquidité a acquis alors une troisième signification en relation avec la réglementation.
Au lieu que les mots "monnaie" ou "liquidité" continuent à être employés, le mot "réserve" leur a été préféré par les officiels, au prix d'un adjectif complémentaire.
Il y avait déjà :
- les "réserves fractionnaires", rapport entre les substituts de monnaie bancaires et le crédit,
- les réserves obligatoires des banques de second rang auprès de la banque centrale imposés par le législateur.
Il y aura désormais les "réserves publiques de change officiel" de la banque centrale d'un pays étant donné les taux de change fixes et balance des paiements en équilibre des pays membres (Bretton Woods 1944

). Elles sont aussi dénommées "réserves internationales".


9. Liquidité, prix en monnaie des actifs et concurrence .


La liquidité a acquis enfin un quatrième sens en relation avec les prix en monnaie des créances/dettes, des créances/dettes (obligations) non distinguées des actions de société (hypothèse des statisticiens), pour en faire des actifs homogènes.
Depuis la décennie 1950, les "financiers" parlent ainsi de "liquidité parfaite" pour désigner une concurrence à élasticité des "prix des actifs" infinie.
La liquidité est imparfaite quand l'élasticité n'est pas infinie.


10. Hicks et la liquidité.
Suite au rapport Radcliffe (1957), John Hicks (1904-1989) est revenu en 1962 sur la notion de liquidité à quoi il s'était intéressé, en particulier, en 1935 en relation avec ce qu'il avait dénommé alors "frictions".
Il faut reconnaître que, d'une part, les "frictions" étaient pour lui une façon de ne pas parler des coûts des actes d'échange ...
D'autre part, elles s'opposaient à la préférence pour la liquidité de Keynes qui avait laissé de côté le coût d'opportunité des actes d'échange entre "monnaie" et "créances/dettes".

Elles étaient une autre façon de parler de l'élasticité prix imparfaite des actifs.


11. Un dernier mot: l'acte d'échange avant la "monnaie".


Bref, au coeur de toutes ces définitions de mots (marchandise ou service ou fonction ou institution/organisme, pouvoir de vente ou d'achat, échangeabilité et liquidité de tel ou tel degré), qui s'articulent sur le mot "monnaie", il y a un mot important, véritablement économique, qui est rarement évoqué, à savoir celui de coût d'opportunité de l'acte d'échange humain, hormis peut-être par le groupe de Bellagio.


Sans le dire, tous les mots précédents tournent autour de ce coût et, surtout, autour de sa diminution dont ils ne semblent pas avoir idée et à quoi donne lieu ce qu'on dénomme "monnaie" aujourd'hui.
Ce qu'on dénomme "monnaie" aujourd'hui cache en effet le coût d'opportunité des actes d'échange de situation de chacun.
Le problème de la monnaie n'est pas d'abord sa quantité, mais son existence (expliqué par la boite de Pareto) et le coût d'opportunité de l'acte d'échange humain (quand on ne se limite pas aux résultats observables) que ce qu'on dénomme "monnaie" aujourd'hui contribue à diminuer.
Bref, la monnaie n'est pas première comme beaucoup s'en accommodent, mais au mieux deuxième, elle est conséquence des actes d'échange des êtres humains et non pas cause.



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Georges Lane enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels libéraux authentiques en France. Publié avec l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits réservés par l’auteur
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